Avis n°334
La nécessité du nucléaire dans le mix électricité
le ,La filière nucléaire un moyen indispensable pour que l'Europe tienne ses engagements
Pour répondre aux engagements qu'elle prit lors de la réunion de la COP 21 l'Europe doit se donner les moyens de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. La production d'électricité est donc concernée par le choix des moyens à mettre en œuvre pour répondre à ces engagements.
La place du nucléaire dans le choix des moyens de production de l'électricité
Ignorée par les instances européennes, la filière nucléaire européenne représentant 800 000 emplois pâtit de l'absence de politique industrielle ambitieuse de marché incitatif pour les investisseurs. De ce fait, le secteur ne dispose pas de la visibilité suffisante lui permettant d'envisager le renouvellement de son parc. Exclu des mécanismes d'aides d'Etat et des garanties offertes par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (plan Juncker) , le nucléaire européen, libéralisé, n'est pas reconnu comme un bien public et d'intérêt commun et est concurrencé par les nucléaires administrés(Russie, Chine, etc). Dans les prochaines décennies, il risque de perdre son leadership. La situation n'est cependant pas irréversible : des solutions existent.
Pour répondre à l'impératif climatique et satisfaire à ses engagements auprès de la COP 21, la Commission a privilégié unilatéralement les énergies renouvelables, ce qui a entraîné des effets pervers allant à l'encontre des objectifs de sécurité et de compétitivité, sans parler de la lutte contre la précarité énergétique. En effet, les discriminations positives accordées aux renouvelables pour favoriser leur développement ont réduit les capacités d'utilisation gaz et nucléaire. Ce dernier ne représente plus que 29 % de la production d'électricité dans le mix européen, et selon les prévisions de la Commission dans le PINC (programme indicatif nucléaire), il ne représentera plus que 20 % en 2050, contre 50 % pour les renouvelables alors que l'expérience de l'Australie du sud a largement démontré l'impossibilité de maintenir l'équilibre du système électrique dans de telles conditions.
Par ailleurs, la priorité accordée dans les réseaux aux sources éolienne et solaire, variables, a provoqué une volatilité des prix spot au jour le jour, alors que les investisseurs ont besoin de prix stables pour inciter aux investissements de long terme dont font partie les investissements en moyens de production d'électricité. Ces choix dissuadent donc les investissements dans le nucléaire, une énergie qui ne pollue pas et n'émet pas de gaz à effet de serre, lequel apparait de ce fait indispensable à la réalisation des objectifs climatiques fixés à la COP21, et cela tant que les moyens de stockage de l'énergie pour pallier l'intermittence des productions éolienne et photovoltaïque n'ont pas été mis au point.
Les prix
La qualité des études produites et des débats initiés par diverses associations dont Sauvons le Climat et la SFEN ont de plus le permis de faire la clarté sur les coûts. La deuxième génération du nucléaire offre en effet une électricité avec la meilleure compétitivité-prix. Celle des renouvelables éolien off-shore et solaire - bien qu'elle progresse rapidement comme l'a démontré une étude de Sauvons le Climat - voit sa compétitivité mise en cause lorsque l'on prend en compte les « coûts système ». En effet, l'intermittence de ces sources est énorme (et le solaire trouve sa meilleure extension potentielle dans la zone intertropicale) : elles ne peuvent pas répondre seules à la demande et donc se développer sans l'existence de capacités de production en continu- nucléaire, et les turbines à gaz et centrales à flamme (gaz et charbon) -comme nous l'avions déjà signalé à diverses reprises dans le passé. L'OCDE démontre que l'élévation excessive de la part des renouvelables aurait pour conséquence un déplacement massif de la demande vers des productions de base comme le gaz et le charbon. Il est par conséquent urgent de revaloriser le prix de la tonne de carbone (aujourd'hui estimé à 5 €) afin de dissuader la consommation en combustibles fossiles, et de réformer le marché d'émission des quotas de CO2 établis par l'Union qui s'avère être un échec. Par ailleurs, qui est souvent oublié, le coût des infrastructures de réseaux qui amène les flux des renouvelables vers les consommateurs, et les coûts sociaux dans les entreprises, liés au changement de leurs modèles économiques, ou sur les territoires.
