Avis n°220
Injonctions énergétiques paradoxales
le ,L'objectif de réduction à 50% de la contribution nucléaire à la production d'électricité est à la fois l'alien du navire PPE « en même temps » que son étrave. Paradoxe évident dans lequel pourtant nos gouvernants nous invitent fortement à voir une cohérence, mais sauf à tordre fortement la logique, l'exercice est difficile.
Objectif passager clandestin de la PPE, parce s'agissant de diminuer au maximum la part des combustibles fossiles, vouloir réduire celle de l'électronucléaire va totalement à contre sens.
Objectif figure de proue du même navire, car comme dans les précédents exercices, se mobiliser contre le nucléaire fait toujours recette. En effet, l'opinion interrogée citera en premier cette seconde mesure présentée sous les traits incarnés d'une victoire du politique contre les lobbies, nul besoin de peaufiner plus avant les éléments de langage.
On en parlait depuis longtemps, la PPE va le faire. Mieux encore, si la mesure d'attrition du nucléaire n'y avait pas figuré, elle aurait été pointée par l'opinion comme un manquement criant dans la panoplie, qu'elle soit hors sujet n'important guère.
Face à un emballement, à toutes les échelles géographiques, des émissions de GES le développement pourtant massif des renouvelables électrogènes intermittents montre que la solution présentée comme une évidence, n'est hélas, ni l'une ni l'autre.
Nos gouvernants pour aller dans le sens d'un vent synonyme de modernité, d'efficacité, de liberté même, nous fourvoient dans cette impasse ruineuse, affichant des objectifs surréalistes, niant les réalités et la vanité- vacuité des solutions proposées.
Mais implanter partout mats éoliens et panneaux solaires, c'est surtout montrer à l'opinion, de façon tangible, qu'on prend le problème à bras le corps. La culture des ordres de grandeur et celle de la mesure objective des résultats n'étant pas le fort de nos concitoyens, surtout quand les indicateurs proposés les leurrent (proportion de productions renouvelables plutôt que taux d'émissions de GES). Les chimères aux traits aimables ont un boulevard devant elles, le drame est qu' hélas, il ne conduit vers nulle part,
Si la réduction de la part des combustibles fossiles au sein d'une dépense énergétique maîtrisée est l'objectif dual gagnant d'une vraie transition, alors la volonté de substituer au maximum une électricité, qu'on sait produire sans émission de GES, à des sources fossiles, devrait être première.
C'est cette piste qu'il importe de privilégier absolument. Chauffage des locaux, transports, process industriels, sont des champs d'élection pour l'électricité, ils devraient structurer toute PPE.
En France pourtant, on continue à pointer du doigt un chauffage électrique souvent désigné par ses détracteurs comme une « justification au nucléaire » alors qu'il ne représente qu'une faible proportion et que le reste (gaz, fioul, charbon, bois) est intégralement émetteur de GES. La RT 2012 conduit à mettre hors jeu le chauffage électrique pour les logements neufs par le biais d'un mode de calcul choisi à dessein, alors qu'on sait aujourd'hui, entre autres grâce aux pompes à chaleur, le mettre en œuvre de manière très efficace. Le gaz en sort grand gagnant au détriment d'une électricité pourtant compétitive et non émettrice de GES.
De même, dans notre pays, le transport des voyageurs et des marchandises, responsable de plus du tiers des émissions de GES devrait être l'objectif numéro un de la PPE alors que le nombre de camions, toujours plus lourds, explose et que les voitures se muent en masse en gros command-cars gourmands.
Un service TGV largement et possiblement perfectible associé à un remaillage efficace avec des dessertes locales constituerait une bonne base pour un vrai renouveau du « train électrique ». Mais pour un fret en perdition, l'affaire est plus sérieuse et pour le coup demanderait la forte impulsion et le suivi que pourraient donner d'une PPE enfin réorientée.
