Avis n°164
Durée de fonctionnement autorisée
le ,Le réacteur de Shippingport dérivé du réacteur des sous-marins nucléaires a été le premier réacteur à eau pressurisée (REP) de 150 MW net de puissance de production d'électricité. Il a été mis en service industriel le 23/12/1957.
La commande de la première tranche de Fessenheim a été passée en 1970 soit un an après Tihange 1.
Aux Etats-Unis en 1970, seules les tranches REP de Point Beach 1 et Robinson 2 venaient d'être couplées au réseau.
On ne connaissait donc pas la disponibilité de ces réacteurs. Il a fallu imaginer une durée d'utilisation annuelle. La commission PEON (Production d'Électricité d'Origine Nucléaire ) a fixé en 1978 une durée annuelle de production de 4400 heures la première année , une montée en régime à 5900 heures la 4ème année puis une lente diminution jusqu'à 4050 heures la 21 ème année. Soit un facteur de charge de 67% au maximum la 4ème année. Soit une utilisation actualisée (avec un taux de 9% à cette époque) de 47100 heures comparable à celle des centrales à charbon de 600 MW de 47800 heures (en 30 ans).
On sait que la disponibilité a été nettement améliorée par la suite permettant une production d'électricité peu chère.
On savait que la résistance mécanique des aciers diminue avec l'irradiation. Le composant le plus sensible est donc la cuve dont il faut vérifier l'intégrité mécanique.
Pour cela 148 éprouvettes du matériau de cuve sont essayées avant irradiation et on dispose de plus de 480 échantillons de même origine placés dans des capsules soumises à un flux neutronique pour certaines supérieur à 3,45 fois et pour d'autres à 2,86 fois le flux maximal reçu par la paroi interne de la cuve. Pour surveiller l'évolution de la température de transition de l'acier où il devient fragile en fonction de l'irradiation, des éprouvettes sont retirées progressivement pendant les périodes de rechargement du réacteur ce qui permet d'anticiper l'évolution des caractéristiques de ténacité des matériaux.
La tenue de la cuve dépend aussi des mises en pression qui se feront avec des marges de température suffisantes pour avoir une probabilité extrêmement faible de défaut d'étanchéité anormal, de fissure à propagation rapide, excluant le risque inacceptable de rupture.
Comme en cardiologie, on soumet par le calcul la cuve à un test d'effort. Ce test d'effort tient compte des régimes limites de fonctionnement et des transitoires les plus sévères (charges statiques et dynamiques, cyclages thermiques normaux ou exceptionnels, rampes de puissance, taux d'arrêts planifiés ou fortuits, vibrations, etc.) que l'on pouvait prévoir au moment de la conception pendant la durée de fonctionnement envisagée. Pour s'assurer d'une marge suffisante on a basé la conception sur une durée de fonctionnement de 40 ans (le double de la durée prévue par la commission PEON).
Le calcul permet de vérifier qu'une microfissure non détectable avec les moyens d'inspection par ultrasons de l'époque ne pouvait se propager rapidement. Ces calculs sont refaits régulièrement en tenant compte des transitoires de pression et de température réellement observés et enregistrés dans un recueil dit de « situations » et ceux prévus pour la période suivante. C'est sur la base de la vérification du bon état des divers matériels importants pour la sûreté, des résultats des inspections par ultrasons de la cuve et de ces calculs que l'Autorité de Sûreté Nucléaire prend la décision d'autoriser tous les dix ans la prolongation du fonctionnement .
Ainsi, tant que ces vérifications donnent des résultats satisfaisants, la centrale peut continuer à fonctionner. La durée de 40 ans fixée à la conception pour à la fois dimensionner les composants et amortir la centrale sur une durée acceptable du point de vue économique, peut donc être prolongée en toute sûreté s'il apparait que les aciers vieillissent mieux et moins vite que prévu, ce qui est le cas aux Etats-Unis et en France.
La centrale américaine de Beaver Valley 1, référence de Fessenheim, à été autorisée à fonctionner 60 ans, sous réserve de rester compétitive, comme 83 autres réacteurs. Certains exploitants nucléaires américains préparent même déjà un dossier pour obtenir l'autorisation de fonctionner 80 ans.
Il n'y a donc aucune raison de sûreté pour limiter la durée d'exploitation des centrales REP d'EDF à 40 années.