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Avis n°451

GES, faire le maximum d’électricité décarbonée. Mais, sur la base de quelles sources et à quel niveau ?

Ajouté par Claude ANONYMISé (St didier au Mont d'or), le
[Origine : Site internet]

Sur la base du critère rejets de gaz à effet de serre, la France, avec 95 % de son électricité produite à partir de sources décarbonées, serait à ce jour un modèle à suivre, au moins au sein des pays développés.
Ce fait est peu mis en exergue dans la synthèse du dossier PPE. Il faut aller chercher les valeurs données dans le § 3.4 du dossier complet PPE, pour le constater. La France, avec le chiffre de 7.5 t/an (tonne équivalent gaz carbonique), émet moins de gaz à effet de serre, par habitant, que la majorité des pays européens, avec une moyenne UE à 9.1, dont 11.3 pour l'Allemagne (50 % de plus que la France, pour ce dernier pays, présenté couramment comme le modèle à suivre !).
Cette situation, fait suite à la première transition énergétique, lancée, dans les années 80/90, suite aux premiers chocs pétroliers. Cette transition a vu, dans la production électrique, le charbon, principal combustible fossile, remplacé par le nucléaire, source décarbonée. Voici une voie à suivre, à confirmer, voire à accentuer, selon l'évolution des besoins, liée , à celle de la population et du PIB.
Les combustibles fossiles, à l'origine des rejets de gaz carbonique, totalisent 123.8 Mtep, sur un total de 256.6, toutes sources confondues, de production en énergie primaire, desquels seulement 10 vont vers la production électrique. Il faudrait que ceci soit au moins divisé par 4, d'ici 2050, pour limiter l'impact du changement climatique. Pour ce, il faudrait ramener à zéro, environ 90 Mtep, en agissant en partie sur les économies d'énergie, dans la limite du faisable et du supportable, sans aller vers la décroissance, et en partie par le transfert vers le vecteur électricité décarbonée. On peut citer, comme exemple de ces transferts: le remplacement du moteur thermique par celui électrique (sortie du pétrole en mobilité), et le remplacement dans le résidentiel et le tertiaire du chauffage gaz par les pompes à chaleur électriques (sortie du gaz). Pour le gaz, ceci s'applique aussi à l'électrification étendue dans l'industrie, y compris, dès l'élaboration des matières premières.
Pour ce, il faudrait, a priori, miser sur encore plus d'électricité décarbonée, donc celle issue d'un mix nucléaire et renouvelables électriques, ces derniers devant être distingués des renouvelables thermiques. Il faudrait plus, et non un peu moins, comme il ressort, quoique pas clairement exprimé, mais en quelque sorte sous jacent du dossier PPE présenté.

