Avis n°296
Proposer une trame logique
le ,PPE : choisir l'efficacité.
Les référentiels gigognes (Planète, Europe, Nation, Région) que la future PPE devrait respecter affichent en partage la protection du climat et la recherche d'une rationalité énergétique. La PPE doit donc concrétiser ce cahier des charges ambitieux en visant « à décarboner au maximum une dépense énergétique maitrisée », des mots simples, mais des challenges de taille, qui ne seront relevés qu'à condition de prendre ces mots au pied de la lettre, au travers de politiques efficaces, sans dévoiements opportunistes et dispendieux.
Tout d'abord, rien ne devrait se décider sans considérer comme une base la contribution des différents secteurs d'activités aux émissions de GES (en ordre de grandeur : transports 30%, industrie, agriculture, habitat 20% chacuns, production d'énergie 10%) et en faisant porter l'action, sans se disperser, là où l'enjeu est fort. Nulle ambiguïté, les chiffres parlent d'eux-mêmes mais cette stratégie implique d'accepter de revisiter méthodiquement un appariement usages-ressources largement atavique : chauffage = fioul+gaz, fret = gazole, voiture = essence+ diesel...
Sachant que l'électricité est une énergie qu'on sait produire en France de manière quasiment décarbonée grâce à l'hydraulique, au nucléaire et aux renouvelables, tout devrait être fait pour favoriser « l'électrification » des secteurs de consommation où cela fait sens et ils sont nombreux.
Une condition évidemment, qu'on sache produire cette électricité en volume et en qualité-disponibilité à la hauteur des besoins revisités et à des conditions économiquement soutenables.
Une autre condition est qu'on n'entrave pas la pénétration de l'électricité par des réglementations ad hoc telle la RT 2012 qui sur la base de critères discriminants exclut l'électricité comme moyen de chauffage des logements neufs, mais il semblerait, qu'enfin, la situation doive évoluer.
Le gaz naturel moins émetteur de GES que le charbon et le pétrole, mais qui le reste à un niveau très significatif, peut sembler un substitut simple et commode pour beaucoup de leurs usages établis. La tentation sera donc grande de s'arrêter à mi-chemin quitte à beaucoup accroitre en volume une dépendance spécifique déjà quasi totale.
La production de biogaz à grande échelle (hors méthanisation des déchets agricoles) qui nécessiterait la mobilisation d'importantes surfaces cultivables et une utilisation conséquente d'eau et d'engrais chimiques est l'archétype de la fausse bonne solution, qui malgré son épithète « bio » a un bilan écologique et économique désastreux.
L'autre volet de toute politique efficace est la réduction des besoins en énergie en rationalisant les transports (personnes et fret) et les process industriels (au sens large) et en isolant mieux les locaux industriels et l'habitat (collectif et individuel), une ambition nécessitant un vaste programme et des ressources importantes dévolues sur le temps long.
Plus globalement, en considérant le facteur démographique et les changements sociétaux, il est hautement probable, malgré beaucoup de discours peu réalistes, que les besoins globaux en énergie, même rationalisés continueront à croitre, d'où l'impérieuse nécessité d'en changer la structure de production-consommation afin de pouvoir diminuer effectivement les émissions de GES.
Actuellement la priorité d'accès aux réseaux donnée en Europe aux sources électriques renouvelables vise à ce qu'elles se substituent plus facilement aux moyens de production existants.
Une telle politique peut faire sens quand les productions renouvelables remplacent des productions carbonées, même si le caractère aléatoire des principales sources renouvelables oblige à conserver un parc de production « classique » dimensionné pour couvrir l'ensemble des besoins en toutes circonstances et qui donc, continue à être largement utilisé. En Allemagne, malgré le gigantesque parc renouvelable, les moyens classiques fournissent encore les 2/3 de l'électricité et les GES qui vont avec.
Dans cette situation nouvelle, l'appareil de production se trouve donc immédiatement surdimensionné dès qu'une électricité renouvelable est injectée sur le réseau, situation économique irrationnelle d'autant plus dommageable pour les producteurs classiques qu'ils sont tenus de produire ou de s'effacer, sans compensations, en miroir des contributions renouvelables prioritaires et subventionnées.
D'où l'incitation à devenir eux-mêmes producteurs renouvelables par le truchement d'entités séparées permettant de bénéficier des largesses publiques et à ne garder que le juste nécessaire pour le dimensionnement des moyens classiques de backup.
