Question n°268
Objectifs GES Europe 2030
le ,Le parlement européen, avec l'appui des députés européens français, propose que soient fixés des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre (hors ETS) à chacun des pays pour 2030 par rapport à 2005 (Résolution législative du Parlement européen du 17 avril 2018). En 2005 (statistiques Eurostat), les émissions respectives de l'Allemagne et de la France étaient de 1015 et 526 millions de tonnes équivalent CO2 et leurs populations de 82,5 et 63,2 millions d'habitants. Les émissions par capita étaient en comparaison de 12,3 et 8,35 Tonnes par personnes, soit une différence de 33 %. Or, de manière assez stupéfiante, le parlement européen propose pour ces deux pays une évolution de 2005 à 2030 de 38% pour l'Allemagne et de 37% pour la France, soit une réduction quasi identique. Cette différence de traitement est incompréhensible, même si on tient compte de l'atténuation qui peut être apportée éventuellement par la prise en compte des ETS. La raison est que le parlement européen a fixé ces valeurs en fonction du PIB par habitant et non en fonction de la performance en termes d'émissions de GES pour des pays de richesse voisine.
Questions au Maitre d'ouvrage :
Question 1 : Quel sera en 2030, ETS inclus, l'écart entre l'Allemagne et la France en émissions de GES par habitant si ces objectifs contraignants étaient respectés (ce qui restera à prouver compte tenu des performances actuelles !) ?
Question 2 : Le ministre et les députés européens français ont-ils accepté ce mode de répartition de l'effort, et pour quelles raisons alors que nos performances actuelles sont très supérieures ?
Question 3 : Avant que ces propositions du parlement européen soient entérinées par les chefs d'état, l'objectif français sera-t-il présenté et voté par le parlement français étant donné le poids financier et social qu'il va représenter ? Cet effort financier global a-t-il été évalué par le Ministère de la transition écologique et solidaire ?
Question 4 : Pourquoi, ce qui serait équitable, le principe d'une convergence des émissions par habitant, à PIB/p équivalent, n'a-t-il pas été retenu afin de réduire sensiblement le différentiel dès 2030 ?
Nous vous remercions pour votre contribution.
Le cadre énergie climat de l’Union Européenne fixe un objectif de réduction global des émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne de -40% en 2030 par rapport à 1990. 3 textes européens ont fait l’objet récemment d’un accord institutionnel entre le Conseil de l’UE (regroupant les États membres), le Parlement Européen et la Commission Européenne permettant d’assurer l’atteinte de ces objectifs et de respecter les engagements pris par l’Union Européenne et ses États membres dans le cadre de l’Accord de Paris.
Le secteur énergétique, l’industrie et l’aviation intra-communautaire sont soumis au marché carbone européen (dit EU ETS[1]), encadré par la directive n°2003/87/CE, dont la révision a été adoptée début 2018 par le Parlement Européen et par le Conseil de l’UE. Cette réforme fixe un objectif de réduction de -43% des émissions de GES des secteurs couverts en 2030 par rapport à 2005 et prend les mesures nécessaires pour permettre une remontée du prix du carbone nécessaire à l’accélération de la transition écologique.
Un règlement dit LULUCF[2] fixe des objectifs pour le puits de carbone lié à la forêt et au secteur des terres.
Enfin, pour les secteurs non soumis au marché carbone européen, un règlement de partage de l’effort[3] entre Etats membres fixe des objectifs pour chaque Etat membre pour atteindre une réduction collective de – 30% en 2030 par rapport à 2005 dans ces secteurs. Actuellement, une décision européenne fixe déjà des objectifs de réduction d’émissions de GES pour chaque Etat membre pour 2020[4].
Ce projet de règlement a déjà fait l’objet d’un accord interinstitutionnel. Il a été adopté par le Parlement Européen le 17 avril 2018 et son adoption formelle par le Conseil de l’UE est prévue courant mai. Comme tous les règlements européens, il est d’application directe dans les Etats membres, sans nécessiter de transposition dans les lois nationales. Il ne sera donc pas soumis au vote de l’Assemblée nationale.
