Avis n°538
L’urgence du « biseau » nucléaire/renouvelable
le ,L’urgence du « biseau » nucléaire/renouvelable
Afin de satisfaire nos besoins énergétiques, 3 familles de ressources peuvent, en l’état actuel des connaissances et de la technologie, être exploitées :
• les énergies renouvelables ;
• l’énergie d’origine nucléaire ;
• les énergies fossiles.
Chacune de ces familles présente des avantages et des inconvénients (y aurait-il débat s’il en était autrement ?). J’ai rapidement mis en forme quelques considérations qui ne sont pas très originales mais qui me semblent de bon sens. Le texte qui en résulte est bien court au regard du champ couvert par l’objet de ce débat public. Cette contribution n’est pas exhaustive et elle n’est malheureusement pas, faute de temps, étayée par des éléments chiffrés.
Pour résumer, les énergies renouvelables se positionnent favorablement quand on considère les émissions de gaz carbonique et de polluants (pour la majorité d’entre elles, voir la suite), par contre elles sont intermittentes et aléatoires. Le bilan carbone de l’énergie nucléaire est quant à lui digne de considération mais les risques inhérents à l’exploitation à grande échelle des réactions nucléaires ne peuvent être ignorés, pas plus que le problème de la gestion (surtout à long terme) des déchets ou celui du rejet de chaleur dans l’environnement par les centrales. Par ailleurs, l’exploitation de l’énergie nucléaire a pour corollaire une production centralisée d’énergie avec tous les inconvénients qui s’en suivent (en termes politiques, économiques ou encore de sécurité d’approvisionnement). Enfin, la France est largement tributaire de pays étrangers pour la fourniture de l’uranium. Bref, l’énergie nucléaire n’est pas une énergie d’avenir. Concernant les énergies fossiles, leur avantage principal est d’offrir une densité énergétique volumique et/ou massique particulièrement élevée, mais, revers de la médaille, le bilan carbone est particulièrement mauvais et elles sont importées.
A long terme (deuxième moitié du présent siècle ?), on peut raisonnablement supposer que des solutions de stockage de l’énergie techniquement efficaces et économiquement viables auront été développées, ouvrant ainsi la voie à une exploitation massive des énergies renouvelables. On peut en effet tabler sur des avancées technologiques significatives qui, d’une part, rendront (enfin) le stockage électrochimique (batteries) performant et, d’autre part, autoriseront l’utilisation à grande échelle du vecteur hydrogène (notamment dans les transports). Ces solutions de stockage, couplées à l’intelligence qui va caractériser les réseaux électriques (smart grids) dans un proche avenir, devraient permettre de minimiser, voire de faire disparaître, les inconvénients issus de l’intermittence des énergies renouvelables.
C’est donc sur la période intermédiaire qui s’ouvre (les 20 ou 30 prochaines années ?) que la réflexion doit s’engager. Compte-tenu de l’impératif absolu de limitation des émissions carbonées, cette période doit être caractérisée par la décroissance continue et marquée de l’utilisation des énergies fossiles, avec peut-être une exception, pendant une période intermédiaire, pour le méthane vu son bilan carbone un peu moins défavorable (mais attention au rejet inopinés –fuites- de ce gaz dans l’atmosphère vu son pouvoir réchauffant 25 fois supérieur à celui du gaz carbonique).
C’est l’électricité qui devrait alors prendre le relais. Compte-tenu de ses inconvénients, l’électricité d’origine nucléaire doit voir son importance décroître au plus vite au profit de l’électricité d’origine renouvelable. Cette décroissance doit aussi pouvoir s’appuyer sur une forte baisse de la demande énergétique. Contrairement à la question du stockage de l’énergie, les réductions de consommation ne sont pas, pour une part prépondérante d’ente elles, dépendantes de progrès technologiques. Les techniques d’isolation du bâti, d’amélioration des rendements des divers systèmes de chauffage ou des moyens de propulsion des véhicules sont désormais bien maîtrisées et leur développement à grande échelle permettra d’en faire baisser le coût pour permettre une diffusion de masse. Il est donc raisonnable d’envisager que la possibilité de se passer de l’énergie nucléaire devienne effective disons, pour être large, d’ici à 40 ans. Ce qui signifie qu’il est grand temps d’enclencher le processus de fermeture progressive (et effective…) des centrales nucléaires. Un retard conséquent est déjà à déplorer. Ne perdons plus de temps pour permettre que la transition (un « biseau » nucléaire/renouvelable) se déroule dans des conditions optimales, sans heurts de quelque nature que ce soit, notamment sociale.
Enfin, je conclurai en émettant trois avis plus ponctuels (cités ci-après sans hiérarchie).
• l’un concerne l’utilisation du « bois-énergie » qui ne me semble pas être une voie d’avenir. En effet, la combustion du bois s’accompagne d’une forte émission de particules de composition et de taille diverses (voir les résultats des analyses de qualité de l’air effectuées en hiver dans la Vallée de l’Arve ou en Alsace) ;
• le deuxième a trait à la récupération et au stockage du gaz carbonique. Outre son caractère « énergivore », ce procédé me paraît orthogonal à la notion de développement « durable ».
• l’intérêt de la méthanisation de la biomasse et des déchets agricoles doit être bien évalué compte-tenu des conséquences cumulées des fuites potentielles sur les installations et du pouvoir réchauffant du méthane.