Question n°606
Quelle indépendance pour l'Autorité de Sureté Nucléaire
le ,Lundi 18 juin avait lieu l'épreuve de philosophie du baccalauréat. Le sujet suivant aurait pu être proposé : « Une autorité indépendante est-elle vraiment indépendante lorsque ses décisions peuvent conduire à l'arrêt d'un projet industriel majeur soutenu par l'Etat ? ».
Autrement dit, et c'est la question que je pose à la maîtrise d'ouvrage : « L'autorité de sureté nucléaire est-elle vraiment indépendante lorsqu'elle se prononce sur l'aptitude de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, alors que le refus de cette cuve défectueuse déjà installée dans le bâtiment réacteur, aurait probablement signé l'arrêt du « nouveau nucléaire » (les réacteurs EPR) promus par le groupe EDF SA ».
Quel décalage en effet :
- entre ce qu'a dit, souvent sans « langue de bois » devant les députés de la commission développement durable le 1er mars 2016, Pierre-Franck Chevet président de l'ASN :
https://www.dailymotion.com/video/x3vcwwp
- et la décision d'homologation de la cuve de l'EPR de Flamanville à l'automne 2017, moyennant un changement de couvercle d'ici 7 ans, après une consultation publique dont il n'a pas été tenu compte : 13 000 avis et contributions, synthèse de la consultation en 2 pages.
https://www.asn.fr/Reglementer/Participation-du-public/Installations-nuc...
Quelle indépendance pour l'ASN ?
- L'autorité indépendante c'est un collège de 5 personnes (le Président et 4 commissaires) qui dispose de services propres.
Mais l'ASN est largement dépendante pour forger son opinion des services de l'Etat puisqu'elle s'appuie :
- sur l'IRSN qui dépend de l'Etat,
- sur des divisions régionales qui assurent les inspections dans les centrales. Ces divisions sont placées sous l'autorité des « délégués territoriaux de l'ASN » qui sont par ailleurs directeurs régionaux de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), lesquels directeurs sont sous l'autorité des Préfets de Région et donc du gouvernement.
J'avais lu, je crois à propos d'un ancien chef de l'Etat : « sa main droite ne sait pas ce que fait sa main gauche ». Les DREAL, également délégués territoriaux de l'ASN, ont la main gauche qui protège l'environnement, veille au développement harmonieux des territoires et assure la prévention des risques majeurs (dont le nucléaire est exclu), et la main droite qui contrôle les centrales nucléaires, autorise des prélèvements massifs d'eau dans les rivières, des rejets radioactifs dans l'eau et dans l'air, et applique la politique énergétique de l'Etat qui conforte jusqu'à présent les objectifs du groupe EDF SA.
Face aux pressions du groupe EDF SA et de ses soutiens, j'espère que les citoyennes et les citoyens pourront compter sur les fonctionnaires, pour défendre l'intérêt général qui n'est pas, à mon avis, et vous l'aurez compris, de poursuivre dans « l'impasse nucléaire ».
« Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors
Article 28 - Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés. »
Nous vous remercions de votre contribution qui nourrit notre réflexion pour l’élaboration de la Programmation pluriannuelle de l’énergie.
Créé par la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 et la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection repose sur deux composantes : l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante et chargée, au nom de l’État, du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), établissement public à caractère industriel et commercial autonome (placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’écologie, de la recherche, de l’énergie, de la santé et de la défense) lui assurant son appui technique.
Au sein de ce système dual, l'action de l’ASN repose sur l'indépendance de sa gouvernance, la compétence de ses agents, la transparence et la rigueur de ses processus décisionnels.
Au même titre que l’ASN, l’IRSN s’attache à exercer ses missions d’expertise en préservant son indépendance de jugement et s’organise à cet effet pour prévenir les conflits d’intérêts lors de l’exécution de ses missions. Les mesures prises pour garantir cette indépendance sont notamment détaillées dans la charte d’éthique et de déontologie de l’IRSN disponible sur son site internet. La tutelle exercée par l’Etat sur l’IRSN se traduit comme un contrôle de second niveau de ses activités et du respect des objectifs qui lui sont fixés au travers du contrat d’objectifs établi de manière pluriannuelle et rendu public. Ce contrat d’objectifs doit notamment définir les axes stratégiques de progrès les principaux enjeux opérationnels auquel l’IRSN est confronté et vise à optimiser sa gouvernance et son efficience.
Le système dual français garantit donc l’indépendance de l’évaluation des risques et de leur gestion. Ce système permet aussi de découpler la recherche et l’expertise de la réglementation et de les intégrer au sein d’un même organisme. Cela permet à l’expertise de profiter plus rapidement des avancées de la recherche et inversement à la recherche de bénéficier plus rapidement du retour d’expérience issu de l’expertise. Ce système dual offre également une transparence plus grande en matière de sûreté nucléaire en explicitant les processus de décision et les allers et retours avec les expertises techniques sous-jacentes. Depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l'IRSN doit en effet publier les avis qu'il remet aux autorités (ASN) qui l'ont saisi lorsqu'ils ne relèvent pas de la défense nationale.
C'est pourquoi la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a conforté ce système dual du contrôle « à la française », c’est-à-dire la coexistence d’un expert public, l’IRSN, et d’un décideur, l’Autorité de sûreté nucléaire, indépendant de l’Etat.