Point de vue n°117
Le projet de RT 2018/2020 : d’objectifs généraux souhaitables à des modalités d’applications... aberrantes pour le climat !
Le projet actuel de RT 2018/2020 se donne comme objectif de passer d'une règlementation essentiellement thermique (celle de la RT 2012) à une règlementation qui soit également environnementale, en y incluant les consommations énergétiques et émissions de gaz à effet de serre (GES) durant tout le cycle de vie du bâtiment, de sa construction à sa démolition. Évolution souhaitable dans son principe... À ceci près que son application concrète introduit des biais qui vont à l'encontre des objectifs climatiques ! Sur plusieurs points majeurs :
* Le maintien du décompte en énergie primaire existant dans la RT 2012 conduit à favoriser le gaz au détriment de l'électricité, alors qu'en moyenne annuelle il émet 3,6 plus de CO2 que le chauffage par électricité joule et 11 fois plus que le chauffage thermodynamique par pompes à chaleur !
* La formule « administrative » de « compensation » énergétique entre énergies fossiles consommées durant l'hiver et énergies renouvelables essentiellement produites en été (solaire photovoltaïque) dépourvue de toute signification physique constitue de facto un permis de brûler des combustibles fossiles l'hiver, c'est-à-dire d'émettre du CO2 si le logement à exporté suffisamment d'électricité photovoltaïque durant l'été... dont le pays a très peu besoin ! Ce qui va totalement à l'encontre des objectifs prioritaires de réduction des émissions de CO2 affirmés par la COP 21 et la SNBC (Stratégie nationale bas carbone) !
* Le décompte en énergie primaire qui favorise le gaz naturel carboné au détriment de l'électricité, déjà quasi-décarbonée (qui le sera complètement lorsque l'essentiel des productions fossiles actuelles aura été remplacé par des énergies renouvelables) est assorti de perspectives de « verdissement » (par du bio méthane obtenu par méthanisation et par du méthane de synthèse obtenu par méthanation) largement illusoires, en tout cas à court et moyen termes. En effet, ces gaz « verts » souffrent soit de limites quantitatives (bio méthane) soit de coûts très importants (les deux, mais plus encore le méthane de synthèse, sans modèle économique viable en vue actuellement).
En conclusion, le projet actuel de RT 2018/2020, malgré de bonnes mesures de principe dans certains domaines (prise en compte de l'énergie et des émissions durant tout le cycle de vie) dérape complètement dans ses modalités d'application qui vont clairement à l'encontre des objectifs climatiques réaffirmés au plus haut niveau de l'Etat !
Il est par conséquent urgent de revoir ce projet en profondeur, à commencer par l'adoption du décompte en énergie finale au lieu d'énergie primaire, qui devrait être appliqué sans attendre à la RT 2012. Ce dont a semble-t-il pris conscience le gouvernement pour ce dernier point.
Une simplification pédagogique rendant ce projet de règlementation... compréhensible par le consommateur moyen (voire le promoteur moyen) serait aussi plus que bienvenue...
Commentaires
RTE à revoir
Merci pour votre analyse, Georges Sapy, qui démontre rationnellement qu'une fausse bonne idée de départ peut, in fine, jouer contre le climat.
Alors qu'il est évident que la RTE 2012 a généré une production de GES avec le recours au gaz, avec, pour conséquence, des émissions de GES françaises qui repartent à la hausse, on ne comprendrait pas que la future RTE 2018 ne corrige pas cette anomalie.
L'électricité décarbonee que nous produisons en France doit retrouver sa place dans les choix possibles de chauffage.
La stratégie bas carbone doit s'imposer à la RTE.
Depuis la RT 2012, tous les logements neufs sont chauffés au gaz
La RT 2012 a été rédigée de telle sorte qu'elle oblige tous les promoteurs à prendre du gaz pour le chauffage. Il suffit de regarder les courbes de l'association EdEN. Cette RT 2012 est une boîte noire informatique impossible à se faire expliquer par l'ADEME, EPIC, normalement au service des citoyens.
Résultats nous avons engagés des milliers de logements neufs en chauffage au gaz pour toute leur durée de vie, c'est à dire plus de 100 ans et donnés une rente de situation au marchands de gaz.
Mais cette situation, comme beaucoup d'autres poussées par l'ADEME, fait que le secteur du logement est largement émetteur de GES et ne bénéficie même pas de l'excellent rendement des pompes à chaleur dont j'ai équipé mon appartement.
A la fin, le gaz et le PV gagnent toujours.
A vous lire, on comprend que le ministère est en train de produire, avec la RT2018, une nouvelle usine à gaz destinée à favoriser, contre toute logique économique et écologique, le gaz et le photovoltaïque.
Gaz et PV dont les lobbys semblent décidément gagner à tous les coups...
Jacques Peter militant du climat
Ce cahier d'acteur pose l'intéressante question de l'énergie positive. Il signale la contreproductivité climatique d'une compensation de KWh de chauffages gaz par des KWh solaires principalement l'été , justement quand on ne chauffe plus. Une simple lecture d'écomix en juin nous apprend que quand le solaire donne-, bien souvent le nucléaire baisse sa charge, car les prix de marché ne permettent pas de vendre une énergie excédentaire et on n'a rien gagné pour le climat.
Il m'est arrivé d'occuper un bureau sous les toits en zinc de Paris et les jours de canicules, j'aurais bien voulu vendre cette énergie positive, mais personne n'a voulu me l'acheter. La notion d'énergie positive est dangereuse si on n'examine pas sa valeur sur le marché et la possibilité de la vendre à un client via un réseau.
Mais il existe en France un potentiel important d'énergie positive valorisable: le chauffage nucléaire qui existe déjà, notamment en Russie ou en Finlande sans poser de problèmes. Les réacteurs construits dans le cadre du nouveau nucléaire pourraient au prix d'une faible baisse de rendement de production électrique alimenter l'industrie et des réseaux de chaleur aujourd'hui trop souvent alimentés par du gaz importé.