Des climatologues interpellent Emmanuel Macron
Face à l'urgence climatique et à la nécessité de réduire massivement les émissions de CO2, des dizaines de climatologues, des écologistes et des scientifiques de renom demandent dans une lettre ouverte au président de la république de soutenir l'ensemble des énergies propres, dont l'énergie nucléaire. « Lancé dans les années 70 et 80, le programme nucléaire français a démontré qu'il était possible de décarboner la production d'électricité d'un pays industrialisé. Pour lutter contre le changement climatique et améliorer la qualité de l'air, la France devra réduire massivement l'utilisation de combustibles fossiles dans le transport et le chauffage en utilisant l'ensemble des énergies bas carbone. L'énergie nucléaire doit jouer un rôle central dans l'atteinte de cet objectif » expliquent les signataires dans leur communiqué.
La France a démontré qu'il était possible de décarboner la production d'électricité.
Dans leur lettre ouverte, disponible en anglais sur le site d'Environmental Progress et en français sur celui de Sauvons le climat, les scientifiques préviennent que « toute réduction de la production nucléaire en France aura pour effet d'augmenter la production d'électricité par des combustibles fossiles, donc la pollution, au vu des faibles facteurs de charge et de l'intermittence du solaire et de l'éolien ».
Comme nous l'avons fait dans deux précédentes publications, les écologistes pointent les limites de la transition énergétique allemande : « Les émissions de CO2 de l'Allemagne n'ont pratiquement pas changé depuis 2009 et ont, en fait, augmenté tant en 2015 qu'en 2016, à cause des fermetures de centrales nucléaires. En dépit d'une augmentation de la puissance installée solaire de 4 %, et de celle de l'éolien de 11 %, la production de ces deux sources a baissé de 3 et 2 % respectivement du fait qu'il y a eu moins de soleil et de vent en 2016 qu'en 2015. Et là où la France a une électricité parmi les moins chères et les plus propres d'Europe, celle de l'Allemagne est une des plus chères et plus sales. L'Allemagne a dépensé près de 24 milliards € de plus que le prix de marché en 2016 pour ses seuls prix garantis d'achat des renouvelables, mais ses émissions ont stagné. Il est à prévoir que l'Allemagne n'atteindra pas ses objectifs de réduction d'émissions de 2020, et de loin. Malgré des investissements énormes dans les renouvelables, seulement 46 % de l'électricité allemande sont issus de sources d'énergie propre, à comparer aux 93 % de la France ».
Le modèle allemand si souvent avancé par des médias et des « écologistes » comme un modèle à suivre s'avère-malgré des efforts importants vers une substitution du nucléaire par des renouvelables- comme un échec tant du point de vue de la protection de l'environnement que du coût pour les consommateurs -à l'exception des industriels bénéficiaires de conditions particulières- car il leur en coûte près du double du prix moyen français.
L'intérêt d'inclure le nucléaire dans le mix énergétique
Pour les signataires de la lettre ouverte au président, le développement des énergies renouvelables doit permettre de réduire la part des énergies fossiles : « Les renouvelables peuvent contribuer à une électrification plus poussée des transports, celle-ci étant déjà bien entamée avec le réseau ferré mais pouvant être poursuivie avec les véhicules individuels ».
A l'inverse, substituer une énergie bas carbone (nucléaire) par des énergies elles-aussi bas carbone (renouvelables) aurait un effet nul sur le climat mais des impacts importants sur le prix de l'électricité : « Un remplacement du nucléaire par des combustibles fossiles et des renouvelables nuirait considérablement à l'économie française de trois façons : augmentation des prix de l'électricité pour les ménages et l'industrie, la fin des exportations lucratives d'électricité et - peut-être le plus important - la destruction de la filière nucléaire française à l'export. Si le parc nucléaire français est contraint de fonctionner avec un facteur de charge réduit, la filière nucléaire française en sera paralysée par une augmentation de ses coûts et une réduction de ses revenus ».