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Question n°26

Pourquoi faudrait-il réduire la part de l'énergie nucléaire ?

Ajouté par 2373 (Lyon), le
[Origine : Site internet]

L'objectif premier de la loi de transition énergétique est la réduction des émissions de CO2 (plus largement des gaz à effet de serre) comme il est écrit dans la loi de transition énergétique pour une croissance verte. Pour cela il faut absolument diminuer la part des combustibles fossiles et augmenter celle de l'électricité décarbonée dans le mix énergétique.
Comment atteindre cet objectif compte-tenu des contraintes techniques et économiques ?
Trois types de production électrique décarbonée doivent être distingués :
- Le nucléaire
- Les énergies renouvelables pilotables : hydraulique, biomasse,
- Les énergies renouvelables intermittentes (ENRi) : éolien et photovoltaïque.
L'intermittence, la variabilité et le caractère non pilotable de ces dernières posent problème pour l'équilibre offre/demande et pour la stabilité du réseau.
En effet, il faut assurer à tout instant l'équilibre entre la production et la consommation d'électricité sur le réseau. Les périodes froides et sans vent ne sont pas rares (février 2012, janvier 2017 par exemple) et le soleil ne brille pas le soir à 19 h en hiver au moment de la pointe de consommation. Pour assurer l'équilibre, il y a 3 solutions :
1. Des solutions de stockage de masse de l'électricité pour compenser la variabilité des ENRi (on stocke les excédents de production et on les restitue en situation de sous-production).
- Les STEP (Station de Transfert d'Energie par Pompage - ouvrages hydroélectriques) sont à ce jour la seule technologie industrielle et rentable mais pour stocker la consommation d'une seule journée de pointe, il faudrait multiplier par 20 le parc français de STEP (ce qui serait irréaliste) !
- Les autres solutions de type batteries, hydrogène, power to gas, etc. n'ont pas encore atteint le niveau industriel et/ou ont des rendements très faibles.
2. Importer de l'électricité des pays voisins est irréaliste compte tenu d'une part de la simultanéité fréquente des épisodes sans vent en Europe de l'Ouest et de l'absence de soleil à la pointe d'hiver, d'autre part de la réduction des moyens de production pilotables chez nos voisins dans le futur.
3. Avoir un parc de production pilotable : une autre solution coûteuse et surtout émettrice de CO2 serait de disposer d'un parc de production de secours à base de combustibles fossiles. C'est la solution allemande dont on peut voir les conséquences : pas de diminution des émissions de CO2, augmentation des coûts de l'électricité. Une bien meilleure solution est de disposer comme c'est le cas en France aujourd'hui d'un parc nucléaire et hydraulique, non émetteur de CO2, dimensionné pour les périodes de pointe sans vent et sans soleil. Pourquoi faudrait-il en changer et perdre cet atout ?
En outre, il faut assurer la stabilité de la fréquence du réseau (50 Hz). Cette stabilité est assurée aujourd'hui par l'inertie mécanique des machines tournantes (alternateurs) des centrales traditionnelles. La variabilité des énergies éolienne et solaire intermittentes et leur couplage au réseau via des dispositifs électroniques n'apportent aucune inertie mécanique ni autorégulation au réseau. Des études sérieuses récentes montrent que les technologies disponibles aujourd'hui permettent au plus une puissance délivrée par les ENR intermittentes ne dépassant pas 30 % à 50 % de la puissance instantanée appelée par la consommation (suivant le niveau de cette puissance). Il faut donc développer des technologies qui permettent de compenser le manque d'inertie des installations éoliennes et photovoltaïques mais cela demandera du temps et à quel coût ? En attendant, il sera nécessaire d'exporter les excédents de production des ENR intermittentes en cas de surproduction mais à qui puisque tous les pays voisins risquent d'avoir des surplus en même temps ou d'importer en cas de manque de production mais de quel pays puisque tous les pays risquent d'avoir des manques en même temps. Quels sont les éléments concrets présentés sur cette question dans les dossiers de la PPE (notamment ceux de RTE) ?

Comme le montre clairement l'exemple allemand, fermer des centrales nucléaires pour les remplacer par des ENR intermittentes n'apporte aucun gain en matière d'émissions de CO2 et renchérit le coût de l'électricité. Quel est donc l'intérêt d'une telle évolution ? Ne serait-il pas plus pertinent de garder l'équilibre actuel entre les différentes filières de production d'électricité et d'agir effectivement sur la consommation en investissant pour réellement réduire les émissions de CO2, par exemple en isolant les logements anciens.
Quant à la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, la meilleure façon de la maintenir au meilleur coût est de prolonger la durée de fonctionnement des centrales actuelles au-delà de 40 ans dans le respect des normes de sûreté et de les renouveler par des centrales de 3ème génération de type EPR. Il faudra en outre préparer dès maintenant le futur plus lointain (au-delà de 2050) en poursuivant la recherche et le développement pour les systèmes nucléaires de 4ème génération. Quelle est la perspective donnée dans la PPE sur ces systèmes ?

