Avis n°255
Eolien, solaire photovoltaïque et réchauffement climatique : la Grande Désillusion
le ,- Un objectif prioritaire :
Pour lutter contre le réchauffement climatique, la plupart des pays du monde se sont donnés comme ardente obligation de réduire leurs émissions de gaz carbonique (CO2). C'est ce qu'on appelle la «décarbonation» de l'économie. Cet objectif a été constamment réaffirmé lors des conférences des parties sur le climat (COP), dernièrement lors de la COP 21 en 2015 à Paris, de la COP 22 en 2016 à Marrakech et de la COP 23 en 2017 à Bonn.
Nous ne débattons pas ici du bien-fondé de cet objectif, mais seulement de celui de la méthode choisie par l'Europe en priorité pour l'atteindre, qui est d'augmenter à marche forcée la part de l'éolien et du solaire photovoltaïque dans les mix électriques pour «décarboner» la production d'électricité. Nous montrons que cette méthode est peu efficace : elle est même la principale responsable en Europe des écarts croissants entre les objectifs de décarbonation affichés et les réalisations dans les pays qui n'ont pas une proportion très importante d'hydroélectricité et/ou de nucléaire dans leur mix de production d'électricité.
- Décarboner l'électricité :
Décarboner l'électricité c'est bien évidemment supprimer de notre approvisionnement électrique les sources d'électricité productrices de CO2, c'est-à-dire les combustibles fossiles, mais aussi la biomasse et les déchets organiques. Ces derniers produisent en effet du CO2 lors de leur combustion. Celui-ci n'est généralement pas comptabilisé en Europe, au prétexte que l'équivalent sera capté par la croissance de la végétation de remplacement. Ce postulat est biaisé par les dérives de la filière biomasse au détriment de celle, plus noble, du bois d'œuvre qui offre les mêmes avantages sans en comporter les émissions, qui sont plus polluantes encore que celles du charbon. Rappelons que le CO2 émis par les combustibles fossiles est lui aussi réutilisé par la végétation, sans que l'on en tienne compte.
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), sur 24 345 TWh d'électricité consommées dans le monde en 2015, 66 % (39,2 charbon, 22,8 gaz, 4 pétrole) ont été produits par les combustibles fossiles. Pour l'Europe (EU28+Norvège+Suisse), il s'agit de 40,2% (24 charbon, 14,5 gaz, 1,7 pétrole), pour la France de 6% (2,1 charbon, 3,4 gaz, 0,5 pétrole), et pour l'Allemagne de 54,6% (43,9 charbon, 6,3 gaz, 4,4 pétrole). Les proportions de cette électricité produites à partir de biomasse et de déchets étaient de 2,2 % pour le monde, 6% pour l'Europe, 1,5 % pour la France et 8,9 % pour l'Allemagne.
Décarboner complètement l'électricité à l'échelle mondiale, cela semble très difficile, puisque au moins les deux-tiers de l'électricité sont produits par des sources émettant du CO2. Pourtant, la France a presque gagné ce pari : les émissions de la production d'électricité y étaient en 2015 de moins de 50 gCO2 par kWh* produit. Elle le devait à l'importance du nucléaire (77 %) et à une contribution notable de l'hydroélectricité (10,5 %), non-émetteurs, dans son mix électrique. Ses émissions seront encore plus faibles si l'essentiel des centrales à charbon qui lui restent sont fermées dans les prochaines années, comme le gouvernement le prévoit.
- Hydraulique et/ou nucléaire, la combinaison gagnante :
En Europe de l'Ouest, la France n'est pas la seule à avoir de très faibles émissions. La Norvège, dont le mix de production électrique est fait à 96 % d'hydroélectricité, la Suède et la Suisse, qui en ont pratiquement éliminé les combustibles fossiles par une combinaison hydroélectricité-nucléaire, ont des émissions encore plus faibles qu'elle. Ces pays «vertueux» avaient en 2015 encore peu d'éolien et de solaire PV dans leur mix électrique, même si la Suède était en cours d'en augmenter notablement la proportion. Un peu moins vertueuse était l'Autriche qui se situait, avec un peu plus de 100 gCO2 par kWh, au cinquième rang des pays les moins émetteurs d'Europe de l'Ouest, et cela sans avoir de nucléaire. Elle le devait à la proportion très élevée, 62 %, de l'hydroélectricité dans son mix de production.