En abordant la question spécifique des économies d'énergie, nous nous référons pour le niveau, à la demande de réduction de 20 % de la consommation d'énergie finale proposée dans le dossier PPE. Ceci est très souvent traduit, trop facilement, rapidement par la même réduction des consommations et productions d'électricité. Hors, on peut très bien avoir des réductions des rejets de gaz carbonique, en accroissant la consommation d'énergie. Les exemples sont multiples, comme le simple remplacement du chauffage gaz, par un chauffage au bois à moins bon rendement, mais surtout par le transfert vers l'électricité décarbonée.
C'est ainsi, en évoquant l'avenir de l'électricité, que se trouve la principale source d'incompréhension, dans le débat énergétique. Faut-il, à l'avenir moins d'électricité, ou au contraire autant, et pourquoi pas beaucoup plus, dans la mesure où elle peut être décarbonée. Cette voie est retenue dans le scénario Négatep, classé DEC (pour décarboné) lors du DNTE, à l'opposé du scénario Négawatt, classé SOB (pour sobriété) dans le même DNTE.
La réponse pourtant devrait être claire, en France. Ce ne peut être moins, si on considère que l'électricité, qui n'intervient que pour 25 % dans la consommation finale, ne représente que moins de 9 % des rejets de gaz carbonique. L'électricité ne peut être vue comme l'ennemi, mais plutôt un ami.
Néanmoins en dépit de cette première réserve, avec la tendance du dossier proposé PPE de s'orienter, vers le moins d'électricité, nous essayons de faire ressortir, à partir des objectifs chiffrés en pourcentage, la signification réelle en valeurs absolues.
Pour ce, nous partons de la situation 2016, avec pour une production totale de 550 TWh, de laquelle, il faudrait extraire environ 42 TWh, si l'on tient compte du bilan positif de l'ensemble export/import, pour se rattacher aux besoins nationaux.
La production se répartissait entre:
• Le nucléaire qui assurait 76 % du total avec 404 TWh
Ceci reposait sur une puissance installée de 62,4 GW (47.6 % du total de puissances installées, 41 % ramené en énergie primaire, et seulement 19 % ramené en énergie finale, soit très loin du tout nucléaire). Le facteur d'utilisation du nucléaire est de 74 % (assez faible en 2016, année particulière pour travaux). La fourniture est pilotable, assurant à ce jour avec l'hydraulique l'essentiel du suivi réseau. Cette participation a été accrue, ces dernières années, avec l'arrivée des productions variables de l'éolien et du photovoltaïque. Ceci devrait s'accentuer à l'avenir, si rien n'est fait pour corriger les anomalies, dont la priorité accès réseau de ces sources et les aides, que l'on retrouve dans la CSPE notamment.
• L'hydraulique qui assurait 12 % de cette production avec 64 TWh.
Ceci reposait sur une puissance installée de 25,5 GW (19.5 % du total). Le facteur d'utilisation est de 29 %. La production est réglable, pilotable (hors l'hydraulique au fil de l'eau avec 7.5 GW). Mais cette capacité d'adaptation serait déjà à son maximum, il ne faudrait pas lui en demander plus.
• L'éolien qui assurait 3.8 % de cette production avec 20.5 TWh
Ceci reposait sur une puissance installée de 11.7 GW (8.9 % du total). Le facteur d'utilisation est de 20 % de la capacité. Cela fonctionne en simple déversoir, à la merci du vent. Cette puissance peut ainsi en quelques heures passer du quasi maximum à presque zéro (sauts de vent, donc sauts d'électricité, période anticyclonique pas de vent, pas d'électricité). Un grand désordre, qui sera difficile à gérer en cas de forte extension, en sachant qu'il ne faut pas compter sur le foisonnement européen pour y pallier (une fausse notion, argument lancé en secours pour sauver la filière).
• Le photovoltaïque qui assurait 1.5 % de cette production avec 8.3TWh
Ceci reposait sur une puissance installée de 6.8 GW. Le facteur d'utilisation est de 14 %, avec un fonctionnement en déversoir. Ici il y a moins d'incertitudes que pour l'éolien. Nous savons qu'il y aura zéro dès le début de soirée, lorsque les besoins sont au maximum. Il faut aussi noter que les productions journalières sont réduites d'un facteur entre 3 à 4, entre l'été et l'hiver, lorsque les besoins sont les plus importants. Ce n'est pas le grand désordre éolien, mais un cycle de production, en partie en contre sens, par rapport aux besoins.
• La bioénergie (déchets) avec 8.2 TWh
Cette source reposait sur une puissance de 1.9 GW, soit une utilisation au taux de 50 %. Elle présente l'avantage d'être en partie pilotable, mais avec ses limites, car souvent en liaison avec une production de chaleur (cycle mix)
• A côté des ces sources décarbonées, reste le thermiques fossiles, avec 45.4 TWh.
Ceci reposait sur une puissance installée de 22 GW, soit un facteur d'utilisation de 23 %. Mais ici les 22 GW sont pilotables, si moins souples que l'hydraulique, assez comparables au nucléaire.

