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Avis n°235

Leviers, défis et finalités de la transition énergétique

Ajouté par 2631 (Suresnes), le
[Origine : Site internet]

La production d'électricité en France est déjà très largement décarbonée (en moyenne quelques dizaines de grammes de CO2 par kWh en France, contre 300 pour l'Europe, et 500 pour l'Allemagne). C'est un acquis solide et vertueux, qui procure par ailleurs une grand part de sa légitimité à notre leadership international sur les questions climatiques. Il faut à présent en finir avec ce qu'il nous reste de charbon et de gaz dans la production d'électricité nationale, mais surtout s'attaquer au plus gros poste actuel d'émissions de GES en France, à savoir le transport automobile, individuel et de marchandises ; enfin, à l'extérieur, il serait judicieux de challenger davantage nos voisins européens sur leurs modèles de production d'électricité.

Le premier sujet est l'amélioration des rendements et l'économie de l'énergie disponible, notamment en améliorant l'isolation des logements et les systèmes de conversion. Cependant c'est un objectif moyen-long terme, puisque si les nouvelles constructions ne posent pas de problème, la transformation du bâti ancien prendra du temps.

L'industrie automobile française doit à présent se transformer en profondeur pour transiter rapidement et complètement vers les véhicules électriques et thermiques à hydrogène (ce qui est à peine démarré, péniblement, désespérément lentement par les grands acteurs nationaux du secteur automobile). Pour être viable et durable, cette transformation doit s'accompagner d'une sécurisation de nos approvisionnements en matières premières dédiées (cuivre, cobalt, platine, métaux rares, etc.), ce qui à ce stade est loin d'être évident étant donné le retard accumulé dans ce domaine. En parallèle le développement du ferroutage doit - enfin - être fortement promu et favorisé.

Il s'agit bien sûr en cela de lutter contre les causes du dérèglement climatique, mais aussi d'étendre l'indépendance énergétique française au transport individuel et de marchandises. Cela signifierait concrètement maîtriser les approvisionnements et les coûts, mais aussi d'un point de vue moral arrêter de subventionner massivement les grands pays exportateurs de pétrole et leurs régimes quelque fois peu démocratiques, souvent autoritaires.

Tout investissement exclusif dans les renouvelables à intermittence (solaire et éolien) sans systèmes de stockage à échelle équivalente se traduirait au mieux par un statu quo en termes d'émissions de CO2, au pire par une augmentation importante de ces émissions en moyenne sur l'année (comme c'est par exemple le cas pour l'Allemagne). L'argent investi dans la transition énergétique l'est / le sera beaucoup mieux dans l'isolation des logements, dans le développement du parc automobile non émetteur de CO2 et du fret ferroviaire.

Il est également nécessaire de construire de nouvelles centrales nucléaires, de manière à remplacer progressivement les anciennes, pour faire face à l'augmentation de la consommation électrique qui se poursuit, mais aussi pour assurer les besoins en puissance et à la demande associés à un futur parc automobile renouvelé non émetteur direct de CO2, véhicules à batterie et à hydrogène demandant tous deux une source électrique abondante et flexible. Par ailleurs, outre son bilan d'émissions de CO2 parmi les plus faibles de toutes les sources d'énergie confondues, l'énergie nucléaire a également la plus faible empreinte territoriale rapportée à la puissance produite, et a par conséquent le plus faible impact sur la biodiversité et les paysages, actuels parents pauvres de la politique environnementale nationale.

Le renouvellement du parc nucléaire est compatible avec la poursuite du développement rationnel de l'ensemble du panel des énergies renouvelables visant à disposer d'un approvisionnement diversifié. Ce développement ayant en soi ses limites objectives, pas simplement parce que la volonté ferait défaut, mais aussi pour des raisons pratiques d'aménagement du territoire, et techniques d'adaptation des réseaux. Avec l'augmentation globale de la demande en électricité notamment associée au renouvellement du parc automobile, la diminution relative de la part du nucléaire dans le mix énergétique se fera alors de manière progressive et naturelle.

Pour relever les défis des décennies à venir, pour la France mais aussi pour l'Europe, toutes les sources renouvelables, éoliens terrestre et offshore, solaires photovoltaïque et à concentration, géothermiques individuel et collectif, mais aussi les différents types de technologies nucléaires déjà disponibles et en cours de développement ont un rôle à jouer. S'appuyant sur ces solutions de production, les grandes orientations et les arbitrages d'investissements du secteur de l'énergie au sens large doivent rester focalisés sur les objectifs in fine de poursuite de réduction des émissions de GES, de préservation des territoires et de la biodiversité, d'accessibilité solidaire à l'énergie, et d'optimisation de l'usage des matières premières disponibles.