A l'opposé, les quatre pays les moins vertueux d'Europe de l'Ouest, avec des émissions de leur production allant d'environ 350 à 450 gCO2 par kWh en 2015, avaient en commun de n'avoir que peu, voire pratiquement pas, de ressources hydrauliques : Il s'agissait, classés par valeurs croissantes, du Royaume-Uni, de l'Irlande, des Pays-Bas et de l'Allemagne. Il s'agissait pourtant de pays qui avaient, à l'exception des Pays-Bas, 6,9%, des % élevés d'éolien et de solaire photovoltaïque dans leur mix de production électrique : 14% pour le Royaume-Uni, 22,3 % pour l'Irlande, 18,2 % pour l'Allemagne, à comparer à la France, 5%. Deux d'entre eux avait aussi une contribution non négligeable de nucléaire dans leurs mix de production électrique, l'Allemagne, encore 14,2 %, et le Royaume-Uni 18,2 %.
Le Danemark est un autre pays sans hydroélectricité ni nucléaire, cette fois-ci totalement. Il a une proportion extrêmement élevée d'éolien et de solaire photovoltaïque dans son mix de production électrique (51% en 2015, essentiellement éolien). Mais une telle proportion d'éolien dans ce mix électrique n'est possible que parce que le Danemark a recours de façon très importante à l'hydroélectricité produite par ses voisins scandinaves, Suède et Norvège: il leur exporte quand le vent souffle fort ses excès de production éolienne, ce qui permet à ceux-ci d'économiser l'eau stockée dans leurs barrages hydroélectriques. Quand sa production éolienne est insuffisante, il importe de ceux-ci de l'hydroélectricité, mais aussi de l'électricité nucléaire via la Suède. En 2015, les importations étaient supérieures aux exportations d'environ 20 % de la production. Le Danemark produit aussi une grande partie de son électricité en cogénération avec de la chaleur (CHP) et utilise pour cela des mélanges de charbon et de biomasse, une partie de cette dernière étant importée. Tout cela fait que les estimations des émissions de CO2 de sa production électrique sont variables selon les années, différentes selon le mode de calcul choisi, et variables suivant les sources : elles sont en moyenne inférieures à celles des 4 pays précédents, mais très supérieures à celle du groupe des pays vertueux.
Un facteur majeur de l'importance des émissions de CO2, pour ces pays dont le mix de production électrique ne compte pas suffisamment d'hydroélectricité et/ou de nucléaire est le choix du combustible fossile utilisé. C'est ainsi que l'Allemagne, qui utilise beaucoup le charbon, bien qu'il ait du nucléaire et une forte proportion d'éolien et de solaire dans son mix, a des émissions supérieures à celles des Pays-Bas, de l'Irlande, et du Royaume-Uni, qui utilisent plus le gaz.
- Les raisons d'un échec :
La raison des médiocres performances des pays non-vertueux ayant pourtant choisi de développer fortement l'éolien et le solaire photovoltaïque, en principe non-émetteurs, est simple : la puissance produite par l'éolien et le solaire photovoltaïque est très fluctuante en fonction de la météo, c'est ce qu'on appelle l'intermittence, et n'est donc que fortuitement en concordance avec la puissance consommée. Il s'agit d'électricités dites non-pilotables. En l'absence actuelle, et sans doute pour très longtemps, de possibilités suffisantes de stockage qui permettraient cette mise en concordance, indispensable à tout instant à l'équilibre du réseau électrique, il est impératif de les associer à des centrales pilotables qui fonctionnent à la demande en contrepoint de l'éolien et du solaire. Ces centrales sont également nécessaires pour assurer l'indispensable stabilité en fréquence du réseau, ce que ni l'éolien ni le solaire ne peuvent faire.
Pour un pays qui comme l'Allemagne refuse le nucléaire, n'a que peu de ressources hydroélectriques et ne peut pas comme le Danemark avoir accès à des ressources hydroélectriques ou nucléaires externes suffisantes, les centrales pilotables ne peuvent être pour l'essentiel que des centrales à combustibles fossiles, et accessoirement, car les possibilités sont ici limitées, des centrales à biomasse (dont la production de CO2 n'est pas comptabilisée mais devrait l'être selon nous). Comme sa production d'éolien et de solaire peut s'effondrer presque totalement, en particulier quand s'installent en hiver sur l'Europe des anticyclones très stables pendant des journées entières, comme on l'a observé l'hiver 2016-2017, il lui faut disposer en permanence d'une puissance totale garantie de centrales pilotables au moins égale à la puissance consommée la plus élevée de l'année c'est-à-dire aussi au plus fort de l'hiver. On constate en effet qu'en Allemagne, malgré un fort développement de l'éolien et du solaire photovoltaïque, la puissance totale de centrales pilotables n'a pas diminué et même légèrement augmenté, celles des centrales à combustibles fossiles et à biomasse ayant augmenté pour pouvoir fermer les centrales nucléaires. Les puissances d'éolien et de solaire PV se sont donc ajoutées aux puissances des centrales pilotables et ne les ont aucunement remplacées. Le choix de l'Allemagne la lie donc fortement aux combustibles fossiles, charbon principalement, dont on constate qu'elle fait effectivement une grande consommation pour sa production d'électricité, et cela explique l'importance des émissions de CO2 de cette production. D'autre part, à peu de chose près, l'éolien et le solaire n'y seront renouvelables que tant que dureront les combustibles fossiles dont elle pourra disposer pour les assister. Elle n'atteindra donc pas les objectifs climatiques qu'elle affiche, comme les autres pays européens qui veulent suivent son exemple.
