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Point de vue n°3

Production d'électricité à base de combustibles fossiles (2 documents)

Institut Energie et Développement (Montreuil) Représenté(e) par M. Patrick DURAND, Président Site internet

Le dossier examine les ressources et réserves mondiales, leur répartition et leur pérennité. Il compare ensuite trois visions prospectives mondiales en matière d'énergie (deux issues des travaux de l'Agence Internationale de l'Energie et une établie par Greenpeace), puis aborde le fonctionnement du secteur européen. Enfin, il présente au niveau de la France le rôle des combustibles fossiles dans la production d'électricité.

Commentaires

Le pétrole "tous liquides", c'est-à-dire le "pétrole" dont les chiffres de production annuelle sont connus des médias et des économistes, est un ensemble de substances d'origines différentes dont deux proviennent du gaz et non du pétrole, certaines sont des "pétroles artificiels", et une est un artefact de comptabilité. Il faut donc être prudent quand on commente la notion de peak oil.
A l'époque de King Hubbert, le pétrole était essentiellement constitué de pétrole dit conventionnel, à l'exclusion des bitumes Canadiens, des huiles extralourdes vénézuéliennes et du "pétrole de schistes" US, non conventionnels. Le pic de 1970 au US est donc un pic de pétrole conventionnel, et effectivement, ce type de production n'a fait que décliner depuis. Il y a eu un répit avec les découvertes de l'Alaska . La remontée actuelle est due au "pétrole de schiste", non conventionnel et d'un mode de gisement très différent.
A l'échelle mondiale, Hubbert n'avait pas assez d'information pour prédire précisément le peak oil mondial. Mais Campbell et Laherrère ont repris ce travail et prédit en 1998 un pic du conventionnel avant 2008. Ce pic a eu lieu en 2005-2006. On voit que les prédictions de Hubbert n'étaient pas si mauvaises que çà, d'autant plus que les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont provoqué d'importantes chutes de production et retardé ainsi ce pic de conventionnel.
L'avenir de la production pétrolière semble donc dépendre essentiellement des développements possibles dans le non-conventionnel et surtout du "pétrole de schistes". Mais la production actuelle de ce dernier est essentiellement celle des US, et il n'y toujours pas de développement significatif à l'échelle mondiale. Si ce développement n'a pas lieu rapidement et vigoureusement maintenant, il faut s'attendre à un pic du "tous liquides" d'ici peu d'années, et donc une diminution des quantités disponibles pour la consommation, encore plus grandes par habitant, du fait de la croissance toujours rapide de la population mondiale.

