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Point de vue n°36

Cahier d'acteur n°17 - Club Power to Gas

2823 (ARCUEIL) Site internet

"Le « Power to Gas », levier de réussite de la transition énergétique : un contributeur majeur à une décarbonation ambitieuse de tous les secteurs d'activité par conversion de l'électricité, et une solution pour le stockage de l'énergie."

Commentaires

Quels sont les rendements énergétiques attendus pour les cycles power-to-gas-to power dans le cas de l'hydrogène et du méthane? Cela a-t-il été vérifié sur des pilotes? Lesquels ?
Pourquoi en pas faire en Bretagne, qui n'a ni nucléaire ni combustibles fossiles, et une faible autonomie électrique ( 15 %), un démonstrateur de l'efficacité de ces méthodes à une échelle industrielle?

92500

Depuis que l'Adème a pris à son compte le 100 % ENR de Négawatt et a parlé du stockage par la méthanation par réaction de Sabatier, un certain nombre d'ingénieurs spécialistes de la production électrique a fait un calcul montrant qu'au mieux le rendement de cette opération était de 20 % et ceci a été présenté à l'Adème.
Puis il a été convenu que nous aurions sous peu les rendements donnés par les pilotes industriels en cours de montage pour essai.
Nous attendons toujours les résultats et nous pensons qu'en leur absence, la méthanation, qui est une opération réalisable, n'a pas les rendements requis. Produire 5 MWh pour en récupérer 1 ne nous paraît pas une solution sérieuse.

69003

Messieurs,

Une unité de « Power to Gas » convertit de l’électricité en un vecteur gaz, de l'hydrogène, qui peut être combiné à du CO2 pour former du méthane, qui peut ensuite être utilisé pour tous ses usages habituels (chaleur, mobilité, matière première de l’industrie …).

Le rendement de conversion (PCS) de l'installation de Power to Gas dépend de l’efficacité de l’électrolyseur et de l’unité de méthanation :

Power to hydrogène :

Les électrolyseurs « alcalin » et « PEM » ont un rendement actuellement compris entre 70 et 80%. La perte de 20-30% se retrouvent sous forme de chaleur vers 70°C.

L’électrolyse haute température présente quant à elle des rendements supérieurs à 95% mais nécessite une source de chaleur externe supérieure à 250-300°C.

Power to méthane :

La réaction de méthanation, réaction de Sabatier, est une réaction exothermique, qui dégage 165kJ/mol de chaleur. L’énergie comprise dans l’hydrogène se retrouve à 80 % dans le méthane; le rendement de conversion est donc d’environ 80% (énergie contenue dans le méthane par rapport à l’énergie contenue dans l’hydrogène, les autres 20% se retrouvent sous forme de chaleur vers 300°C dans le cas d’une méthanation catalytique, et donc valorisable).

Pour une unité associant une électrolyse basse température et une méthanation, un rendement de 75% pour l’électrolyseur et de 80% pour la méthanation donne un rendement de conversion de 60%, pour une unité comprenant un électrolyseur haute température on obtient 76%.

Une chaîne de conversion d’électricité en méthane permet ainsi des rendements de conversion entre 60% et 76% selon les briques technologiques utilisées et l’intégration thermique à l’échelle du système.

A titre d’illustration :

L’unité d’Audi de 6MW à Wertle associant une électrolyse alcaline et une méthanation catalytique rapporte un rendement de conversion de 54%.

http://www.kit.edu/kit/english/pi_2018_009_power-to-gas-with-high-effici...

Un projet Européen associant une électrolyse haute température et une méthanation catalytique rapporte un rendement de 75%

http://www.cedec.com/files/default/8-2014-05-27-cedec-gas-day-reinhard-o...

Les 1ers démonstrateurs de méthanation en France devraient bientôt confirmer ces données (Projets Minerve à Nantes, Jupiter 1000 à Fos sur Mer …). Le choix des emplacements des démonstrateurs lors du déploiement futur dépend :

· Lorsqu’une méthanation est prévue, proximité des sources en CO2 utilisables à moindre coût (industrie, site de méthanisation agricole …)

· Des besoins de stockage (proximité de sources d’électricité renouvelables, caractère intermittent de cette production, présence éventuelle de congestions du réseau électrique situé en aval …)

· La proximité combinée des réseaux électriques et gaziers

La localisation des futurs projets se traitera au fil des besoins, et des choix des porteurs de projets.

