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Question n°567

Durée de vie des centrales nucléaires et prolongation

Ajouté par Alexis ANONYMISé (Bagnolet), le
[Origine : Site internet]

Les centrales nucléaires françaises ont été initialement conçues et construites dans l'optique d'une durée d'exploitation de 40 ans.

Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont atteint cet âge en 2018, trois des réacteurs de la centrale de Bugey vont atteindre cet âge en 2019, le quatrième en 2020, tout comme le réacteur de la centrale de Dampierre, les deux réacteurs de la centrale de Gravelines et les deux réacteurs de la centrale de Tricastin. Ensuite, jusqu'en 2034, année après année, ce sont 35 autres réacteurs qui vont dépasser cette limite d'âge.

Techniquement, malgré tous les investissements, il n'est pas possible de remplacer l'équipement le plus sensible d'un réacteur nucléaire, à savoir la cuve, c'est à dire l'endroit où la réaction nucléaire se déroule. Prolonger la durée de vie des réacteurs au-delà de 40 ans signifie donc continuer à faire fonctionner ces réacteurs sans remplacer leur cuve (en espérant qu'elles ne soient pas sujettes à des malfaçons comme celle de l'EPR de Flamanville, ce que le scandale récent du Creusot ne permet pourtant malheureusement pas d'exclure...).

Comment peut-on raisonnablement faire prendre le risque d'une telle prolongation à la population de notre pays ?

Sans oublier le coût astronomique du "grand carénage" ainsi envisagé, évalué à 55 milliards d'euros de travaux de mise à niveau (mais pas de l'élément le plus sensible, la cuve, donc). La Cour des Comptes elle-même s'est déjà interrogée en 2016 sur le coût déraisonnable de l'opération.

Comment peut-on justifier de tels choix ?

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Les études menées par RTE ont montré que la fermeture de l’ensemble des réacteurs du parc à 40 ans, comme l’atteinte du 50 % en 2025, soulèvent d’importantes difficultés de mise en œuvre au regard de nos engagements en matière climatique, en conduisant à la construction de nouvelles centrales à gaz. Cette option a ainsi été écartée, comme rappelé par le gouvernement fin 2017.

Néanmoins, le gouvernement a confirmé son ambition de réduire la part du nucléaire et son souhait de définir une trajectoire ambitieuse d’évolution de notre mix électrique qui permette d’atteindre le plus rapidement possible les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique. Cette trajectoire nécessitera toutefois la prolongation de certains réacteurs au-delà de 40 ans d’exploitation.

Toutefois, la première des priorités du Gouvernement est la sûreté. La prolongation de la durée de vie des réacteurs ne sera possible que sur l’avis favorable de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au moment des 4ème visites décennales, qui s’assurera de l’application des plus hauts standards de sûreté. Dans ce cadre, chaque composant du réacteur, y compris la cuve, fera ainsi l’objet d’un réexamen et de tests approfondis au cas par cas.

Commentaires

Bonjour,

Votre voiture est conçue pour une durée de vie de 15 ans. La mettez-vous systématiquement à la casse dès son 15ième anniversaire ?

Non, parce qu'elle est généralement en bon état de marche.

Ça n'est pas parce que le concepteur d'un objet a une durée de vie type en tête que l'objet tombe obligatoirement en morceaux à l'atteinte de cette date.

La raison en est que la conception d'un objet mécanique implique de prendre des marges, d'utiliser des coefficients de sécurité. On met plus de métal que strictement nécessaire afin d'être sûr.

Et pour les tranches nucléaires, c'est pareil.

Et ce d'autant plus que les tranches du parc actuel ont été conçues à une époque où les moyens de simulation numérique étaient inexistants, et que donc le dimensionnement mécanique était beaucoup moins précis qu'il le serait aujourd'hui.

Les ingénieurs mettaient donc largement plus de métal qu'on ne le ferait aujourd'hui, afin de palier aux incertitudes techniques de l'époque.

Mais depuis, les connaissances se sont affinées. On peut donc démontrer aujourd'hui que des pièces anciennes sont capables avec ce surplus de métal de résister largement plus longtemps que leur durée de conception initiale, éventuellement avec des restrictions d'usage.

Ensuite, il y a l'expérimentation : Au moment de leur mise en service, des éprouvettes de traction ont été placées dans les cuves des réacteurs du parc. Ces éprouvettes sont du même métal que celui de leur cuve, sont irradiées autant qu'elles, et vieillissent de la même manière qu'elles.

A chaque visite décennale, des éprouvettes sont prélevées du stock en cuve, et des essais sont réalisées sur elles afin de constater l'évolution des caractéristiques mécaniques du métal par rapport aux visites décennales précédentes.

L'exploitant peut ainsi déterminer si l'acier des cuves évolue de manière dangereuse ou non, sous le contrôle de l'ASN.

A chaque visite décennale aussi, un essai hydraulique est réalisé sur le circuit primaire de chaque tranche à une pression supérieure à celle de fonctionnement, en présence et sous le contrôle de l'ASN.

A chaque visite décennale toujours, il y a des inspections systématiques de chaque cuve, des essais par radiographie, par courants de Foucault.

Enfin, l'exploitant appuie la démonstration de sûreté, qu'il soumet à l'approbation de l'ASN et de son expert l'IRSN, sur des expériences de vieillissement accéléré d'aciers en réacteurs de recherche.

Et puis il doit certainement y avoir encore plein d'autres choses dont je n'ai pas la connaissance parce que ce n'est pas mon domaine d'expertise.

Le système français n'est évidemment pas infaillible (rien ne l'est).

Mais il a fait jusqu'à présent la preuve de sa fiabilité, puisqu'en 60 ans de nucléaire il n'a jamais eu d'impact majeur sur l'homme et son environnement dans ce pays.

Rares sont les secteurs de taille équivalente qui peuvent en dire autant...

Bien cordialement,

75000