Point de vue n°62
Renouvellement du parc nucléaire
L'EPR de Flamanville a été présenté par EDF comme une tête de série pour préparer le renouvellement du parc de 58 réacteurs. Le démarrage de l'EPR prévu en 2019 serait, selon ce qu'on peut comprendre des intentions du gouvernement, suivie de l'arrêt de Fessenheim vers 2021-2022. Ce serait donc le début du renouvellement du parc.
Il est donc plus que temps de voir comment pourrait se dérouler ce renouvellement. Il est étonnant que le débat public sur la PPE ne semble pas s'être penché sur cette question. Nous essayons, donc, modestement de l'aborder ici.
Il serait déraisonnable de renouveler le parc en reproduisant à l'identique le rythme de construction des réacteurs de génération ii car il faudrait alors construire jusqu'à 5 EPR par an.
Nous présentons ici deux scénarios possibles de renouvellement. On suppose que tous les REP actuels auraient une durée de vie potentielle de 60 ans. Ceci suppose, bien entendu, que l'ASN accepterait une telle prolongation. On compare deux scénarios de renouvellement. Le premier scénario correspond essentiellement à l'étalement dans le temps de la construction des EPR au rythme du démarrage d'un EPR par an à partir de 2030. Le deuxième scénario suppose que tous les réacteurs actuels verront leur durée de vie effective prolongée à 60 ans.
Dans le premier scénario, les pertes de revenus d'exploitation sont très importantes, tandis que le deuxième scénario nécessite qu'EDF recoure de manière importante à l'emprunt.
Au bout du compte il semble que la solution la moins onéreuse serait un renouvellement au rythme d'environ 1 EPR par an. De plus, ce rythme lent et régulier est beaucoup plus favorable pour l'optimisation des commandes à l'industrie nucléaire. Il est aussi plus sûr dans le cas de décisions négatives de l'ASN pour certains prolongements.
Ces deux propositions de scénario ont, en fait, pour seul but de provoquer une réflexion et un débat absolument nécessaires. Faute d'une planification des arrêts des réacteurs les étalant dans le temps on se trouverait devant la nécessité de mettre en chantier 4 à 5 EPR dans la même année, ce qui serait manifestement impossible. A cause de cette impossibilité la puissance du parc diminuerait considérablement ce qui simulerait la fameuse panne générique .
Note : On n'aborde ici que le renouvellement du parc nucléaire à capacité identique, hypothèse la plus probable compte tenu des difficultés dans l'application de la loi LTECV
Commentaires
De la théorie à l'action: enfin une approche opérationnelle
Merci à M. Nifenecker de proposer un retournement de l'approche, afin de la rendre plus opérationnelle. Jusqu'ici on lit dans ces débats :
1/ Essentiellement des figures de style, le plus souvent exclusivement intellectuelles, dont le but est d'essayer de torpiller la source d'énergie qu'on n'aime pas et de promouvoir celle qu'on aime. Comme les plus actifs et les plus nombreux (à intervenir) dans ces domaines sont ceux qui croient à la quasi omnipotence de l'action publique et à la future rigueur et sobriété des consommateurs, oublient la multitude des "passagers clandestins" du processus, pensent que le soleil et le vent ne coûtent presque rien et qu'avec ça ce sera la fin d'une histoire énergétique du monde entier, la PPE ressemble à un face à face tragi-comique de deux camps incapables de faire progresser le débat.
2/ Au début l'affaire est simple. Il suffit, selon la dernière représentation nationale (le Parlement d'amateurs éclairés ou plutôt éblouis par leur omnipotence), de diminuer la part du nucléaire dans le mix électrique français. Puis il apparaît bien sûr que c'est en fait bien plus compliqué que ça et que l'objectif, pas forcément contestable en lui même, ne résume pas le problème. Celui ci est au moins double: (i) la part du nucléaire dans quoi ? dans la capacité apparente de génération électrique ? Ou en GWh ? Pour la demande basique de l'été ? Celle de l'hiver ? ou la demande maxi de l'été ou de l'hiver ? A quelles heures du jour et de la nuit ? Avec quelles hypothèses d'importations (timing et prix) et d'exportations ? (ii) Et par quoi remplacer les capacités nucléaires à fermer ? Par des renouvelables intermittents, intermittence elle même garanties par d'autres ressources ... fossiles ?
Si on oublie les sympathiques beaux parleurs évoqués au paragraphe 1 ci dessus, et si on ne peut pas (ce qui semble être le cas) répondre aux questions et faire face aux différents scénarios possibles évoqués au paragraphe 2, eh bien je pense que l'approche de M. Nifenecker, qui retourne le tapis et redistribue les cartes par l'un des bouts de la problématique, permettra aux débateurs et planificateurs, en responsabilité, d'entrer ENFIN dans le vif du sujet - sans pour autant pré-empter le résultat de la PPE. Merci M. Nifenecker.
