Question n°611
Le nucléaire ne sert pas qu'à produire de l'électricité
le ,La cogénération nucléaire de chaleur pourrait permettre d'alimenter les réseaux de chaleur existants dans les métropoles régionales françaises, en substitution au gaz et au fioul, et pour des usages industriels de chaleur, ce qui permettrait de réduire significativement et rapidement les émissions de CO2 de ces deux secteurs (ainsi que l'import de produits pétroliers pour ces usages).
Par ailleurs, de petits réacteurs nucléaires de type "SMR" pourraient également être utilisés pour le chauffage urbain, comme c'est étudié et envisagé par plusieurs villes finlandaises, Helsinki en tête.
A-t-on mené, mène-t-on actuellement, ou prévoit-on de mener en France des études sur ces possibilités, dans le cadre de la transition énergétique (notez qu'on ne parle pas d'électricité ici) ? Est-ce un levier présent d'une manière ou d'une autre dans la PPE ? Si ce n'est pas le cas, est-il prévu de combler cette lacune ?
A minima, et dans le cadre de la clause des 50% de la LTECV si elle n'est pas revue entre-temps pour déverrouiller tous les moyens de lutte contre les GES, pourquoi ne pas envisager la solution suivante : au lieu de fermer prématurément et arbitrairement des centrales nucléaires rentables, amorties et agréées par l'ASN, convertir les unités idoines (là où c'est pertinent) en générateurs exclusifs de chaleur ? Cela permettrait, tout en diminuant la part relative du nucléaire dans le mix électrique national, donc d'aller dans le sens de la loi dans sa forme actuelle, d'actionner un levier efficace pour tâcher de diminuer - enfin - les émissions de CO2 françaises.
La cogénération permet de récupérer la chaleur perdue lors de la production d’électricité et d’augmenter le rendement à plus de 80 % pour une centrale thermique fossile, réduisant ainsi la consommation d’énergie primaire et potentiellement les émissions de gaz à effet de serre. La récupération de chaleur fatale est ainsi l’un des enjeux de développement traité par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Une étude de l’ADEME[1] a été réalisée sur les gisements de chaleur fatale industrielle en France et fait état d’un potentiel maximum de 109,5 TWh au niveau national. Environ 15 % de ce gisement est situé à proximité d’un réseau de chaleur existant qui pourrait permettre sa valorisation.
Les centrales nucléaires, dont le rendement moyen n’est que de 33 %, représentent en effet l’une des pistes à étudier pour la cogénération. Elle a effectivement été mise en œuvre en Europe de l’Est et étudiée en Finlande pour fournir en chaleur les villes situées aux alentours des centrales. Le potentiel de récupération de chaleur est bien présent en France et on peut citer le cas de la Région Hauts de France où une récupération de la chaleur fatale de la centrale nucléaire de Gravelines est effectuée pour le chauffage de l’eau de pisciculture à proximité.
Néanmoins, le déploiement industriel de la cogénération nucléaire à grande échelle pose encore question. D’une part, le parc nucléaire français a été construit pour produire de l’électricité et non pas pour produire de la chaleur, le réacteur étant directement associé à un groupe turbo-alternateur sur site et raccordé aux réseaux électriques. La récupération de chaleur nécessiterait de réaliser des investissements en termes de soutirage de la vapeur sur la centrale et de raccordement sur de très longues distances à un réseau de chaleur en raison de l’éloignement des centrales vis-à-vis des centres urbains, rendant cette récupération peu rentable. Par ailleurs, les pertes de chaleur lors du transport risqueraient d’être très importantes car les centrales nucléaires sont le plus souvent implantées à distance des lieux d’habitation ou même des centrales thermiques proches des villes. Enfin, des enjeux contraignants de sûreté seraient également à prendre en compte en cas de modifications apportées à la centrale.
L’utilisation de petits réacteurs modulaires de faible puissance, appelés SMR, pourrait représenter une alternative possible. Cependant, ces réacteurs ne sont pas encore technologiquement matures et ont un coût économique encore très élevé pour envisager un tel usage en cogénération à court terme.
[1] Etude intitulée « La chaleur fatale », Edition 2017, ADEME