Journée "L'énergie, un bien commun ?" le 16 mai à Romainville
Jeudi 16 mai avait lieu au siège de la Communauté d'Agglomération Est-Ensemble (CAEE, rassemblant 9 villes et 412 000 habitants en Seine-Saint-Denis) une rencontre co-organisée avec l'agglomération et l'agence locale pour l'énergie et le climat ("Maîtrisez votre énergie" - MVE).
Dans un département dont nombre d'indicateurs soulignent les difficultés sociales, cette journée intitulée "L'énergie, un bien commun ?" proposait d'interroger en particulier les liens entre transition énergétique et réduction des inégalités.
Après un accueil par Gérard Cosme, Président de la CAEE et une présentation des enjeux par Jacques Archimbaud, Président de la commission du débat, deux ateliers ont eu lieu concomitamment, rassemblant au total une soixantaine d'acteurs engagés localement dans les domaines de l'énergie, de l'environnement et de la solidarité.
Le premier, sur "l'énergie chez soi", avec la contribution d'Anne d'Orazio, architecte-urbaniste et ancienne Présidente de MVE, a offert un débat stimulant sur les conditions à réunir pour accomplir la transition énergétique de l'habitat et des bâtiments. Les participants ont notamment pointé le caractère instable et court-termiste des politiques publiques en matière d'énergie, qui devraient au contraire privilégier une approche pluridisciplinaire (santé...) et de long terme. Le dilemme entre la responsabilité individuelle (autonomisation des charges, habitat individuel) ou collective (davantage mobilisatrice), l'enjeu pédagogique et démocratique de l'accès à la donnée (le cas Linky n'a pas manqué d'être abordé), et le "juste prix" de l'énergie selon les usages d'une part, d'autre part dans l'optique de la réduction de la consommation, sont apparus comme des points de discussion sensibles. Il a également été souligné qu'il serait nécessaire de considérer plus scrupuleusement le coût des consommations énergétiques, ou de l'inaction concernant leur réduction, dans la comptabilité publique.
Le second, sur "l'énergie dans la ville", avec la contribution de Christian Le Gall Du Tertre, directeur scientifique du laboratoire Atemis, a donné lieu à des échanges très riches. Les participants ont rappelé que l'énergie, tout en étant présente partout, n'était qu'un moyen pour les citoyens et les acteurs de la ville de réaliser leurs activités : ce sont donc les comportements, l'attitude à l'égard de la consommation et les organisations qui sont interpellées, dans toute leur complexité. L'importance des enjeux de santé, en milieu urbain, ont été notés, comme ceux liés à la mobilité, dans son volume comme dans les moyens de la réaliser. Plusieurs participants ont insisté sur la nécessité de réimplanter en ville des activités de productions énergétiques (ENR) mais aussi alimentaires, dans une perspective de circuits courts, solidaires et durables. Enfin, les participants ont souligné la nécessité pour réaliser les importantes évolutions qu'implique la transition énergétique, de disposer d'objectifs de long terme ambitieux mais aussi de dégager des actions de court et moyen terme à la fois significatives et effectives."
Lors de la synthèse de la journée, Manuel Domergue (Fondation Abbé Pierre) a en particulier souligné selon lui l'urgence d'un plan d'investissement public/privé pour résorber la précarité énergétique, qui touche en premier lieu les plus modestes, ce plan devant s'avérer rentable à long terme pour la puissance public, à travers la diminution des effets négatifs indirects de la précarité sur les comptes publics.
Guillaume Duval (Conseil économique, social et environnemental / Alternative Economique) s'est fait l'écho de l'avis récent du CESE sur les retards de la transition énergétique en France au regard des objectifs fixés dans la Loi.
Michel Gioria (Ademe) a lui insisté notamment sur l'idée que la transition énergétique, dont on ne pouvait pas attendre qu'à elle seule elle résorbe les inégalités multiformes qui frappent les territoires, impliquait de fait une mutation de la société dans son ensemble (système éducatif et de formation, marché du travail, mobilité sociale), précisant que la réduction des consommations lui semblait de toute façon incontournable ; une sobriété non pas dirigiste, mais créative et partagée, autrement dit "heureuse".
18/05/2018