Enfin une proposition réaliste sur le renouvellement
Merci de votre document qui propose concrètement un plan pour le renouvellement du parc nucléaire français. Même si beaucoup de choses sont encore à étudier en détail, j'espère que nos décideurs se saisiront de ce genre de proposition pour lancer ce renouvellement indispensable et ne plus faire l'autruche!
Renouvellement du parc nucléaire
Je me félicite des avis exprimés par les précédents commentateurs et de voir que le bon sens n’a pas complètement disparu.
Mais avant de parler de nouveaux réacteurs n'oublions pas le cas du réacteur Fessenheim dont la fermeture est prévue après la sortie la nouvelle PPE : Il faut annuler la décision tragique : la fermeture de Fessenheim. Pour ce débat d’autres que moi ont fait l’analyse en détail.
Redisons-le : Une nouvelle loi, même incomplète, doit être soumise au Parlement pour remplacer d’urgence l’actuelle loi LTE.
L’Etat regagnera quelques milliards !
Je souhaite qu’on lance très prochainement en France la construction d’un réacteur ATMEA, 1100 MWe (de 3ème génération comme l’EPR 1650 MWe) - celui qu’on allait vendre à la Turquie en quatre exemplaires et que la Turquie ne veut plus. Le marché de réacteurs dans cette gamme de puissance est considérable, car de très nombreux pays ne peuvent avoir un réseau électrique supportant les 1650 MWe de l’EPR. On a vu qu’ayant omis pour l’EPR cette précaution de construire un « premier de série » en France, il en était résulté un enchaînement grave. Que cet ATMEA soit le premier de série décidé calmement, sur lequel nous montrions les qualités de notre réacteur (franco-japonais) concurrent du réacteur chinois Hualong One !
Une difficulté est peut-être qu’EDF est intéressée au Hualong One par ses accords avec les entreprises chinoises.
Veut-on dépendre à jamais des Chinois pour les 1000-1100 MWe ? Renoncerait-t-on à les concurrencer ?
Je soutiens enfin la recommandation de la SFEN dans le cadre des PPE, de construire en France des EPR par paire. Lorsque les unités de Flamanville, de Finlande et de Chine (2) auront démarré, avec l’expérience de leur construction et de leur début d’exploitation on bénéficiera d’un sérieux « retour d’expérience », on saura précisément comment construire des EPR de série, et combien cela coûte.
Il faut donc très prochainement décider et annoncer largement cette intention, pour de nouveau inspirer confiance aux jeunes et à tous les clients potentiels ! Par paire sur un même site parce que c’est moins cher ; et à une cadence qui sera fonction des besoins, puisqu’on devra bien fermer certaines unités anciennes après avoir bien réfléchi et en fonction des appréciations de l’Autorité de Sûreté.
il faut lancer un grand programme de constructions d'EPR
Merci pour cet article pertinent qui montre la voie à suivre pour ne pas manquer d'énergie dans les années à venir.
Les renouvelables peuvent être très utiles pour remplacer le pétrole et le gaz : solaire thermique, pompes à chaleur, biogaz...
Dans le domaine de l'électricité, les difficultés de stockage rendent impossible de compter sur l'éolien et le photovoltaique dont la production dépend de la meteo. Des centrales pilotables sont donc nécessaires, le nucléaire est primordial pour cela !
Merci aux dirigeants des années 70 : grâce à eux nous bénéficions aujourd'hui d'une électricité bon marché, fiable et peu polluante .
Il est temps de mettre en chantier la construction de nouveaux réacteurs si on veut que nos enfants et petits enfants vivent décemment !
Une évidence
Le nucléaire est actuellement, et de loin, notre principal atout en ce qui concerne notre impact sur le climat: nous avons fait une bonne part de la transition énergétique par rapport, par exemple, aux allemands.
Par ailleurs, avec deux nouveaux modèles, l'EPR de 1600 MW et l'ATMEA de 1000 MW notre industrie a développé une nouvelle génération de réacteur qui permet de garantir la sûreté et la compétitivité de l'électricité produite.
Il est donc surprenant que dans une enquête publique, qui nous semble verrouillée alors qu'elle était sensée nous demander avis et suggestions, on persiste à faire référence à une baisse de la contribution du nucléaire. Les seules vraies possibilités pour un pays comme le notre sont un renouvellement du parc qu'il faut optimiser économiquement et un développement de l'électricité décarbonée en remplacement du gaz, du fioul et du charbon dans tous les secteurs, chauffage et transports en particulier. En ce sens un développement du nucléaire, pilotable, auquel adosser des renouvelables électrogènes à un niveau raisonnable pour ne pas alourdir inutilement les investissements, semble la bonne voie pour le futur.