Question n°179
Mix énergétique : objectifs antinomiques de la PPE
le ,L'objectif affiché de la PPE est de réduire la production de Gaz à Effet de Serre dans les 3 grands secteurs transport, habitat, production d'électricité. Pourquoi ajouter à cet objectif celui de réduire dans le mix électrique la part du nucléaire, énergie décarbonée s'il en fut ? Ce 2ème objectif est antinomique du premier : voir ce qui se passe en RFA !
Les objectifs de la PPE sont ceux qu’a fixés le Parlement dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015. La décroissance de la part du nucléaire dans le mix électrique en fait partie, tout comme le fait d’atteindre 40 % de production d’électricité à partir d'énergies renouvelables.
Cette diversification a vocation à renforcer la sécurité d'approvisionnement en électricité. Ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises l'Autorité de Sûreté Nucléaire, il est en effet important de disposer de marges suffisantes dans le système électrique pour faire face à l’éventualité de suspendre simultanément le fonctionnement de plusieurs réacteurs qui présenteraient un défaut générique grave. Un exemple de tel défaut générique est l’anomalie de concentration en carbone de l’acier qui a affecté les générateurs de vapeur de douze réacteurs à l'hiver 2016.
Le développement des énergies renouvelables contribue ainsi au renforcement des marges d'approvisionnement susceptibles de pouvoir palier de tels événements, dont l'impact sur l'équilibre du système électrique est susceptible de diminuer à la mesure de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique.
Dans la communication du Conseil des Ministres du 7 novembre 2017, le Gouvernement a rappelé « son attachement à la diversification du mix électrique, qui se traduit par le double objectif d’une baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité et d’une forte croissance des énergies renouvelables dont le potentiel économique est désormais démontré ». Le gouvernement a également affirmé sa volonté de ne pas augmenter les émissions de gaz à effet de serre du secteur de production d’électricité.
Commentaires
Part du nucléaire, émissions de CO2 et cycle de vie des ENR
Je voudrais appuyer les deux commentaires précédents. Aujourd'hui, la France est admirée de l’étranger pour son mix électrique incroyablement decarboné, en grande partie grâce au nucléaire (mais aussi l'hydraulique). Et la France va casser cela pour des raisons, à mon avis, essentiellement idéologiques, au moment même où il est plus qu'urgent, pour contrer le réchauffement climatique, de maintenir cette avancée. La peur du nucléaire est objectivement non-proportionnelle aux conséquences réelles observées, même à Tchernobyl (lire les rapports de l'OMS à ce sujet). L'accident chimique de l'usine Bhopal en Inde, qui s'est produit seulement 2 ans avant Tchernobyl, a eu des répercussions bien plus graves, encore aujourd'hui, mais pour une raison que je ne m'explique pas bien, il n'a pas eu le même impact dans l'imaginaire collectif. Je ne veux pas dire que la sûreté nucléaire doit être négligée, bien au contraire, mais simplement que le risque que l’énergie nucléaire représente ne justifie en aucune façon son abandon, et ce d'autant plus que malgré les erreurs du secteur, il est extrêmement encadré, comme très peu d'industries au monde ne le sont - ce qui est une excellente chose.
Je comprends en partie l'argument qui consiste à dire "il ne faut pas mettre tous nos œufs dans le même panier" et donc il faut réduire la part du nucléaire en France. Cela étant, si on peut se poser la question du renouveau nucléaire qui serait seulement partiel (en particulier du fait de son coût de construction), le meilleur moyen à moyen terme de conjuguer efficacité écologique et économique est la prolongation autant que possible (et c'est possible) de la durée de vie des centrales existantes. Investir dans les ENR, c'est très bien et il en faut, mais de grâce, ne fermons pas le nucléaire pour autant (sauf dicté par des raisons de sûreté) - c'est une absurdité économique, puisque les centrales sont largement amorties et que le coût de mise à niveau pour une prolongation de vie reste raisonnable, et écologique puisque non-seulement leur fonctionnement n’émet pour ainsi dire aucun CO2, mais en plus leur prolongation évite d'en émettre pour la construction d'autres sources de production de remplacement.
Par ailleurs, il conviendrait de se pencher un peu plus sérieusement sur le bilan écologique des panneaux solaires et éoliennes, qu'on présente comme des solutions "écologiques" alors que c'est loin d’être si simple : le cycle de vie du nucléaire n'a rien à envier à celui des panneaux solaires et des éoliennes et l'approvisionnement des métaux rares nécessaires à leur fabrication pose question. Je passe sur la comparaison des coûts et l’intégration des ENR dans les réseaux.