La négociation entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil (où la France est représentée) a abouti à un objectif de réduction pour la France de -37% et pour l’Allemagne de ‑38% et l’ensemble des Etats membres ont des objectifs de réduction négatifs (0 % pour certains), ce qui n’était pas le cas pour la période 2011-2020. Cette répartition des efforts a été déterminée pour partie selon le critère de PIB/habitant et pour partie en fonction des coûts de réduction des émissions GES pour les Etats membres (les États membres pouvant réduire leurs émissions à moindre coût ayant donc un objectif plus élevé). Le règlement prévoit également des flexibilités pour faciliter l’atteinte collective de l’objectif en minimisant le coût.
Pour accompagner sa proposition initiale de règlement, la Commission a analysé ses impacts potentiels, notamment ses impacts économiques. L’analyse d’impact est disponible sur Internet. Cette analyse montre que l’application du règlement tend à diminuer l’écart entre les émissions par habitant des différents États membres d’ici 2030.
Pour la France, l’objectif fixé par le règlement sur le partage de l’effort (-37% en 2030 par rapport à 2005) est plus ambitieux que l’objectif actuellement fixé au niveau national via la trajectoire des budgets carbones fixée en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte adoptée par l’Assemblée Nationale et développés dans la Stratégie Nationale Bas Carbone. L’impact économique, et notamment les besoins d’investissements, ont été évalués à cette occasion.
Les émissions globales de l’Allemagne sont effectivement bien supérieures à celles de la France. Ainsi, en 2016, les émissions de l’Allemagne étaient de 909 MtCO2e (hors secteur des terres[5]) en baisse de 27% par rapport à 1990. Les émissions par habitant sont passées de 15,8 à 11 tCO2e par habitant. Les émissions françaises étaient de 458 MtCO2e en 2016, en baisse de 16% par rapport à 1990, et les émissions par habitant sont passées de 9,4 à 6,8 tCO2e par habitant. Toutefois, ces émissions globales incluent le secteur énergétique, qui représente 33% des émissions allemandes contre seulement 8% en France, mais également le secteur industriel, plus important en Allemagne. Or ces deux secteurs sont soumis au marché carbone européen et ne sont donc pas inclus dans les objectifs de réductions fixés par le règlement sur le partage de l’effort.
En se limitant aux secteurs soumis au règlement sur le partage de l’effort, les émissions en 2005 étaient de 470 MtCO2e pour l’Allemagne (soit 5,7 tCO2e/habitant) et de 394 MtCO2e en France (soit 6,2 tCO2e /habitant). En 2015, ces émissions étaient de 444 MtCO2e pour l’Allemagne (soit 5,5 tCO2e/habitant) et de 353 MtCO2e (soit 5,3 tCO2e /habitant) pour la France. Ainsi, les émissions par habitant limitées aux secteurs soumis au règlement sur le partage de l’effort sont en réalité proches en France et en Allemagne, du fait de la structure très différente des émissions des deux pays.
En 2030, selon la trajectoire établie par le règlement, les émissions respectives de l’Allemagne et de la France pour le secteur soumis au règlement sur le partage de l’effort seraient respectivement 292 MtCO2e et 248 MtCO2e.
Le reste des émissions est soumis au marché carbone européen, dont l’objectif de réduction est fixé au niveau de l’UE, sans répartition par Etat membre.
[1] European Union Emission Trading Scheme
[2] Projet de règlement sur les émissions de GES et les puits liées à l’usage des terres, aux changements d’affectation des terres et de la forêt dit LULUCF en anglais
[3] Projet de règlement dit ESR (Effort Sharing Regulation) relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans l’accord de Paris
[4] Décision n°406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les Etats-membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020
[5] Secteur dit UTCATF en français : Utilisation des terres, changements d’affectation des terres et forêt, prenant en compte les émissions et absorptions liées, LULUCF en anglais