Dans chaque pays, dont la France, les décisions de fermetures des moyens les moins sollicités (et souvent les plus émetteurs de GES, donc cibles des écologistes) vont réduire les marges des réseaux domestiques et du même coup les possibilités de secours entre pays au point de mettre tout l'édifice, national et européen, en danger.
Mais en France, le noyau dur des capacités de production (nucléaire et hydraulique) se trouve être déjà totalement décarboné, une situation qui prend a contre-pied la philosophie des orientations de substitution précédemment décrites.
Vouloir appliquer à la France la recette générale, largement germanique d'ailleurs, ne fait donc guère sens, sauf a ce que d'aucuns profitent du contexte pour pousser des pions parfaitement exogènes, comme la réduction de la contribution électro-nucléaire au mix national, en commençant par fermer Fessenheim, des mesures parfaitement antithétiques.
Hors la détestation du nucléaire qui reste bien le fonds de commerce de cette politique, on cherche à l'habiller de l'argument qu'il ne faut pas « mettre tout ses œufs dans le même panier », raisonnement infondé si on considère le service électrique rendu par un pseudo substitut aléatoire et intermittent qui ne constitue en rien une vraie alternative. Réduire significativement la part du nucléaire, dans le mix national c'est donc amputer d'autant le noyau dur programmable, celui qui garantit la continuité de la fourniture, un déficit qu'il faudra forcément combler... en construisant en série des centrales fonctionnant au gaz, nous n'aurons pas le choix, mais est-ce bien ce que nous voulons ?
Qu'on se console pourtant, ce serait un moindre mal comparé à nos voisins allemands qui s'appuient eux, pour que se développent les renouvelables et diminue le nucléaire, sur un couple charbon-lignite hautement émetteur de GES.
S'agissant de la protection du climat, il ne s'agirait donc plus, comme évoqué précédemment, d'un demi pas vers l'avant, mais bien d'un grand pas en arrière. Aucun gain en émissions de GES n'est en effet à attendre de cet accroissement des renouvelables au détriment d'un nucléaire qui, on l'oublie, rend possible leur essor mais à son détriment technique et économique.
Outre le coût énorme de ce développement en doublon qui alourdit déjà très significativement la facture d'électricité (CSPE) et doit désormais se nourrir d'autres taxes sur l'énergie tant le besoin est grand, la sous utilisation de moyens lourds met à mal le modèle électrique qui valait jusqu'ici et qui avait porté ses fruits.
De plus, la coexistence de productions subventionnées jouant de plain pied sur un marché devenu mécaniquement sur-capacitaire fait chuter les cours de l'électricité et ne permet plus la rémunération suffisante des opérateurs historiques, lesquels perdent donc sur tous les deux tableaux (volumes et prix) et comme dit déjà, essaient « de se refaire » avec des productions renouvelables filialisées.
Gardant en ligne de mire la diminution des émissions de GES qui est l'objectif premier affiché partout, s'appuyer autant que faire se peut sur une électricité décarbonée reste bien la voie la plus rationnelle et la plus efficace. Mais faire des dépenses somptuaires (un récent rapport de la Cour des Comptes les quantifient) juste pour substituer, très incomplètement et très imparfaitement d'ailleurs, des sources décarbonées à une autre, le nucléaire, qui l'est déjà totalement est un exercice qu'auraient goûté les Shadocks. Ces ressources énormes pourraient à grand profit être mobilisées à profit pour jouer sur l'autre volet, celui de la maîtrise des consommations (isolation, optimisation, électrification...).
On lit partout que les productions renouvelables sont compétitives et certains auteurs entrevoient même la gratuité du solaire à moyen terme. Alors pourquoi continue-ton à les porter à bout de bras par des subventions très conséquentes plutôt que de les laisser concourir sur les marchés, comme les autres sources ? En réalité les comparaisons ne prennent pas en compte le coût de la compensation de l'intermittence ni le surcoût dû au caractère diffus des sources et considèrent juste les coûts de production au pied du mat éolien ou du panneau solaire, lesquels sont effectivement en baisse continue, d'où l'affichage positif de leurs supporters.
Dans une PPE où pour les raisons exposées, l'appel à l'électricité augmenterait significativement, il faudrait développer plus avant un parc de production sommant des moyens décarbonés jouant à armes égales et non procédant comme actuellement par substitution stérile et dispendieuse. C'est toute la logique-illogique actuellement en place qu'il faudrait revisiter. A cet égard, les différents considérants évoqués trament clairement ce que pourraient être les linéaments d'une PPE efficace. En lisant les documents préparatoires, on peut hélas douter que cette voie soit choisie.