Vous êtes ici

Question n°636

Pertinence de la suppression du monopole d'EDF ?

Ajouté par Hugues ANONYMISé (TULLE), le
[Origine : Site internet]

EDF, n'a certes jamais eu de monopole complet que ce soit sur la production d'électricité (sauf pour l'électricité d'origine nucléaire), sur la distribution ou sur sa commercialisation. Seul le réseau de transport (RTE) était jusqu'à peu totalement contrôlé par EDF.

Cependant, de 1946 date de sa création jusqu'en 2003, EDF, avec son statut d'EPIC, était une entreprise publique intégrée (gérant la très grande majorité de l'électricité en France depuis sa production jusqu'à sa commercialisation).
Au cours de cette période, EDF a pu accompagner l'explosion de la consommation électrique, tout en garantissant des prix bas, la sécurité du réseau et donc de l'approvisionnement et la sûreté de ses installations.
D'abord avec la construction des moyens de production hydroélectriques développés principalement dans les années 1950, puis avec le développement de la production thermique (à partir de combustibles fossiles (charbon/pétrole) dans un 1er temps puis dans les années 1970-1980 à partir du combustible nucléaire). Ces moyens de production permettant la production d'électricité avec des émissions minimes de gaz à effet de serre a nécessité des investissements colossaux. Mais au delà de ces investissements, il a fallu, une ingénierie pour concevoir et construire ces aménagements, puis pour les exploiter. il a fallu une vision globale et cohérente de l'ensemble du réseau en permanence pour qu'il corresponde au mieux aux besoins de la France.
Cette centralisation a permis de mutualiser nombre d'installations, de créer des structures de recherche et développement qu'aucun autre producteur d'électricité au monde ne peut se payer du fait d'un saucissonage des compétences, mais aussi de maintenir un niveau d'exigence sur la sûreté et la sécurité des installations à son niveau le plus élevé des connaissances de chaque époque sans que la rentabilité des installations ne soit le critère prépondérant.
Malgré cela, et avec un coût de l'électricité le plus bas d'Europe et un statut de son personnel qui devrait être un modèle pour tous les salariés, EDF avait jusqu'au début des années 1990 une santé financière que lui aurait envié nombre d'entreprises privées.

Depuis, EDF est devenue une SA. Déjà dans les années 1990, alors que cette tranformation se préparait, des investissements aventureux traduisant la folie des grandeurs des dirigeants de l'époque dont la tête avait dû tourner, ont été réalisés en Amérique du Sud, aux Etats Unis et en Europe de l'Est. D'autres investissements qui se sont révélés moins catastrophiques ont été réalisés en Italie et au Royaume Uni mais ont durablement endetté l'entreprise (en plus des investissements non amortis décrits précédemment).
Désormais, le prix de l'électricité se fixe sur un marché Européen, bien sûr soumis à tous les phénomènes spéculatifs et qui a entraîné la fragilisation de tous les opérateurs du secteur.
On peut rappeler que l'affaire Enron aux Etats Unis a amené ce pays, pourtant chantre du libéralisme, à considérer que l'électricité ne pouvait être une marchandise comme une autre et à revenir à un système sous contrôle public en dehors du marché "libre et non faussé" avec 2 agences fédérales chargées de ce contrôle.

Or à ce jour, il apparaît que l'Etat Français (le gouvernement en tout cas), et sans attendre les conclusions de la PPE, envisage, après avoir scindé l'entreprise en entités séparées lors de la transformation en SA (EDF SA, ErDF, devenue ENEDIS et RTE), après avoir vendu 49% des parts de RTE à la CdC, après avoir accepté que le développement des nouvelles ENR (éolien solaire) se fasse par des myriades d'opérateurs privés (et notamment d'une filiale de droit privé d'EDF), après avoir fabriqué un concurrent privé (puisqu'il vient d'annoncer la cession de toutes ses participations dans l'actionnariat de cette entreprise) avec la création d'ENGIE (fusion de GDF et de SUEZ) et accepté voire encouragé l'émergence d'autres concurrents pour EDF (Direct Energie, Total, même la grande distribution s'y met...), après avoir accepté la fin des tarifs règlementés, envisage donc de démenteler une bonne fois pour toute EDF en ne gardant dans EDF SA que la production nucléaire et en filialisant toutes les autres activités (production hydraulique, commercialisation, distribution).

