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Avis n°154

Pourquoi cette obsession de l'électricité ?

Ajouté par 2683 (Porspoder), le
[Origine : Site internet]

La question de l'énergie devrait être abordée d'abord par les besoins, puis par les sources potentielles. En France, cette question est pourtant abordée essentiellement par le vecteur électricité, comme si le futur système énergétique français ne pouvait être qu'électrique, et centralisé.

Pourtant, dans le monde l'électricité ne constitue que moins de 20% des consommations, et c'est logique car les besoins sont surtout de la chaleur et de la mobilité, l'électricité spécifique ne constituant qu'une partie mineure des besoins (même en France, l'électricité couvre seulement de l'ordre de 40% des besoins énergétiques en bonne partie non électriques : chaleur).

La transition en France semble viser à satisfaire tous ces besoins par la seule électricité, ce qui pose de très gros problèmes de régulation. La régulation la plus simple, c'est du transport et du stockage ; or, l'électricité n'est pas facile à transporter, puisqu'il faut construire des lignes coûteuses et consommatrices d'espace, et elle est difficile à stocker sans conversion (par exemple en énergie potentielle dans les STEP, mais le potentiel est limité, ou en énergie chimique dans des batteries, mais la densité du stockage est très faible).

Pourtant, il serait tout à fait possible d'imaginer un système intégrant les trois vecteurs électricité-gaz-chaleur, tirant bénéfice des avantages des trois vecteurs :
- le gaz peut être produit à partir de biomasse ou d'électricité ("power to gas") ; il se stocke sur toutes les durées et se transporte facilement sans infrastructures lourdes (navires gaziers, camions-citernes) ;
- l'électricité est facile à produire, par exemple par la plupart des techniques convertissant de l'énergie solaire : photovoltaïque, éoliennes (le vent c'est d'abord de l'énergie solaire), chaleur (turbines) ou d'autres sources d'énergie (marée, géothermie) ;
- la chaleur est produite dans toutes ces conversions (chaleur fatale) et facile à utiliser et même à produire localement (géothermie, solaire, gaz renouvelable).

Notre système énergétique futur pourrait donc :
- être essentiellement alimenté par des énergies renouvelables (produites localement et si nécessaires en complément produites très loin - déserts ou océan, et importées sous forme de gaz renouvelable) ;
- combiner trois types de réseaux : électriques (essentiellement des réseaux locaux interconnectés), gaziers, réseaux de chaleur (réseaux locaux), "transconnectés" par des installations de conversion d'un vecteur dans un autre, essentiellement locales (ex. turbines à gaz, conversion en gaz renouvelable) et des installations locales de stockage de gaz, avec récupération de la chaleur fatale de conversion dans des réseaux locaux de chaleur.

On passerait ainsi à un système énergétique composé d'unités locales (échelle : régie de taille adaptée) produisant des ENR, converties si nécessaires et stockées sous forme de gaz, interconnectées par des réseaux de gaz et d'électricité.
La régulation serait très décentralisée et simplifiée, les inconvénients d'un système essentiellement électrique où l'équilibre doit être réalisé à chaque seconde disparaitraient, les excès pouvant être transformés en gaz renouvelable ou en chaleur, les déficits éventuels étant comblés localement par le démarrage très rapide de centrales à gaz renouvelable.

Evidemment, c'est la fin du système centralisé et donc des centrales nucléaires et du réseau électrique centralisé, réduit aux interconnexions. Mais ce n'est pas la fin de la solidarité (puisque les excès peuvent être partagés, et la péréquation est toujours possible).
Avantages : les territoires qui produisent de l'énergie pourraient en tirer les bénéfices localement sous forme de tarifs favorables et de ressources publiques issues de la vente et de l'exportation d'énergie (incitation à produire localement, donc des ENR) ; le système serait beaucoup plus résilient, et le risque d'écroulement généralisé d'un système centralisé mono-vecteur disparaîtrait.

La transition peut passer par le gaz, qui pourrait progressivement devenir 100% renouvelable (donc, pas de GES) et constituer à terme l'élément central du système énergétique.
Des grandes options de ce type devraient être étudiées avant de décider de lancer le pays dans une électrification massive des transports, et de décider de la poursuite ou du développement de la production massive et centralisée d'électricité.

La loi de transition énergétique n'a pas permis ce débat, la PPE qui la décline ne le permet pas non plus. C'est une occasion manquée...

Commentaires

Vous dites:

"Lorsque les ENR représentent 10% à 100 % de la consommation locale, on est sur le modèle ! et on n'a pas besoin de renforcer le réseau.. Au-delà, le mieux serait de piloter un stockage local.."

Vous raisonnez sur une zone donnée; il faut raisonner installation par installation!
Piloter un stockage local: qu'appelez vous local? Un quartier, une commune, un département? Quel type de stockage, à quel coût? Tout cela ce sont des idées sans aucun début de validation, en particulier économique.

Je reprends ce que dit M Bertrais:

" D'où, pour les installations complexes (ce qu'est la cogénération intégrée à un réseau de chaleur) l'intérêt de les faire assez grandes."