Au final, il est impératif de ne pas opposer nucléaire et ENR, alors que la priorité doit porter sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, produits essentiellement par la combustion d’énergies fossiles. Il nous faut d'ailleurs avoir en tête que l'électricité ne représente qu'environ 20% de l'énergie finale consommée en France, le reste étant donc fourni essentiellement par les énergies fossiles (et un peu le bois). C'est donc bien sur la réduction de la dépendance aux énergies fossiles que l'on doit se concentrer, et en tout premier lieu sur les économies d’énergies, qui sont le meilleur moyen de limiter les coûts et les émissions. Il faut en finir avec le mythe de l’énergie abondante et bon marché ; la sobriété doit faire son chemin. Autrement, il ne nous reste que l'augmentation de la part de l'électricité dans la consommation d'énergie finale pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre - mais à condition qu'elle soit décarbonée, et alors les ENR seules ne suffiront pas…
Ca ne tient toujours pas la route
La Maitrise d'Ouvrage s'acharne à nous dire ceci :
"Cette diversification a vocation à renforcer la sécurité d'approvisionnement en électricité."
Mais ça ne tient toujours pas la route car il s'agit de remplacer une partie de l'énergie nucléaire, qui est pilotable, par une énergie qui ne l'est pas, et qui n'apporte donc aucune garantie d'approvisionnement.
Cela doit bien faire une demi-douzaine de fois qu'on fait remarquer cette évidence à la Maitrise d'Ouvrage. Pourtant elle s'acharne à l'ignorer.
C'est donc que la réelle raison de la baisse du nucléaire ne réside pas là, et que la Maitrise d'Ouvrage n'ose pas l'avouer.
@ Thomas VULLIOD
"C'est donc que la réelle raison de la baisse du nucléaire ne réside pas là, et que la Maitrise d'Ouvrage n'ose pas l'avouer"
100% d'accord, mais on sait bien au fond de nous que ce n'était (n'est) qu'une question politique.
En 2015 fallait faire plaisir à qui vous savez...
Qu'en sera-t-il en 2018 ?
Part du nucléaire et sécurité d'approvisionnemen en énergie
Merci à la Maîtrise d’ouvrage (MO) pour cette réponse qui donne l’occasion de corriger une lourde erreur assez fréquente.
Comment peut-on laisser penser que l’ASN en parlant de « marges suffisantes dans le système électrique » justifie « 40 % de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables » ? Ces énergies renouvelables seraient pour l’essentiel de l’éolien et du photovoltaïque (les ressources en biomasse sont limitées et seront mieux utilisées pour le chauffage). Comment donc éoliennes et photovoltaïque pourraient-ils compenser l’absence de production de quelques réacteurs nucléaires un soir d’hiver sans vent, au moment où l’on a le plus besoin d’électricité ?
Pour se prémunir contre l’éventualité de l’arrêt simultané de quelques réacteurs nucléaires, il suffit de disposer de sources d’énergie que l’on utilisera seulement lorsque l’on en aura besoin. Par exemple des groupes électrogènes et des turbines à compression au gaz. Autre méthode : créer une nouvelle demande d’électricité effaçable en cas de besoin, par exemple les véhicules hybrides rechargeables ou, sur le même principe, du chauffage hybride en maintenant en état de marche les chaudières au fioul ou au gaz. En cas de besoin ils passeront alors sans difficulté sur une forme d’énergie qui se stocke.
On ne peut pas passer à côté de la remarque de l’ASN mais, contrairement à ce que laisse entendre la MO du débat dans sa réponse, cette remarque ne justifie absolument pas une baisse de la part du nucléaire.
Par ailleurs, dans sa réponse à la question 140, la MO écrit à juste titre : " La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) adoptée en 2016 indiquait ainsi que ' l’enjeu prioritaire de la PPE est de réduire la consommation d’énergies fossiles importées' ". Or de ce point de vue, le remplacement de nucléaire par des éoliennes et du PV ne change rien. Pire, il augmente les importations, car éoliennes et panneaux photovoltaïques sont importés.
On continue donc de s’interroger : pourquoi donc diminuer la part du nucléaire, ce qui nous coûterait près de 10 milliards d’euros par an ou plus encore ? Si la tenue de ce débat PPE a un sens, est-il réellement suffisant de prendre comme motif que c’est inscrit dans la loi ?