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Question n°400

Le nucléaire : qui payera, qui sera responsable en cas d'accident ?

Ajouté par cyril ANONYMISé (dunkerque ), le
[Origine : Site internet]
Energie nucléaire

Les accidents dans le domaine du nucléaire n'existent pas (TMI, Tchernobyl, Fukushima, etc.).

Ma question est la suivante : "qui payera les effets d'un éventuel accident nucléaire en France". Qui sera pénalement et civilement responsable ? 1) l'état qui dit quelque chose et qui change son fusil d'épaule quand il est au gouvernement (ex : arrêt de 50/100 des centrales en 2025) ; 2) les actionnaires d'edf ? ; 3) edf qui n'a même pas l'argent pour effectuer le démantèlement de 50/100 de ces centrales ? Il me semble qu'aux USA, il existe le "price anderson act" qui est une loi qui oblige l'exploitant à payer 100/100 d'un éventuel accident (depuis TMI). Merci d'avance de votre réponse.

PS : Très souvent on se pose les questions après... Essayons d'être proactif et de se poser la question avant...

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Les caractéristiques du risque nucléaire ont conduit les États à organiser un régime de responsabilité civile particulier dans un cadre supranational. La France adhère, comme la plupart de ses voisins européens, à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire et à la Convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963.

Le régime d’indemnisation organisé par ces conventions repose sur des principes dérogatoires au droit commun de la responsabilité civile, et comporte plusieurs spécificités protectrices des victimes :

  • en premier lieu, la responsabilité de l’exploitant nucléaire est objective, elle peut être engagée sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’une faute. L’exploitant ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité que dans des conditions très restrictives ;
  • en second lieu, la responsabilité de l’exploitant nucléaire est exclusive ; elle est canalisée sur l’exploitant de l’installation où l’accident s’est produit ou, en cas de transport, sur l’exploitant responsable du transport. Celle des autres intervenants dans l’installation, en particulier celle du fournisseur, est en principe exclue.

Ce régime prévoit plusieurs niveaux de couverture du risque pour des montants limités, reposant d’une part sur la garantie financière de l’exploitant nucléaire, d’autre part sur un financement à la charge de l’État de l’installation, et enfin sur l’intervention d’un fonds international alimenté par les contributions des États parties.

Le plafond de responsabilité de l’exploitant au titre de la tranche d’indemnisation lui incombant s’élève à 700 M€ pour une centrale nucléaire (article L. 597-28 du code de l’environnement).

L’exploitant a l’obligation d’être assuré à hauteur de ce montant (article L. 597-31 du code de l’environnement).

Commentaires

la nature de votre question illustre en creux que le nucléaire a pour avantage essentiel d'avoir des externalités négatives traçables.

Car autant il y a un responsable en cas d'accident nucléaire, autant un vendeur de gaz, un exploitant de centrale brulant du charbon ne risque RIEN si il rend la planête inhabitable par émission excessive de CO2.
Le nucléaire a de nombreux défauts, mais au moins il gère la chaine "de bout en bout", alors que les émetteurs de poluant type CO2 ne sont pas responsables de la pollution qu'ils engendrent (une molécule de CO2 atmosphérique met plusieurs miliers d'années à être captée par la "nature", c'est un déchet aussi nocif qu'un déchet nucléaire, mais diffus)

92150

A noter quand même que, d'après notamment le rapport de la Cour des Comptes ou le rapport Baupin sur la filière nucléaire, le plafond de responsabilité de l'exploitant est largement insuffisant (700 millions d'€/centrale contre les estimations de minimum 200 Milliards d'€ pour Fukushima par exemple..). C'est donc derrière l'Etat qui prend le relai (donc nous!). On est donc assez loin de la parfaite maîtrise par l'exploitation du coût en cas d'accident majeur (d'autant qu'on ne compte pas dans ces sommes les coûts indirects des fermetures/arrêts des autres centrales de même technologie que la centrale qui aurait eu cet accident...).

Mais effectivement, les émetteurs de CO2 portent probablement encore moins de responsabilités sur les impacts sanitaires engendrés..

13000

il a été répondu à l'insuffisance criante du plafond de responsabilité que devra assumer l'exploitant (et pour cause, aucune société d'assurance n'acceptera d'assurer le risque nucléaire ou bien le montant sera t'elle que l'exploitant ne pourra pas prendre l'assurance sous peine de ne plus être compétitif).
Ceci créant une distorsion de concurrence majeure vis à vis des autres énergies (qu'elles soient renouvelables ou pas )qui elles doivent assumer les conséquences de leur acte. concernant les énergies fossiles, la taxe carbone (malheureusement vieux serpent de mer) est censé reflétée le coût pour la planète de l'émission de CO2... mais cette taxe n'est toujours pas efficace car maintenu artificiellement à un niveau bas donc peu impactant pour les producteurs.

11000

"Ceci créant une distorsion de concurrence majeure vis à vis des autres énergies (qu'elles soient renouvelables ou pas )qui elles doivent assumer les conséquences de leur acte."

Non, personne n'assume la totalité de ses actes puisque l’État est l'assureur ultime pour tout et tout le monde, a minima au-delà d'un certain montant.

Et c'est particulièrement vrai pour les dommages diffus :

La pollution à l'ozone et aux particules fines fait par exemple 50 000 morts par an en France. Pensez-vous qu'un seul pollueur paye la sécu pour les frais médicaux qu'il engendre ? Pensez-vous qu'un seul agriculteur paye pour le traitement des pollutions à l'algue verte en Bretagne ? Pensez-vous qu'un quelconque acteur privé paye pour dédommager des États côtiers de la montée des eaux ?

Le régime d'assurance du nucléaire est même plus strict que le régime d'assurance général car l'exploitant nucléaire est déclaré responsable quoi qu'il arrive, alors que dans le régime général la responsabilité peut être partagée ou même attribuée à quelqu'un d'autre :

Si un opérateur de maintenance provoque le crash de centaines de voitures, par exemple en ayant mal travaillé sur des circuits de freinage, il pourra être jugé responsable, et son assurance RC devra couvrir les frais.

Tandis que s'il provoque un accident nucléaire, ce sera l'exploitant nucléaire qui devra dans tous les cas payer.

75000