A partir de cette base de départ, en visant 2030, selon les objectifs PPE, à savoir la part des renouvelables de 40 % et celle du nucléaire à 50 %, il n'est pas difficile d'en déduire que celle des fossiles est nécessairement de 10 %. Première curiosité, ce chiffre est un peu supérieur aux 8.2 % de 2016.
Un simple calcul arithmétique conduit à un total de production électrique de 454 TWh, ramené à la consommation interne, hors export/import, soit une baisse de 11 %, un peu moins que les 20 % de consommation totale en énergie finale.
Ceci reposerait sur la répartition suivante des productions :
• Renouvelables : 181.6 TWh (au lieu des 101 en 2016, soit 80 % de plus).
Par extrapolation simple la puissance installée serait de 82.5 GW au lieu de 45.4, dont 41 d'éolien et 24 de Pv. En enlevant l'hydraulique et la bioénergie, il resterait un total 65 GW non ajustables, intermittence totale, si on parle solaire, variabilité extrême si on parle éolien (du maximum, à presque zéro)
• Nucléaire 227 TWh (au lieu de 404 en 2016, soit 44 % de moins)
Sur la base du même facteur de charge, le total de la puissance installée serait de 35 GW au lieu de 63.

Le total de la puissance électrique installée serait de 139.5 GW, parmi lesquelles 65 GW (46.6 %) ne sont pas ajustables. En moyenne annuelle, ceci est vraiment trop, avec des risques de déstabilisation du réseau, pouvant aller au black out.
Pour, corroborer ce constat général négatif, regardons à titre d'exemple la situation critique en fin de journée d'hiver, lorsque la consommation demandée est à son maximum. Le soleil est couché, il n'y aura pas environ 20 GW de Pv (fraction des 24 installés), comme au milieu de la journée. Mais à côté avec l'éolien, doit-on compter sur 37 GW (un peu moins du max installé), ou carrément presque zéro. Au total un écart de 57 GW à combler dans la même journée. En sachant que comme le dit le dossier «l'électricité ne se stocke pas », faut il accroître la puissance installée nucléaire, sans toucher à sa production ?
Faudrait- il quelques dizaines de GW de plus de nucléaire, arrivant ainsi, à dépasser la limite des 63 GW que prévoit la loi ? Nous frôlons l'incohérence du dossier.
A l'opposé, lors des weekends d'été, avec activité industrielle réduite, le plein soleil en milieu de journée et le plein vent, il y a un surplus, qui conduirait à baisser la puissance nucléaire, à zéro, à moins de mettre les éoliennes en drapeau. Mais ceci affecterait la validité économique de la filière.
Tout repose sur les capacités à venir du stockage d'électricité, mais si on retient que le quasi seul mode de stockage actuel, assuré par les STEP, avec environ 5 GW, est déjà totalement utilisé (comme toute l'hydraulique), ce sont des pas de géant à faire dans des nouvelles technologies (batteries ? )

En conclusion, pour résumer, le dossier PPE proposé s'est éloigné de la priorité de réduction des rejets de gaz à effet de serre, en introduisant des priorités intermédiaires, dont au premier rang la place des sources renouvelables. Ceci a sa pleine justification, si l'on regarde les renouvelables thermiques, en remplacement des combustibles fossiles, comme celles liées à la biomasse (bois, déchets, biocarburants ...), au soleil chaleur (eau chaude sanitaire), à la géothermie (de surface, ou aérothermie, ou semi profonde)
Mais ceci ne se justifie pas, si l'on regarde les renouvelables électriques. La France a montré que l'on pouvait baser notre modèle sur une électricité décarbonée à développer en mixant nucléaire et renouvelables, dans les limites de coût et de continuité d'alimentation du réseau, en prenant en compte les incertitudes liées à la bonne volonté de la nature (vent et soleil).
En imposant des objectifs de limitation du nucléaire et une forte présence des renouvelables électriques, nous nous écartons de l'objectif principal, qui devrait être la réduction des GES à moindre coût. Il faudrait que les choix d'équilibre reposent sur le coût de la tonne de carbone évitée.