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Avis n°321

Faut-il avoir peur des déchets nucléaires ?

Ajouté par 3048 (Aix en Provence), le
[Origine : Site internet]

Cet avis fait suite à 2 autres postés précédemment. On sait qu'un domaine du nucléaire mis en avant par les opposants à ce mode de production comme étant une menace pour nos descendants est celui des déchets de haute activité dit à vie longue (HAVL) : pour les opposants au stockage géologique, « stocker les déchets dans le sol c'est empoisonner la Terre », Or cette image symbolique d'une planète souillée, très répandue dans le public, est fallacieuse car la radioactivité est la toile de fond naturelle, omniprésente, de tout l'environnement terrestre. La désigner comme un « empoisonnement » est un non-sens. Comme le soulignent les géologues ou les spécialistes des rayonnements ionisants, « la Terre est une planète radioactive » ou, formulé encore plus directement, « la Terre n'est qu'un immense déchet nucléaire » ! Y rajouter les nôtres ne revient qu'à induire une concentration localisée et temporaire de radioactivité – de surcroit confinée – dans un milieu qui en comporte déjà, à l'état naturel, des quantités considérables. C'est l'omniprésence de cette radioactivité naturelle, perdurant dans les profondeurs, qui explique pour l'essentiel que la Terre est une planète chaude : le flux thermique qui maintient le sous-sol à une température élevée est dû pour environ 70% à la chaleur dégagée par la désintégration des atomes radioactifs. Stocker des déchets nucléaires dans un tel environnement souterrain n'est certes pas anodin mais n'a rien d'un empoisonnement. En quelques centaines d'années, ce surcroit de radioactivité sera en grande partie résorbé avec la disparition des produits de fission puis, à plus long terme, des actinides, tandis que les radioéléments présents à l'état naturel depuis l'aube des temps dans le milieu dureront bien plus longtemps que les déchets de Cigéo et continueront d'alimenter la radioactivité de ce morceau d'écorce terrestre au fil de leurs désintégrations successives, comme ils le font depuis toujours... et sans que personne ne les accuse d' « empoisonnement » (le thorium a une demi-vie de 14 milliards d'années soit plus que la durée de vie de l'univers).
Pour en être bien convaincu, regardons les chiffres de l'activité totale des déchets après 40 ans de production des 58 tranches actuelles : les verres (déchets HA) représenteront 200.000 TBq après 500 ans qui deviennent environ 21.000 TBq après 10.000 ans de refroidissement (de stockage).
A titre de comparaison, la terre, le matériau situé entre la surface du sol et l'ouvrage lui-même c'est-à-dire 15 km2 sur une profondeur de 500 m, contient des produits radioactifs (U, Th et leurs descendants, plus le K 40... poussières d'étoile que nous a laissées dame nature dans le sol terrestre depuis sa création) correspondant à une activité de 12500 TBq soit environ 50% de l'activité des déchets HA après 10000 ans.
Mais pour en évaluer le danger il faut considérer les « doses efficaces » donc changer d'unité et passer des becquerels aux sieverts. Pour les déchets qui sont vitrifiés, la fixation dans l'organisme ne peut se faire que par ingestion. En revanche, pour les produits radioactifs naturels présents dans le sol, le plus grand danger est l'inhalation : au-dessus et jusqu'à la surface, le matériau constitutif est, en effet, du « vrac » et il suffit d'avoir à l'esprit ces chantiers avec des pelleteuses qui remuent le sol sur plusieurs mètres de profondeur et la poussière associée pour comprendre que l'inhalation ne peut pas ici être négligée.
La radiotoxicité potentielle des produits naturels se trouvant entre la surface et les barrières ouvragées de l'installation affiche une activité à 100 milliards de Sv en inhalation. Cette dernière évaluation est à comparer à la radiotoxicité elle aussi potentielle (en ingestion) des déchets HAVL qui est de 50 milliards de Sv après 500 ans de stockage (et seulement 9 milliards de Sv après 1000 ans) !
La radiotoxicité de ce qui constitue la barrière finale naturelle de l'ouvrage, la couche rocheuse, sera donc après seulement 500 ans, supérieure à celle des déchets contenus dans Cigéo !
Mais pour évaluer et comparer les risques, il faut noter :
- D'une part que les produits radioactifs contenus dans le sol « en vrac » susceptibles de se transformer en poussière, laissant passer les descendants gazeux comme le radon et le thoron, contribuent à l'irradiation naturelle des êtres vivants de la biosphère. On peut remarquer que, malgré l'énorme radiotoxicité potentielle de ce volume de terre, la dose efficace délivrée aux hommes résidant toute l'année au-dessus reste très limitée (de 0,7 à 1.7 mSv/an en France). En effet, malgré l'absence de conditionnement, seule la couche superficielle contribue à la dose marquant bien la différence qui peut exister entre le danger potentiel et le risque réel. On peut déjà conclure que la dose délivrée par Cigéo à la population ne pourra être qu'inférieure à celle délivrée par cette couche, barrière naturelle mais aussi radioactive.
- D'autre part, le risque présenté par les déchets de haute activité, bloqués sous forme solide, dans une gangue de verre, soigneusement conditionnés et isolés de la biosphère par la terre d'accueil de 500 m d'épaisseur dont une couche d'argile de 130 mètres, sera nul du moins tant que l'eau n'aura pas commencé à dissoudre les verres soit après plusieurs dizaines de milliers d'années. Et à partir du moment où l'eau commencera à dissoudre les verres, les calculs sophistiqués comme les évaluations très pénalisantes conduisent à des doses minimes, en dessous de la règlementation concernant la population donc sans aucun impact sur la santé des individus et sans aucune nuisance pour l'environnement. Sans risque donc !
Les déchets nucléaires sont, a priori, potentiellement dangereux mais leur mode de conditionnement et de stockage réduit très fortement le risque qu'ils représentent, le rangeant dans la catégorie des risques acceptables. Même en prenant en compte les éventuels dysfonctionnements du système et les défaillances externes d'origine naturelle ou humaine, l'impact de ces déchets devrait rester très limité, nettement inférieur à la radioactivité naturelle et à la limite de 0,25 mSv/an imposée par les autorités publiques. Ces chiffres montrent que loin d'être des « bombes à retardement », les déchets nucléaires correctement conditionnés et stockés ne devraient donc imposer à nos descendants aucune nuisance inacceptable contrairement à ce qui est régulièrement proclamé.