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Je souhaiterais connaître la source qui permet de conclure à un « peak » du pétrole conventionnel en 2005. Les seules sources que j'ai trouvées portent soit sur le C+C (conventional crude + condensate) soit ne définissent pas « pétrole conventionnel ». Elles font apparaître un quasi-plateau de production de 2004 à 2017 avec un « mini-peak » anecdotique en 2008 ou 2016.
Cette question du peak du pétrole conventionnel ne me paraît de toutes façons pas fondamentale.
En effet, l'article cité de Scientific American ne porte pas sur le pétrole conventionnel mais sur l'ensemble de la production pétrolière (conventionnelle et non conventionnelle) comme l'indique la légende de la « courbe en cloche » publiée : « GLOBAL PRODUCTION OF OIL, both conventional and unconventional (red), recovered after falling in 1973 and 1979. But a more permanent decline is less than 10 years away, according to the authors’model... ». Cet article, titré « la fin du pétrole bon marché », a été écrit en 1998, alors que le prix du pétrole était (en monnaie actuelle) aux environs de 20 $/bbl. À ce prix, les auteurs ont logiquement « évacué » le pétrole non conventionnel : « the industry will be hard-pressed for the time and money needed to ramp up production of unconventional oil quickly enough».
Au regard des crises pétrolières passées (avec un pétrole à 100...160$/bbl) la zone de prix actuelle (40...70 $/bbl) paraît très supportable et donne au pétrole non conventionnel un rôle notable sur la marché international. Le niveau de production de pétrole conventionnel résulte essentiellement de la stratégie (et de la discipline...) OPEC qui a (prudemment) ouvert les vannes pour casser les ailes du pétrole non conventionnel (avec un relatif succès, chute du cours du brut, ralentissement du développement du pétrole non conventionnel aux USA mais aussi progrès technique et baisse des coûts unitaires du pétrole non conventionnel) puis referme (prudemment) les vannes pour faire remonter les cours, dans un contexte assez nouveau:
cf. par exemple étude BCE https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ebart201708_01.en.pdf
Je conclus pour ma part (cf. aussi l'autre partie de l'étude sur le site PPE) :
. que faire des prévisions de production pétrolière avec une calculette et une courbe en cloche en passant sous silence les aspects économiques permet de conclure tout et son contraire, le niveau des réserves étant directement lié au prix qu'on consent à payer,
. que les crises des années 1970 et 2000 avaient des causes politiques et financières, pas un « épuisement des réserves »,
. que le niveau de ressource/réserve, y compris pétrolière, est amplement suffisant pour « enfoncer » les objectifs climatiques, même modestes. Dans le scénario AIE avec un réchauffement climatique de plus de 3°C, la production pétrolière est quasi-stagnante, elle est en nette naisse (à peu près au niveau de la dernière projection BP) dans le scénario 2°C. Pour ces deux scénarios la question n'est pas de savoir si on aura assez de pétrole, mais de savoir ou se situera son prix.
Concernant le pétrole non conventionnel hors USA, les pays les mieux dotés par la nature (hors USA) sont la Russie, la Chine et l'Argentine, où on peut penser que les aspects économiques auront un poids déterminant dans les décisions prises.

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Le pétrole non-conventionnel, au sens actuel, est celui que l'on extrait de réservoirs non classiques, dont l'exploitation nécessite des techniques de récupération lourdes. Il s'agit essentiellement du LTO américain ( pétrole de schistes et réservoirs compacts) extraits après fracturation hydraulique, et des huiles extra-lourdes ( Venezuela et bitumes canadiens) le conventionnel( C) est tout le reste. On y ajoute généralement (C+C) les condensats, qui sont extrait du gaz, associés ou non au pétrole dans les gisements. Le pétrole tous liquides, c'est celui qui est connu de l'opinion, comprend également des "liquides d'usines de gaz naturels" en réalité surtout des hydrocarbures gazeux, qui sont commercialisés sous forme de GPL. Il comprend aussi des liquides qui n'ont rien à voir avec le pétrole, carburants artificiels et même des "gains de raffinerie" qui sont un artefact de comptabilité. Tout cela n'est pas simple et cela explique beaucoup d'erreurs d'appréciation de la part des commentateurs non informés. Vous pouvez consulter sur le site de l'ASPO des documents sur tout cela, entre autres un document sur les combustibles fossiles que j'ai écrit récemment. Vous verrez entre autres dans ce texte à quel point il faut se méfier des annonces de réserves "prouvées" faites par les agences, les compagnies et les médias.
Pour en revenir à ce qui vous occupe, à l'époque de King Hubbert, le non-conventionnel actuel n'existait pratiquement pas,l'Alaska n'avait pas été découvert, et on ne forait pas en mer profonde. On n'exploitait pas les gisements constitués essentiellement de gaz, faute de savoir le transporter à bas coût. Sa prédiction porte donc essentiellement sur le C des Etats-Unis hors Alaska et Hawaï, ce qu'on appelle les US 48 , à partir de réserves ultimes d'environ 200 Gb calculées par les géologues américains, et cette prédiction, hasard ou non, s'est révélée exacte, puisque depuis 1970, le C des US 48 est en déclin.La remontée depuis 2008 est due au LTO.
En ce qui concerne la prédiction, elle ne peut guère concerner le non-conventionnel puisque celui-ci ne s'est développé qu' à partir de 2010 environ, en particulier grâce à l'augmentation du prix du pétrole.
Vous verrez dans le texte que je vous propose que le déclin du C+C a commencé depuis 2005-2006, cela fait donc plus de 10 ans, et que cela a été confirmé par l'AIE.
La grande question actuelle est: jusqu'à quand le développement du non-conventionnel pourra-t-il compenser le déclin du conventionnel, comme cela a été à peu près le cas jusqu'à présent? le développement du pétrole de schistes aux Etats-Unis ne suffira pas, parce qu'il ne représente que 5 à 6 % de la production mondiale. Il faudrait un développement fantastique de ce type de production à l'échelle mondiale que l'on ne constate pas actuellement;
Attention de ne pas juger de la situation seulement à partir des prix. Ceux-ci, qui résultent d'un mécanisme boursier, n'obéissent en fait que partiellement à la loi de "l'offre et de la demande", et varient dans des proportions beaucoup plus grandes que la production réelle.