Vous noterez cependant qu’une communauté urbaine bretonne est membre du Club Power to Gas de l’ATEE, affichant ainsi tout son intérêt au déploiement de cette filière.

Les rendements obtenus sont cependaant nettement plus bas lorsqu’un retour direct du gaz vers l’électricité est ajouté à cette chaîne (on parle alors de « Power to Gas to Power »).. En effet, la conversion de gaz vers électricité présente également des pertes de rendement.

Le Club Power to Gas ne porte pas la solution « Power to Gas to Power », dont les rendements sont faibles, et promeut la solution « Power to Gas ». Une conversion d’électricité en un vecteur gazeux adresse ainsi tous les usages habituels du gaz comme la mobilité, la chimie, la chaleur …

Le Power to Gas est donc une solution de stockage d’énergie, complémentaire aux batteries. En effet, le Power to Gas, s’il ne restitue pas l’énergie sous forme électrique, permet un stockage inter-saisonnier et un découplage spatial (l’énergie n’est pas restituée là où elle a été produite) grâce aux réseaux de gaz naturel et aux sites de stockages souterrains.

Espérant avoir répondu à vos questions et restant à votre disposition pour toute question complémentaire.

Bien cordialement.

94110

Vous dites vous même que votre projet n'est pas de faire de l'électricité. (effectivement, si on rajoute 50 % de centrale gaz, on est à 30% avec vos rendements de (optimistes) de 60% de méthanation, et sans perte de stockage et transport de gaz.
Votre projet ne peut donc être qualifié de stockage pour les ENR intermittentes. La question de leur intermittence reste entière.Il n'est pas une alternative aux batteries.
D'autre part, où trouvez vous la quantité de CO2 nécessaire? Les installations de méthanisation sont loin de faire un appoint significatif, sauf à ne plus cultiver que pour méthaniser. Et séparer le CO2 de fumées de combustion est très coûteux en énergie, c'est ce qui fait capoter les essais d'enfouissement.
Dans mon analyse du scenario Negawatt, j'ai calculé que essayer de boucler les besoins conduit à 40 000 éoliennes, 38 000 méthaniseurs, des kirielles de gazoducs....L'installation d'Audi, impressionnante par sa taille, représente une production marginale comme je l'ai calculé dans mon point de vue No8.

Tout cela est peut être techniquement réalisable, mais ni socialement, ni économiquement.

75013

Vos informations sont très intéressantes.
Sans être aucunement spécialiste, j'ai entendu dire que les électrolyseurs n'aiment pas beaucoup les à-coup de production. Vous avez certainement étudié ce que seraient les variations de la puissance disponible pour une électrolyse selon différents parcs de production d'électricité. Si la capacité éolienne est forte, ces variations peuvent être brutales (la variation du vent pouvant parfois s'ajouter à celle de la consommation).
Pourriez vous donc indiquer la variation maximale de charge, en plus ou en moins, de l'électrolyseur d'une heure à l'autre ?
Autre question : peut-on avoir une idée du montant des investissements, des coûts fixes et des coûts variable de la production d'hydrogène et de méthane (il faut alors compter le coût du CO2).
Je vous en remercie.
Henri Prévot

75007

Réponse à la question 3 intitulée « Au Club Power to Gas » posée par 4VConsulting (75013 Paris) le 07/05/2018 :

Stocker de l’énergie n’est pas obligatoirement stocker de l’électricité. L’électricité est d’ailleurs le vecteur qui se stocke le plus difficilement. Alors autant stocker l’énergie sous une autre forme (gaz, chaleur …). Et l’utiliser ensuite comme énergie directe, pour ses usages habituels.

Le power to gas est une chaine de conversion d’électricité en un vecteur gaz (hydrogène ou méthane) et d’absorber les surplus d’EnR. Mais aussi dans le cas de congestion du réseau électrique elles éviteront une déconnexion du réseau des EnR. Le gaz produit adressera plusieurs marchés dont celui de l’électricité. Le marché du power to gas pourrait représenter plusieurs dizaines de TWh par an en 2050. Le Power to Gas est complémentaire aux batteries et ne les remplace pas.
En Allemagne, l’intermittence des éoliennes génère dès aujourd’hui des problèmes de stabilisation du réseau électrique nord est Allemand avec plusieurs TWh produit non injecté sur le réseau. Ce ne sont pas des prospections ni des hypothèses mais une réalité.