En lieu et place de volontés et cibles concrètes comme les précédentes, on trouve dans la trame proposée pour la PPE de grands chiffres mythiques rapportés à des horizons lointains, tant dans les objectifs utopiques de réduction de consommation énergétique que dans la proportion des sources renouvelables qu'on veut augmenter encore et encore.
« Jusqu'au cou et comment s'en sortir », en 1979 Paul Emile Victor alertait et espérait souhaitant déjà que le monde rompe enfin avec son irresponsabilité et reprenne son destin en main...Sommes nous sur la bonne voie, à notre modeste échelle, avec la PPE qui se profile, toute d'idéologie, mais n'activant pas les vrais leviers ?
Titres et grandes lignes de ce propos sont repris d'un article que j'ai proposé au "Cercle" du journal "Les Echos" et qui est paru ce jour 13 04.
Commentaires
La vérité des chiffres!
Je partage totalement cet avis.
Ce débat ouvert au public se fait sans avoir donné les références en termes de consommation de chacune des énergies, des tendances, des émissions de gaz à effet de serre en 1990, de 2016 et de celles que le Gouvernement a annoncé pour 2050.
Sans ces chiffres là, on peut dire n'importe quoi.
Un débat rationnel pour l'établissement de la programmation pluriannuelle des énergies (et non de l'électricité) doit être chiffré et ne pas fonctionner au doigt mouillé.
Voilà les chiffres ! :)
Bonjour Jean,
Les chiffres que vous recherchez sont donnés dans l'avis n°104, un post très détaillé qui traite d'un sujet très semblable à celui-ci. Je remets ici le lien pour y accéder :
https://ppe.debatpublic.fr/reduction-rejets-gaz-a-effet-serre-revison-pp...
Les 3 secteurs les plus émetteurs de GES sont les transports, l'habitat et l'agriculture, c'est pourquoi l'analyse de Gérard est très pertinente. L'énergie électrique compte seulement pour 9% des émissions de GES, puisque 90% de notre production d'énergie est décarbonnée (nucléaire + hydraulique). Vous avez donc tout à fait raison de dire que le débat pour/contre le nucléaire n'a pas sa place ici.
Concernant le débat pour/contre les EnR, je crois qu'il est tout de même indirectement relié à celui-ci en cela que les EnR centralisent actuellement la majorité des investissements dans la transition énergétique, au détriment des investissements dans la réduction des émissions de GES. Les investissements dans les EnR ne contribuent pas à réduire les émissions de GES, mais à modifier le mix énergétique en réduisant la part du nucléaire au profit des énergies renouvelables. A ce sujet, la Cour des Comptes alerte sur la faible rentabilité des investissements réalisés dans les énergies renouvelables (121 Mds € dans le cadre de la CSPE, correspondant à moins de 3% de la production française sous forme d'EnR).
Si je résume grossièrement, on est en train de dire qu'on balance de l'argent par les fenêtres sur les EnR (investissements peu rentables et non-décarbonnants) plutôt que de l'investir dans les transports et l'habitat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, où il y a pourtant des choses à faire (voir le post de Gérard).
Une question pour conclure : Savez-vous ce qui a motivé RT 2012 à favoriser le gaz par rapport à l'énergie électrique comme mode de chauffage des habitations ?
Axel Fouques
La PPE au service des objectifs de la COP 21
Bravo pour votre analyse, Gérard, qui recentre les réflexions sur les leviers efficaces pour lutter contre l'effet de serre.
Le stérile débat pour ou contre le nucléaire ou pour ou contre les EnR nous éloigne du fond à traiter avec la PPE : réduire les rejets de GES qui, pour les trois-quarts proviennent des transports et des logements. Ainsi, la norme RTE 2012 privilégie le gaz, émetteur de CO2 plutôt que l'électricité pourtant decabonee à 95 %.
Les aides massives aux ENR ne pourraient elles pas être réorientées vers l'isolation des bâtiments et les transports électriques ?
J'espère que la PPE permettra ce changement de cap.