Le choix des gouvernements français depuis le Grenelle de l'environnement de 2007, semble être la sortie du nucléaire selon le modèle allemand. Ce choix ne peut que conduire la France, comme cela a été le cas de l'Allemagne, à une augmentation de sa puissance pilotable en centrales à combustibles fossiles pour remplacer celle en centrales nucléaires, et à une augmentation considérable des émissions de CO2 de sa production d'électricité par rapport à l'actuel, soit exactement le contraire du but affiché.
Il aura également comme conséquence une augmentation très importante du prix de l'électricité pour les ménages, comme cela s'est produit en Allemagne et plus généralement dans les pays d'Europe de l'Ouest qui ont beaucoup misé sur l'éolien et/ou le solaire photovoltaïque. On constate en effet dans ces pays que le prix de l'électricité pour les ménages est proportionnel à la puissance installée par habitant en éolien et en solaire photovoltaïque.
Si la lutte contre le réchauffement climatique est pour le gouvernement français une priorité comme il le répète sans relâche, alors il doit changer complètement de politique énergétique, et faire porter ses efforts, non plus sur l'électricité, dont les émissions sont chez nous les plus faibles de tous les grands pays industrialisés, mais sur l'habitat et les transports, qui sont nos principaux émetteurs. Appliquer obstinément la politique allemande dans le but de diminuer nos émissions de CO2 ne pourra que coûter très cher aux ménages français sans résultat notable, et empêchera la France d'atteindre ses objectifs climatiques. Ce sera la Grande Désillusion.
Une étude qui montre que l'on fait fausse route
Il y a de nombreuses études qui montrent que mettre l'accent sur les renouvelables ne donne que peu d'amélioration des émissions de CO2. Un exemple m'est donné par une "lettre de l'énergie" de Lionel Taccoen, qui se trouve sur le site "géopolitique de l'électricité":
http://www.geopolitique-electricite.com/
Son dernier article est consacré aux résultats des politiques européennes et françaises de développement des énergies renouvelables quant à leur objectif proclamé de lutte contre les émissions de CO2:
http://www.geopolitique-electricite.com/documents/ene-253.pdf
J'invite à lire cet excellent papier. On y montre que le seul pays européen qui ait diminué ses émissions est l'Angleterre, essentiellement en remplaçant des centrales à charbon per des centrales au gaz. Les tableaux donnés montrent que depuis 2014, les émissions européennes augmentent, ainsi que celles de la France.
"La conclusion, encore plus nette que pour l’Union Européenne est qu’en France l’effort doit, de toute urgence, se porter sur les secteurs mobilité et bâtiments, responsables ensemble de la moitié des émissions françaises et en croissance notable.
La politique française s’acharne à grand frais à réduire les très faibles émissions du secteur électrique et n’y parvient pas. Les causes de ce curieux échec devraient être recherchées.
Une autre particularité française est liée aux retards de
publication des données correspondants aux émissions de gaz à effet de serre, alors que les citoyens sont invités à un débat national public.
"
Lire ce très intéressant papier de Taccoen!
Un bel exemple de mauvaise décision fut la norme chauffage "RT2012" qui exclut pratiquement l'électricité des installations de chauffage et qui s'est traduite par un basculement vers le gaz. Or le gaz est fortement émetteur, quelque 20% en moins cependant que le fuel.
Cette exclusion est à mettre sur le compte du militantisme antinucléaire de l'ADEME.
Conclusion:
"La focalisation sur le solaire et l’éolien est l’une des causes principales des contre-performances des politiques européenne et française « climat-énergie ». Le cas français touche à l’absurdité : on constate un acharnement à décarboner encore plus l’électricité qui l’est déjà fortement et on n'y réussit pas !
"