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Question n°411

Pourquoi taxer le CO2 dans le domaine de la sidérurgie ?

Ajouté par cyril ANONYMISé (dunkerque ), le
[Origine : Site internet]

En quoi taxer le CO2 dans le domaine de la sidérurgie en Europe va-t-il faire avancer la transition énergétique ? N'y a-t-il pas un risque réel que l'acier qui ne se fasse pas sur le sol européen, se fasse en Chine ou aux Etats-Unis ? Les taxes C02 seraient une bonne chose si elles étaient appliquées au même niveau sur toute la planète, or il n'existe pas de taxe C02 dans quelques pays... Donc à mon sens cela ne sert à rien au bilan global pour la planète mais cela sert uniquement à délocaliser nos industries... et a créer du chômage.

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Nous vous remercions pour votre contribution qui enrichira la réflexion en vue de l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Comme la plupart des secteurs industriels, la sidérurgie est soumise au marché carbone européen (EU ETS). Les entreprises doivent acheter des « quotas d’émission » et chaque année, restituer aux pouvoirs publics un quota d’émission pour chaque tonne d’équivalent CO2 émise. L’objectif de ce marché carbone est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie d’une façon efficace du point de vue économique.

Des mesures ont été prises pour protéger l’industrie européenne de la concurrence venant de pays n’ayant pas de politiques climatiques équivalentes et éviter les délocalisations vers de tels pays (phénomène de « fuite carbone »). Ainsi, tous les secteurs industriels reçoivent gratuitement une partie des quotas d’émission qui leur sont nécessaires (hormis la production d’électricité, car elle est non délocalisable). Pour cela, un niveau de référence est déterminé pour chaque secteur, qui correspond aux émissions annuelles par unité de production d’une entreprise appliquant les meilleures pratiques disponibles (moyenne des 10 % d’entreprises les plus performantes du secteur). Si un secteur est considéré fortement exposé à la concurrence internationale (cela concerne 97 % des émissions soumises au marché carbone européen), chaque entreprise reçoit, par unité de production, 100 % de ce niveau de référence en quotas gratuits : si elle émet moins que ce niveau, elle reçoit donc plus de quotas gratuits qu’elle n’en consomme et pourra en revendre ; si elle émet plus, elle devra acheter des quotas supplémentaires. Les secteurs qui ne sont pas considérés fortement exposés à la concurrence internationale reçoivent moins de quotas gratuits, car le risque de délocalisation à cause de la tarification du carbone est jugé faible. Pour eux, le taux de quotas gratuits reçus diminue au cours du temps : 80 % du niveau de référence en 2013 jusqu’à 30 % en 2020. Le taux de 30 % sera maintenu entre 2020 et 2025 puis recommencera à décroître à partir de 2026 jusqu’à 0 % en 2030.

D’autres mesures existent pour protéger l’industrie. Ainsi, le marché carbone contribue à renchérir les prix de l’énergie pour les industriels. Or, ceux-ci peuvent être déterminants dans la concurrence internationale. Les entreprises consommant beaucoup d’électricité bénéficient de trois types de réduction sur les coûts de l’électricité en fonction des bénéfices qu’elles apportent :

  • un niveau réduit de Contribution au service public de l’électricité (CSPE) sur leur consommation d’électricité : elles paient entre 0,5 et 7,5 €/MWh au lieu de 22,5 €/MWh. Le tarif est fixé selon l’importance de leur consommation d’électricité et leur exposition à la concurrence internationale ;
  • une réduction des tarifs de transport qui peut atteindre 90 % du tarif d’utilisation du réseau pour les sites les plus consommateurs d’électricité. Pour en bénéficier, l’entreprise doit mettre en œuvre une politique de performance énergétique, contrôlée par l’État ;
  • un dispositif de « compensation carbone » qui compense le coût des quotas d’émissions du marché carbone européen, répercuté dans les prix de l’électricité. En 2017, ces entreprises seront compensées à hauteur de 80 % du surcoût estimé.

Pour les entreprises consommant beaucoup de gaz, des dispositifs de soutien ont également été mis en place. Le gaz provenant du nord est aujourd’hui moins cher que le gaz provenant du sud. Un accès prioritaire à la liaison nord-sud a été donné à ces entreprises exposées. Des renforcements du réseau de transport sont en cours, afin de faciliter la circulation du gaz naturel entre le nord et le sud de la France, ce qui devrait unifier les prix fin 2018. Les entreprises consommant beaucoup de gaz bénéficient d’une réduction de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel. Le principe de rémunération ou de rabais pour ces entreprises en fonction des bénéfices qu’elles apportent au système gazier est également prévu par la loi : réduction des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, ou un dispositif d’interruptibilité de la consommation de gaz naturel.

Il convient de plus de noter que de plus en plus de régions dans le monde mettent en place des politiques de tarification du carbone, par des taxes ou des marchés d’échange de quotas. Ainsi, la Chine a annoncé fin 2017 le lancement de son marché carbone national en 2018, qui commencera par une phase de test. Lorsqu’il sera en place, plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde seront soumises à un prix du carbone. Ce mouvement international permet d’espérer qu’à terme, le différentiel de compétitivité induit par les politiques climatiques européennes sera moindre.

En attendant, la France plaide au niveau européen pour la mise en place d’une « taxe carbone » aux frontières de l’Union européenne, qui permettrait de faire payer aux biens importés le même prix du carbone que les biens produits en Europe. Une telle taxe permettrait d’avoir des politiques encore plus ambitieuses sur le prix du carbone sans défavoriser l’industrie européenne, qui resterait sur un pied d’égalité avec ses concurrents internationaux, tout en étant conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.