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Il est souhaitable pour la clarté des débats d'arriver au moins à des chiffres communs. Je n'ai pas de problème à assimiler « pétrole conventionnel » et C+C, ni à faire référence à l'AIE.

AIE beta donne des informations très détaillées et actuelles, dont une évolution de la production C+C depuis 2005/2006 : 2011 + 1,4 % /// 2015 + 9,3 % /// 2017 + 9,9 %. Les chiffres de AIE beta ne sont pas « garantis 100 %». Dans le «  Energy Statistics Yearbook 2015 » de l'ONU (https://unstats.un.org/unsd/energy/yearbook/default.htm) l'évolution 2005/2006 à 2015 relevée sur le graphique « Production of conventional crude oil » fait apparaître une hausse de 7-8 %, avec semble-t-il une définition de « Conventional crude oil » plus restrictive que C+C.

Si on examine les graphiques AIE beta ou ONU (que je ne peux inclure dans le commentaire…) sur une période longue, on voit des fluctuations conjoncturelles mais pas de « peak » en 2005/2006.

Je ne vois pas comment on peut en déduire des sources que « le déclin du C+C a commencé depuis 2005-2006, cela fait donc plus de 10 ans, et que cela a été confirmé par l'AIE ». Ma question originale « quelle source utilisez vous ? » reste d'actualité.

Une fois de plus, là n'est pas l'essentiel. Je pense que nos points de vue ne sont pas irréconciliables.

Si on veut rester sur du « cheap oil » et ne pas dépenser plus de 30 $/bbl (probable hypothèse implicite de l'étude 1998, mais aussi de votre propre étude, cf. tableau 10 et son commentaire, page 29 de la partie 2) le pétrole non conventionnel n'a quasiment pas d'avenir et les réserves sont comptées.

Plus personne (en tous cas pas l'AIE, ni moi-même) ne table pour l'avenir sur un pétrole à moins de 50 $/bbl. L'AIE estime (WEO 2016) que dans le scénario « 450 » qui permet de limiter le réchauffement climatique à 2°C, le prix du pétrole (tendanciel…) devrait atteindre 80 $/bbl en 2025 et se stabiliser autour de cette valeur jusqu'en 2040.

Mon but n'est pas d'entériner la projection de prix de l'AIE (qui ne peut que se tromper dans le cadre d'un marché en forme de guerre économique) mais de donner un niveau de prix du pétrole que la « communauté internationale » considère comme acceptable, qu'on doit donc prendre en compte si on veut faire des projections de réserve. Or ce niveau de prix :
. donne un contexte aux évaluations des réserves de pétrole conventionnel différent de celui de l'étude 1998 ou de votre étude ASPO
. est compatible avec le développement du pétrole non conventionnel, dans des proportions qui restent incertaines mais qui n'ont rien à voire avec une projection à 30 $/bbl (coût de production estimé actuel aux USA entre 40 et 70 $/bbl, le passage du cours du brut dans la zone 40-60 $/bbl ayant entraîné un repli modéré de la production).

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