Le CO2 quant à lui peut en effet provenir d’un méthaniseur. Il est alors nécessaire de dimensionner l’installation en fonction. Mais les ressources industrielles représentent un potentiel plus important, mais plus couteux en effet. Une unité de Power to méthane de 5MW demande 250 Nm3/h de CO2 ce qui est faible. Une unité de méthanisation de taille moyenne peut tout à fait fournir ce besoin de CO2. A plus grande échelle, la méthanisation, hors culture dédiée, peut fournir l’ensemble du CO2 nécessaire au Power to méthane. Quant au CO2 capté, ce sont des scenarios d’augmentation de cout des taxes d’émission de CO2 qui pourront à terme permettre à des industriels de capter leur CO2.
Si la réalisation technique est aujourd’hui en cours de démonstration (une telle installation d’ailleurs est en cours de construction dans le cadre du projet Jupiter 1000), le modèle économique de ces captages n’est pas encore d’actualité.

Il est cependant à noter que les projets d’enfouissement évoqués (CCS) comprennent un captage, épuration, transport sur de longues distances et enfouissement.
Dans le cas du Power to Gas, l’usage du CO2 implique toujours le captage et l’épuration, mais un transport local seulement et pas d’enfouissement. Cette solution devrait donc être accessible nettement plus rapidement. Le dimensionnement des installations se fera ensuite au fil des besoins.

Concernant l’acceptance sociétale et les coûts économiques, ce travail est en cours, quelques rapports publics sont disponibles. Du point de vue sociétal, valoriser du CO2 avant son émission dans l’atmosphère, favoriser le déploiement des EnR et une production de vecteurs énergétiques sur le territoire national sont des atouts pour son acceptance sociétale. Mais, il ne faut pas conclure trop tôt. Concernant le coût du méthane des premières études présente un coût proche du biométhane.

Réponse à la question 4 intitulée « Question sur les à-coups de production et sur les coûts » posée par Henri Prévot (75007 Paris) le 07/05/2018 :

La grande évolution récente des électrolyseurs a été de les rendre aptes à suivre les variations des besoins. Leur vitesse de démarrage leur permet aujourd’hui de passer d’un fonctionnement minimal de quelques pourcents jusqu’à leur production nominale en un délai très court, qui va de quelques secondes à quelques minutes en fonction des technologies déployées. Ces vitesses les rendent donc aptes à suivre les variations de la production électrique.

Un des objectifs des projets de démonstration en cours (par exemple Jupiter 1000, en cours de construction à Fos sur Mer) est de vérifier que ce mode de fonctionnement n’altère pas la fiabilité de l’installation, comme annoncé par les constructeurs.

Aujourd’hui les coûts d’investissement diminuent rapidement : le coût d’un électrolyseur a presque été divisé par 2 en 5 ans. Et il n’est pas stabilisé, car encore fabriqué pièce par pièce. Une industrialisation pourra faire diminuer encore largement ces couts, ainsi que la mise en œuvre de matériaux moins onéreux.

Disposer de coûts de production de l’hydrogène et du méthane acceptables restent actuellement un des défis que doit relever cette technologie naissante.
Vous pouvez trouver quelques éléments de coûts :

• Dans l’avis de l’ADEME sur l’hydrogène dans la transition énergétique, en date de février 2016 : http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis-ademe-hydr...

• dans l’étude « 100 % gaz renouvelable » publiée par l’Ademe, GRTgaz et GRDF fin janvier 2018 (http://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050),
• dans l’étude réalisée pour en 2014 par les mêmes commanditaires (http://www.grtgaz.com/fileadmin/engagements/documents/fr/Power-to-Gas-et...)
• Dans l’étude McKinsey de l’Hydrogen Council : Hydrogen scaling up - A sustainable pathway for the global energy transition

La connaissance des coûts de production est aujourd’hui un des produits de sortie attendus de ces démonstrateurs. En parallèle, le Club Power to Gas a aujourd’hui mandaté un de ses groupes de travail internes pour éclairer cette question.

94110

Nous sommes donc d'accord; vos projets ne résolvent en rien le problème de l'intermittence des ENR aléatoires.