Quelle démonstration a été apportée pour justifier que cette orientation était meilleure pour les Français (et pas pour les investisseurs, ou actionnaires) ?
A ma connaissance : aucune.
Cette orientation permettra-t-elle :
- de maintenir des tarifs bas voire de les faire diminuer ?
- de maintenir avec ces niveaux de prix un niveau de sécurité et de sûreté élevé ?
- de financer les investissements nécessaires à la transition écologique (et notamment à la diminution de la part du nucléaire dans un 1er temps puis à son arrêt complet à l'horizon 2050) sans que comme cela se passe aujroud'hui se soit financé quasi entièrement par les consommateurs ou par les contribuables au travers de la CSPE qui permet à des inevstisseurs privés de bénéficier de tarifs de rachats très confortables leur permettant de réaliser des bénéfices substantiels ?
- de maintenir une qualité de service avec une électricité de bonne qualité (avec une fréquence garantie sans variation, ce qui avec le développement de l'informatique et de la robotisation est un enjeu crucial), avec une électricité délivrée en permanence à ceux qui en ont besoin (sans délestages intempestifs voire black out), avec des interventions rapides en cas d'aléas climatiques ?
- de maintenir une cohérence territoriale sur l'ensemble du pays ?
- de maintenir un tissu industriel local ?
- de conserver un niveau social élevé pour les travailleurs du secteur ?

L'électrité n'est pas une marchandise comme une autre, il s'agit d'un produit de 1ère nécessité (qui peut vivre aujourd'hui sans électricité ?) qui peut s'assimiler à un bien commun.
Qui peut prouver que le modèle libéral envisagé va mieux permettre de prendre le virage de la transition énergétique tout en maintenant l'accès à cette énergie à tous (dans la limite des besoins de base) ?
Même en dehors du modèle libéral, un modèle totalement décentralisé pose de nombreuses questions sur les intérêts qu'il représente. De nombreuses mutualisations ou optimisations pourraient disparaître contraignant le cas échéant à devoir multiplier certaines installations de production et donc à avoir des impacts négatifs sur l'environnement et sur les coûts de production de l'électricité.

Les exemples actuels montrent qu'au delà du débat sur le mode de production de l'électricité, il faut s'interroger sur tout le système (depuis la production jusqu'à la vente). Ce qui se passe en Europe avec la dérégulation des tarifs, la part de la CSPE non négligeable, et qui entraîne une hausse des tarifs de vente (alors même que le prix de gros était en chute libre, freinant ainsi les investissements ...) est à ce titre édifiant. L'exemple des Etats-Unis évoqué précédemment devrait également inciter nos dirigeants à s'interroger sur ces orientations (dans ce pays le plus riche du monde, un opérateur a fait faillite (ENRON), de nombreux black out ont eu lieu, des presque-catastrophes se sont profilées (barrage d'Oroville), ce qui a conduit à une reprise en main par la puissance publique du secteur actuellement en cours).

La PPE intègre-t-elle bien a sa réflexion ces aspect du problème ?

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

L’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité est un axe de la construction du marché intérieur de l’énergie de l’Union européenne, processus structuré par les directives successives (1996, 2003, 2009). La transposition de ces textes en droit français, qui résulte des engagements européens de la France, est venue progressivement ouvrir le marché, de 1999 à 2003 pour les entreprises grandes consommatrices, puis progressivement au cours de la décennie 2000 pour entreprises, collectivités et particuliers.

Cette ouverture à la concurrence s’est accompagnée d’évolutions progressives du droit français relatif aux marchés de l’électricité visant à en assurer le bon fonctionnement avec notamment la mise en place d’une autorité de régulation indépendante, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui est chargée en particulier de surveiller les transactions effectuées sur les marchés d’électricité, de veiller au bon fonctionnement des marchés de détail, et d’informer l’ensemble des consommateurs.

 

Le secteur électrique continue à évoluer, en particulier dans le contexte des transitions énergétique et numérique. Les évolutions permettent de donner au consommateur un rôle croissant répondant aux attentes d’une partie de la société française.

La PPE intégrera les enjeux correspondants et définira le calendrier de mise en œuvre.

En ce qui concerne la structure des entreprises, notamment EDF, ceci ne relève pas du champ de la PPE.