Avis n°169
Durée de vie d'une centrale nucléaire
le ,Information peu connue, les centrales nucléaires françaises, qui sont des centrales à eau pressurisée, ont été construites sur la base d'une licence octroyée à Framatome en 1974 par le concepteur nord-américain, la société Westinghouse. La toute première centrale construite en France, Fessenheim, est en fait pratiquement une copie de la centrale nord américaine de Beaver Valley, mise en service en 1976. Un certain nombre d'autres centrales construites au Etats Unis l'ont été sur cette même base de conception Westinghouse.
Pour fonctionner aux Etats-Unis, une centrale a besoin d'une licence de fonctionnement, donnée initialement pour une durée de 40 ans, correspondant à une durée de vie minimale indiquée par le concepteur, et non pas maximale. Cette durée de fonctionnement a fait l'objet d'une prolongation de 40 ans à 60 ans de la part de la NRC (l'équivalent américain de l'ASN français – ASN : Autorité se Sûreté Nucléaire) pour la plupart des centrales, et le dossier de la prolongation de 60 ans à 80 ans serait à l'étude
Les centrales nucléaires américaines ayant commencées à être construites antérieurement aux centrales françaises actuellement en activité, plusieurs dizaines de centrales de plus de 40 ans sont actuellement en fonctionnement aux Etats Unis.
En France, le processus est différent : les autorisations de création des centrales nucléaires ont été délivrées sans limitation de durée. Par contre, des visites décennales ont été organisées par l'ASN et permettent l'émission d'autorisations de fonctionnement pour les 10 années suivantes.
Contrairement à l'information fréquemment véhiculée, il n'y a donc pas à ce jour de date anniversaire fixée à 40 ans pour la fermeture d'une centrale nucléaire française : elle peut être arrêtée sur décision de l'ASN, de manière ponctuelle, ou définitive, et ce quelque soit son âge. Suite aux visites de l'ASN, un certain nombre de centrales ont déjà été arrêtées pour des durées plus ou moins longues, avec des demandes d'intervention pour effectuer des travaux et mise à niveau afin de s'assurer que les conditions de fonctionnement sont parfaitement en ligne avec les règlementations en vigueur et les demandes de l'ASN.
Le calendrier des futures visites décennales est par contre, lui, bien déterminé. Il est visible sur le site de l'ASN (https://www.asn.fr/publications/2014/Controle198/#8/z).
Ce même site de l'ASN indique également en détail toutes les visites décennales effectuées au cours des dix dernières années : il y apparaît d'ailleurs que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont fait l'objet de visite décennale en Septembre 2010 et Aout 2012, les prochaines visites décennales étant prévues en Septembre 2020 et Aout 2022. Soit 42 et 44 ans après leur mise en service commerciale respective.
L'ASN n'a pas considéré que la centrale de Fessenheim présentait de situation sécuritaire justifiant sa mise à l'arrêt, où sa clôture définitive. Ce n'est donc pas l'ASN qui a demandé la clôture de Fessenheim à fin 2018.
Et les autres centrales françaises ? EDF a travaillé sur un plan, le grand carénage, pour renforcer et remplacer ce qui doit l'être, permettant de satisfaire aux requêtes de l'ASN pour prolonger la durée de vie des centrales de 10 ans au moins, et si possible plus. L'objectif affiché est d'atteindre au moins 50 ans. Il est encore probablement trop tôt pour parler des 10 années suivantes.
Quelle est, dans le monde, la centrale la plus âgée en fonctionnement ? Il s'agit de la centrale de Beznau, située en Suisse, près de la frontière avec l'Allemagne, et à environ 50 km de l'Alsace : mise en service en 1969, elle fêtera ses 50 ans l'année prochaine. Il est cocasse de constater que les Suisses, qui, le 21 Mai 2017, ont approuvé par vote de ne plus construire de nouvelle centrale, sont ceux qui a ce jour ont fait durer le plus longtemps l'une de leurs centrales. Mais finalement pas étonnant, car ces mêmes électeurs avaient voté en 2016 contre la limitation à 45 ans de la durée de vie des centrales nucléaires.
Quelle est la raison de faire durer une centrale, et ce tout en maintenant les conditions de sécurité idoines ? Elle est simple et c'est celle de tout investissement industriel : les couts fixes impactent d'autant plus faiblement le cout de production annuel que la durée d'utilisation est longue. Et ce même s'il y a des investissements de maintenance, d'un montant raisonnable.
Dans le cas du nucléaire, sachant que la construction d'une centrale peut prendre plusieurs années, et que son démantèlement peut s'étaler sur une vingtaine d'année, on voit tout l'intérêt économique a faire durer le plus longtemps possible le fonctionnement d'une centrale.
En conclusion, en France, il n'y a pas d'âge limite préalable pour une centrale nucléaire. L'arrêt pour des raisons de sécurité est décidé par l'ASN, et n'a rien à voir avec une date anniversaire de 40 ans.
Alors que Monsieur Sébastien Lecornu se rendra le 12 Avril prochain en Alsace pour une réunion du comité de pilotage sur la reconversion du site de à Fessenheim, il doit être clair que la raison de la clôture de Fessenheim n'est ni lié un aspect de sécurité, l'ASN l'aurait dit, ni d'âge anniversaire de la centrale, ni économique.
Si le nucléaire est considéré comme une source d'énergie inappropriée, il faut que cela soit dit officiellement et clairement. Il faudra alors planifier la fin de son utilisation, et cesser de signer des contrats de centrales à l'étranger (Hinkley Point en Grande Bretagne, projet en Inde), entretenant une schizophrénie difficile à comprendre : l'énergie nucléaire serait inapproprié sur le sol français, mais la France continuerait d'intervenir dans la fabrication des centrales située à l'étranger.
S'il est considéré comme une source d'énergie appropriée, il faudra s'assurer, une fois l'étape de la décision de l'ASN passée, que le processus décisionnel sur la durée de vie d'une centrale donnée intègre bien les éléments économiques, afin de ne pas fermer précocement un outil industriel en état de fonctionnement.