Votre modèle multiplie les "petites installations: par exemple petits générateurs électriques, qui, multipliés, représentent une bien plus grande ponction des ressources en cuivre qu'une grosse installation centralisée.
Quant aux entreprises, il y a longtemps qu'elles ne vous ont pas attendu pour optimiser leurs consommations d'énergie, lorsque celle ci représente un enjeu économique pour elle.

75013

Vous dites:

"La mauvaise foi d'Enedis qui ne peut pas piloter finement la consommation en fonction de la production vient :"

Il me semble que dans une structure normale de relation client-fournisseur, c'est le client qui détermine son besoin, pas le fournisseur qui impose sa fourniture.
Certains pays froids ont connu des queues à Noel en pleine nuit à cause de la rumeur qu'un lot de canapés était arrivé dans un grand magasin.

Mais comme vous le dites, c'est un autre modèle de société.

Pour les compteurs linky: j'ai été gestionnaire des énergies pour un site industriel complexe. A ce titre, j'avais tous les relevés de consommation (eau, gaz, air comprimé, électricité) heure par heure.
J'en savais plus sur la vie de l'usine que le Directeur.

75013

"Vous raisonnez sur une zone donnée".. forcément il faut raisonner, pour l'autoproduction, à l'opposé d'enedis : une production locale correspond à une baisse de consommation : il n'y a pas lieu d'augmenter la capacité de la ligne ni celle des disjoncteurs (et abonnements) !
"Pour les compteurs linky:... J'en savais plus sur la vie de l'usine que le Directeur."
là vous mettez de l'huile sur le feu : que demande le consommateur respectueux de la planète : seulement d'utiliser l'énergie disponible pour éviter de la jeter..
et que faisait EDF avec ses tarifs bleu et EJP ...inciter les gens à consommer quand ça l'arrange et pas quand il ont besoin ! (pas "une structure normale de relation client-fournisseur,")

31440

Vous dites:
une production locale correspond à une baisse de consommation : il n'y a pas lieu d'augmenter la capacité de la ligne ni celle des disjoncteurs (et abonnements) !

Sauf s"il n'y a pas de besoin au moment ou le soleil donne à plein: à midi l'été pendant les vacances par exemple...

Vous dites:

"et que faisait EDF avec ses tarifs bleu et EJP "

Si le client est d'accord, pourquoi pas...et c'était marginal. Vous, c'est un modèle uniquement basé là dessus que vus proposez (ENEDIS pilote finement...)

75013

" tarifs bleu et EJP" vous dite à la marge... alors pourquoi y a-t-il un cumulus dans tous les logement et 45% de l’électricité est brûlée dans des radiateurs (1 kWhe=4kWhth, bonjour le réchauffement climatique- valait mieux rester au fioul ou au gaz !)
"Si le client est d'accord, pourquoi pas.." depuis toujours il a été d'accord pour payer demi tarif la nuit (ou tout le temps en EJP) ... suffit de moduler le prix et s'assurer de la capacité de linky à prendre des décisions en temps réel sans contraintes technique/administratives !
De plus, le cumulus doit évoluer vers un système de chauffage à haute température/longue durée voire intersaisonnier comme cela à été expérimenté il y a des décennies

31440

Votre raisonnement est à nuancer ; je suis d'accord avec le fait qu'on ne travaille pas suffisamment sur la décarbonisation du non-électrique, mais pour autant votre propos me parait exagéré, pour les raisons suivantes :

- l'électricité est une forme très "noble" d'énergie, dans le sens où kWh électrique se convertit très efficacement en d'autres formes d'énergie (le rendement peut même être très supérieur à 100%, pour la conversion d'électricité en chaleur dans une PAC par exemple) ; a contrario, il faut plusieurs "kW fossiles" pour obtenir 1 "kW électrique".

- une première conséquence, c'est qu'une fois qu'on aura décarbonné fortement le mix électrique mondial, il sera relativement aisé de convertir la plupart des autres usages "non-spécifiques" à l'électrique ; il n'est donc pas totalement idiot de s'attaquer à l'électricité en priorité, d'autant que c'est le secteur le plus facile et le moins coûteux à décarboner (grâce aux progrès considérables sur l'éolien et le PV).

- une seconde conséquence, c'est qu'il est trompeur de prétendre que "l'électricité ne constitue que moins de 20% des consommations" ; en effet, on lit régulièrement que l'électricité, c'est "20 % de la consommation mondiale en énergie finale" ; mais ce concept d'énergie finale est très trompeur, et il faudrait d'ailleurs sans doute le bannir, même s'il est très utilisé dans les rapports des grandes institutions ; pour arriver à ce chiffrage de 20 %, cela suppose que l'on compare sur un pied d'égalité les kWh électriques aux autres formes de kWh, ce qui est revient à comparer des choux et des petits pois (si j'ai 4 pois et 1 chou dans mon panier, est-ce légitime de dire que dans ma consommation de légumes il y a 20 % de choux et 80 % de petits pois ?) ; la réalité, c'est que 40 % environ de la consommation mondiale d' énergies fossiles est dédiée à la production d'électricité ; il faudrait donc retenir que l'électricité c'est environ 40 % des besoins énergétiques mondiaux, plutôt que 20 %.