Et si on veut fabriquer H2, par électrolyse, c'est plus simple de le faire en heures creuses aux bornes d'une centrale nucléaire, et à grande échelle, sans à coups..

Pour fabriquer le CH4, tout est question de disponibilité de CO2 et coût global. Pour l'instant on n'en a aucune idée.
Don ce c'est pas possible d'inclure ça dans une programmation.

75013

Je confirme tout à fait la réponse de 4Vconsulting du 28/05/2018. J'ajouterai que le problème n'est pas technique mais économique, le facteur négatif principal étant la faible durée de fonctionnement des installations Power to gas si elles sont exclusivement alimentées par de l'électricité éolienne et/ou photovoltaïque. Et plus encore si on n'utilise que les surplus de ces sources : le facteur de charge des électrolyseurs devient alors dérisoire et l'amortissement des installations quasi impossible.

78000

Merci beaucoup pour ces échanges très éclairants sur le Power to Gaz !

Dans ce qui suit j’utilise beaucoup « il me semble » ou « je comprends » car je ne suis pas expert.

Mais je pense d’abord que le jugement porté sur telle ou telle technologie en général, et le Power to Gaz en particulier, se doit d’être multi-critères (faisabilité technique, rendement énergétique, rentabilité économique, émissivité en gaz à effet de serre, consommation de ressources épuisables, etc). Ainsi si une solution paraît faible sur le plan économique, elle est peut-être forte sur le plan environnemental. Il y a un compromis à faire, et tous ces critères évoluent dans le temps.

Il me semble que la rentabilité économique du Power to Gaz dépendra beaucoup du prix du carbone.

Je comprends que la comparaison avec la production électrique à partir de gaz naturel, si on égalise la comparaison par rapport à la perte de rendement de 50% qui est valable dans les deux cas, n’est pas si défavorable, et que dans ce cas, l’efficacité du Power to Gaz par rapport au Gaz naturel est de 60% à 78%. Il me semble que cette perte pourrait à terme être compensée par le gain en émissions de CO2 évitées.

Il me semble que si l’on utilise le méthane pour des usages dispersés eux-mêmes émissifs dans l’atmosphère, on réduit au mieux (en supposant que le CO2 capté provient d’une installation fonctionnant elle-même au gaz) l’intensité carbone (rapport du CO2 émis à l’énergie produite) par un facteur deux. Je comprends qu’on peut réduire encore cette intensité si on boucle le cycle, en réinjectant le méthane dans l’installation initiale d’où le CO2 a été capté. Idéalement, on pourrait faire tendre l’intensité carbone vers zéro !

Je comprends que le Power to Gaz a vocation à utiliser l’électricité « fatale » des EnR électriques, c’est à celle qui, sans solution de stockage, serait produite en excès de la consommation instantanée et de toute façon perdue. Je comprends donc que le fonctionnement de la chaîne Power to Gaz est en première approche intermittent, tout comme les EnR électriques dont il dépend. Il me semble toutefois qu’en intégrant des stockages-tampons, par exemple des batteries en sortie des EnR électriques (ce qui me semble également une solution pour éviter les à-coups sur les électrolyseurs), ou bien stocker l’hydrogène en sortie de l’électrolyseur lorsqu’on veut produire du méthane, on peut cantonner les désagréments de l’intermittence en amont de la chaîne (qui je le reconnais est une sacrée « usine à gaz »).

J’ai vu qu’une société canadienne Carbon Engineering propose des installations d’extraction du CO2 de l’atmosphère. Comment cela peut-il être rentable énergétiquement et économiquement à un taux de 400 ppm alors qu’on dit que l’extraction de CO2 des fumées en contenant de l’ordre de 80% peut poser un problème ?

Je sais que la réaction de Sabatier nécessite un catalyseur à base de nickel ou des catalyseurs améliorés. Est-ce que les ressources mondiales de nickel, de lanthane ou d’autres éléments du système périodique, sont suffisantes pour pouvoir dire que le Power to Gaz est une solution à « longue durabilité » voire pérenne ?

Je pense que les ressources de Recherche et Développement devraient être consacrée massivement à résoudre les multiples questions de l’impasse environnementale globale, et que le Power to Gaz entre dans cette catégorie, et que les activités qui n’entre pas dans cette catégorie, sont souvent de l’ordre du gadget quand elles n’aboutissent pas à accroître les problèmes environnementaux.

92130