Avis n°464
On ne nous dit pas tout !
le ,Les performances techniques, environnementales et économiques des différentes filières de production d'électricité sont souvent comparées dans les médias (généralistes ou spécialisés), notamment quand un nouveau site de production éolien ou photovoltaïque est mis en service. C'est également le cas quand les promoteurs des EnR électriques veulent afficher qu'elles sont une alternative crédible aux moyens de production dit « programmables » que sont les productions électronucléaire ou thermique à flamme (programmable signifie que l'on peut faire varier la puissance produite en fonction des besoins). Le public peut être tenté de croire ces affirmations tant les articles sur le sujet sont à l'unisson.
Qu'en est-il en réalité ?
Les performances techniques et économiques des « fermes » éoliennes ou solaires (que nous appellerons ERI, pour Electricité Renouvelable Intermittente) ne sont absolument pas comparables à celles des moyens de production programmables. Voici, dans le détail, ce qu'il en est :
Puissance disponible : la puissance annoncée dans les médias quand une nouvelle ferme éolienne ou solaire est mise en service, est en réalité la puissance maximale atteignable quand les conditions météo sont optimales. Cette valeur n'est pas toujours disponible quand le réseau en a besoin et elle n'est pas corrélée avec les besoins de consommation. Dans le cas des moyens programmables, on fait varier la puissance fournie (de façon automatique et manuelle) pour répondre à une augmentation ou à une baisse de la consommation. Or voit bien que le service rendu au réseau n'est pas du tout comparable, ce que ne mentionnent jamais les médias (soit par ignorance, soit par manque d'objectivité).
Energie produite : dans le cas des ERI, le facteur de charge (rapport entre l'énergie déversée sur le réseau en un an et celle qui serait produite si les machines fonctionnaient en permanence à pleine puissance) est de l'ordre de 25% pour l'éolien terrestre et de 15% pour le solaire photovoltaïque. Pour les moyens programmables, la disponibilité est de l'ordre de 80%, c'est-à-dire que pendant 292 jours par an, une unité de production programmable peut fournir l'énergie nécessaire en fonction de la consommation. Cet aspect est peu connu du public car ces comparaisons ne sont jamais faites.
Performance environnementale, émissions de CO2 : les ERI sont présentées comme les championnes de la lutte contre les dérèglements climatiques car non émettrices de CO2. Pas un responsable politique Français n'a eu le courage d'affirmer lors de la COP 21 que les bonnes performances de notre pays en matière d'émissions liées à la production d'électricité sont essentiellement dues au nucléaire et à l'hydraulique. D'autre part, depuis 3 ans, les émissions globales de la France sont reparties à la hausse alors que dans le même temps la puissance installée des ERI a fortement augmenté ; ces mauvais chiffres montrent que les ERI, dans un pays où la production d'électricité est déjà largement décarbonnée, ne sont pas une solution.
Performance économique : les coûts de production annoncés pour les ERI sont totalement tronqués quand il s'agit de les comparer avec ceux des moyens de production programmables. Quand on lit par exemple que le coût de production de l'éolien terrestre est maintenant de l'ordre de 60 à 70 euros par mégawattheure produit, on oublie de préciser qu'il s'agit du coût direct, sortie usine. Si l'on veut comparer les coûts des différentes filières, il faut ajouter dans le cas des ERI :
- Les surcoûts du renforcement du réseau électrique pour absorber les flux électriques aléatoires ERI interrégionaux et transfrontaliers (flux qui sont beaucoup plus limités avec les moyens programmables),
- Le coût du maintien en service de moyens de production programmables (back-up) dont on doit faire varier la puissance à la hausse ou à la baisse pour répondre aux besoins de la consommation quand les conditions météo (vent ou ensoleillement) changent rapidement, ce qui est très fréquent sur une même journée,
- Le coût des mesures financières d'incitation qui ont été mises en place (contrats avec obligation d'achat à un prix élevé) pour encourager les investisseurs des ERI, mesures qui sont répercutées sur le consommateur d'électricité au travers d'une taxe : la CSPE. Le consommateur ne sait pas que le montant cumulé prévisionnel de ces mesures d'encouragement des ERI sur la durée totale des contrats actuels s'élève à 130 milliards d'euros. En 2017 il a représenté de l'ordre de 5 milliards d'euros.
Un jour (dans une vingtaine d'année au moins), le consommateur n'aura plus à supporter ces mesures d'incitation si elles disparaissent rapidement pour les nouveaux contrats, en revanche il faudra tenir compte du coût très important d'installation de nouveaux moyens de stockage massif d'électricité qui seront nécessaires si, comme le demande la LTECV, la part des ERI atteint environ 40% du mix de production d'électricité et que simultanément la puissance du parc électronucléaire est réduite.
A l'inverse, s'agissant de la production électronucléaire, le coût de production est complet, intégrant les provisions nécessaires pour procéder, le moment venu, au retraitement du combustible usé et à la déconstruction des réacteurs. La cour des comptes a d'ailleurs fourni en 2012 et 2014 une évaluation très détaillée du coût complet de la production électronucléaire. S'il existe des incertitudes sur ce que coûtera réellement la déconstruction d'un réacteur le moment venu, cette incertitude n'est en aucun cas de nature à faire varier le coût de production dans des proportions importantes car la part des provisions est faible dans le coût de production. Les Unités actuelles étant largement amorties, leur coût « cash » de production (c'est-à-dire correspondant aux charges d'exploitation, sans prise en compte du financement de nouveaux réacteurs) est de l'ordre de 30 euros par mégawattheure. Le coût d'objectif de l'EPR de série est annoncé dans une fourchette de 60 à 70 euros par mégawattheure.
A qui profite cette désinformation ? les contrevérités colportées par les médias tendent à faire apparaître aux yeux du public les ERI comme une filière pleine d'avenir et à décrédibiliser le nucléaire qui serait « une énergie du passé ». Les investisseurs promoteurs des filières ERI, les associations anti-nucléaires et les fournisseurs de gaz sont les principaux artisans de cette désinformation. Mais le pouvoir politique est, depuis longtemps, complice de ces lobbies alors qu'il devrait avoir le courage de donner à nos concitoyens une information objective. Quant à EDF, muselée par l'Etat, son actionnaire dominant, elle fait le gros dos.