13001

@ Nicolas MARTELAS
Vous avez tout à fait raison, comparons les énergies primaires entre-elles..
Pour l'électricité, 45% est dilapidée en France dans des radiateurs/résistances, cumulus,... ce qui signifie que 26 réacteurs produisent 4 fois plus de chaleur primaire que le besoin en chaleur, énergie finale ("grâce à la diabolisation du CO2")!
Cela signifie aussi que 17 réacteurs pourraient être supprimés en "obligeant le remplacement des systèmes résistifs par des pompes à chaleur, mais les PAC sont diabolisées par la COP21 !

31440

Ce n'est pas par l'électricité qu'il faut commencer. Elle est déjà décarbonée grâce au parc nucléaire et hydro-électrique.
C'est la réduction par un facteur 2 des combustibles fossiles et ce ne sera possible que grâce à la rénovation énergétique des logements les plus mal isolées, soit 7 millions de logements sur 30 millions et par le transfert de la mobilité thermique sur la mobilité électrique dont le rendement est trois fois supérieur au moteur thermique.
Ce qui veut dire que notre consommation d'électricité est appelée à croître et qu'elle devra être décarbonée.
Mr Hourdequin nous fait de grandes théories qui ne résiste guère à l'analyse des experts en énergie. Quant à la radioactivité artificielle, elle est totalement identique à la radioactivité naturelle. Et comme l'a dit l'un des commentateurs, la radioactivité naturelle était beaucoup plus élevée lorsque la terre s'est créée. La plupart des radioéléments que nous avons retrouvés était présent lors de la création de la terre et ont disparu en raison de leur durée de vie. Voir les réacteurs naturels d'Oklo d'il y a 2 milliards d'années. Quant à notre corps, il contient du potassium 40 et du carbone 14 dans nos os et ceci nous permet de vivre. Diaboliser l'électronucléaire n'est pas rendre service aux générations futures.

69003

"Ce n'est pas par l'électricité qu'il faut commencer." jusque là nous sommes d'accord..
"décarbonée " c'est de la diabolisation du CO2 alors, on n'est plus d'accord car car le réchauffement climatique, c'est avant tout dû à la chaleur>l'humidité>les nuages, un LIQUIDE A EFFET DE SERRE, bien plus efficace que les GES !
Pour ce qui est rendement d'un moteur thermique, il n'est pas plus déplorable que celui d'un réacteur nucléaire à 200km, et ne nécessite pas de retraitement du CO2 qui est assuré automatiquement pas photosynthèse. Mais si on se décide à installer un chauffe-eau sur une voiture on peut produire de la chaleur à réinjecter dans un réseau de chaleur tout comme on branche la voiture électrique pour la recharger. La voiture électrique part avec un handicap de 15000€ irrattrapable, et cela depuis 30 ans sur la voiture thermique. et à 50 000 km on paye un plein cash de 50 000 km... re-handicap et on ne parle pas d'accident qui tuerait la batterie prématurément!
Evidemment, on pourrait réinventer la voiture électrique avec une batterie de 5kWh au plomb pour une journée 2*15km et des batteries d'appoint interchangeable pour faire de longues distance, voir un gpe électrogène embarqué.. ou mettre un chargeur linéaire à induction sur la route, des caténaires comme les trams,... si les centrales nucléaires sont réinventées et fonctionnent en cogénérateur à faible puissance,...

31440

"le réchauffement climatique, c'est avant tout dû à la chaleur>l'humidité>les nuages, un LIQUIDE A EFFET DE SERRE, bien plus efficace que les GES !"
en disant cela vous avouez n'avoir RIEN compris à l'effet de serre et au réchauffement climatique.

En fait, la vapeur d'eau est bien un gaz à effet de serre, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que sa concentration est telle dans l'atmosphère que ses raies d’absorption sont opaques vues de l'espace (ie: du Soleil) à une altitude très élevée -> ce qui implique qu'augmenter l'humidité ne change presque rien à l'effet de serre. En revanche, cette situation n'est pas celle du CO2 : pour ce gaz, faire varier sa concentration change grandement l'altitude à laquelle l’atmosphère devient opaque à ses raies d’absorption et donc augmente significativement l'effet de serre.
Cela fait plus d'un siècle que cela est bien compris par les scientifiques et que, déjà, l'hypothèse d'un doublement de la concentration du CO2 atmosphérique (ce vers quoi on se dirige) provoquerait une augmentation de quelques degrés.

Pour ce qui est de la discussion sur le rendement, si l'on intègre aux quotient énergie_utile/énergie_ajoutée_à_l'environnement l'énergie due à l'effet de serre (dans le second membre), alors pour les fossiles celui-ci devient ridicule. En fait, l'énergie due à l'effet de serre est prépondérante !

44000

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