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Nous vous remercions pour cet avis sur le développement d’une énergie décarbonée qui viendra nourrir notre réflexion pour la PPE 2018.

 La place de l’énergie nucléaire, le rythme de développement des énergies renouvelables et la baisse de leurs coûts, l’adaptabilité du système électrique français aux évolutions technologiques sont autant de questions structurantes qui doivent être discutées pendant ce débat public.

 Comme vous l’évoquez, le fait que l’essentiel de la production d’électricité provienne de centrales nucléaires et des énergies renouvelables (notamment hydraulique) contribue à placer la France parmi les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre (GES) pour la production d’électricité. Le développement des énergies renouvelables doit ainsi être apprécié au regard de la diversification du système électrique.

 La diversification du mix électrique a en effet vocation à renforcer la sécurité d'approvisionnement. Ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises l'Autorité de Sûreté Nucléaire, il est en effet important de disposer de marges suffisantes dans le système électrique pour faire face à l’éventualité de suspendre simultanément le fonctionnement de plusieurs réacteurs qui présenteraient un défaut générique grave. Un exemple de tel défaut générique est l’anomalie de concentration en carbone de l’acier qui a affecté les générateurs de vapeur de douze réacteurs à l'hiver 2016.

 Le développement des énergies renouvelables contribue ainsi au renforcement des marges d'approvisionnement susceptibles de pouvoir palier à de tels événements, dont l'impact sur l'équilibre du système électrique est susceptible de diminuer à la mesure de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique.

 Toutefois, il est vrai que les énergies renouvelables développées à grande échelle nécessitent une adaptation des réseaux et une évolution des modes de gestion du système en nécessitant plus de flexibilité. Le Bilan Prévisionnel de RTE publié en 2017, qui couvre les années 2018 à 2035, montre qu’il est possible d’intégrer une part importante d’énergies renouvelables à cet horizon, jusqu’à 49% dans le scénario Ampère, sans impact majeur sur le système électrique.

 En outre, le retour d’expérience international réalisé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur la base de l’expérience des pays utilisant des sources d’énergies renouvelables non pilotables montre que l’intégration des énergies renouvelables non pilotables dans le système est déjà possible au moins jusqu’à 40 % d’intégration. Au fur et à mesure que leur place dans la production totale augmente, la gestion du réseau évolue pour en tenir compte. À de hauts niveaux d’intégration, le pilotage de la demande doit être actionné avec notamment des « compteurs intelligents », et d’autres formes de flexibilité comme le stockage.

 Sur l’impact des fermetures de centrales nucléaires sur les émissions du système électrique, le Gouvernement a pris acte des études menées par RTE qui montrent que la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’échéance de 2025 soulève d’importantes difficultés de mise en œuvre au regard de nos engagements en matière climatique. Malgré le développement volontariste des énergies renouvelables entrepris par le Gouvernement, et du fait de la faible maturité à court terme des solutions de stockage, la France serait en effet contrainte de construire jusqu’à une vingtaine de nouvelles centrales à gaz dans les sept prochaines années pour assurer la sécurité d’approvisionnement lors des pointes de consommation, conduisant à une augmentation forte et durable de nos émissions de gaz à effet de serre. Un tel scénario n’est pas compatible avec nos engagements en matière climatique.

 Le gouvernement sera à l’écoute des retours du public, notamment sur les variantes des scénarios « Volt » et « Ampère » proposés par RTE permettant d’assurer qu’aucune nouvelle centrale thermique à combustibles fossiles ne soit construite et que les émissions de gaz à effet de serre de la production électrique française n’augmentent pas.

 Les objectifs de la politique énergétique incluent également la maitrise de la demande et l’amélioration de l’efficacité énergétique, dans lesquelles s’inscrit la rénovation des bâtiments que vous mentionnez. Des mesures seront proposées dans la PPE et la Stratégie Nationale Bas Carbone afin de diminuer la consommation dans l’ensemble des secteurs (Industrie, bâtiments, agriculture, transports…).

 Concernant la recherche et le développement de la filière nucléaire, 1,3 Md€ y sont consacrés sur les 52Mds€ de chiffre d’affaires réalisé par les 2600 entreprises du secteur. L’État continue également d’investir dans de nombreux projets de recherche.

 Le Gouvernement soutient la construction du réacteur de recherche Jules Horowitz qui vise à offrir une capacité expérimentale pour étudier le comportement sous irradiation des matériaux et à produire des radio-isotopes pour des applications médicales.  Enfin, la France contribue au projet ITER sur la période 2012-2020 à hauteur de 15 % du budget total, soit près de 1 Mds€, ITER étant un programme de recherche international visant à démontrer la faisabilité de la fusion nucléaire par confinement magnétique avec la construction d’un réacteur en France.