Avis n°124
Réflexions apportées au débat démocratique organisé autour du PPE
le ,L'accès à l'énergie étant fondamental pour l'avenir de la civilisation humaine, l'idée d'un débat citoyen me semble excellente et il me semble plus encore essentiel d'y participer.
L'emballement économique et technologique mondial des 2 derniers siècles est indissociablement lié à l'intensité d'exploitation des réserves énergétiques disponibles dans le manteau terrestre. Essentiellement d'origine organique la consommation massive de cette énergie fossile a pour conséquence la modification de l'éco-système terrestre dont on mesure chaque année les effets délétères sur la vie (disparition d'espèces, migrations de populations exposées, phénomènes climatiques violents).
Ce projet de loi est par conséquent vital pour la collectivité et son avenir. Il ne s'agit pas ici d'une problématique de second ordre, c'est un projet qui doit être traité dans un esprit de rigueur scientifique en écartant toutes considérations idéologiques et mercantiles.
Rappels basiques :
1. Les ressources terrestres sont limitées. Elles constituent par conséquent un ensemble fini de matières qu'il y a lieu de gérer de façon responsable pour les générations à venir.
2. Décarboner l'économie mondiale est désormais l'urgence 1 pour préserver notre habitat terrestre. Cette transition requière un recours massif à la technologie pour un développement durable.
3. L'électricité représente en France environ 25% de la consommation énergétique. Autrement dit l'effort de conversion de notre consommation annuelle d'énergie carbonée porte sur 75% du total.
4. L'empreinte carbone de la consommation annuelle Française, biens et services importés, est de l'ordre de 12t de CO2/habitant
5. Les 2 points précédents illustrent la dimension mondiale du problème et soulignent la responsabilité de la France pour apporter des solutions généralisables à l'international.
6. Les engagements financiers pour réaliser cette révolution énergétique sont tels qu'ils imposent une gestion rigoureuse des fonds publics
Un projet de Programmation Pluriannuelle de l'Energie exemplaire
La position Française de leader dans le combat contre le réchauffement climatique nous contraint à l'exemplarité et à l'ambition, aux antipodes du raisonnement égoïste américain. Cette responsabilité nous impose courage et lucidité dans un contexte sociétal où le simplisme, la crédulité et la tentation d'un recours aux solutions d'inspiration idéologique sont plébiscitées.
Toutes solutions étant praticables sur le papier, les principes de rationalité devant être systématiquement examinés sont :
- le coût global (cycle de vie) par unité d'énergie produite
- le coût global par unité d'énergie économisée (effort consenti pour l'efficacité énergétique)
- la durabilité (sens économique, social et environnemental) du service rendu à la collectivité.
Remarques sur le bilan prévisionnel de RTE relatif aux équilibres offre / demande France
Les perspectives de stagnation voire de baisse de la consommation d'électricité semblent tenir pour l'essentiel au seul argument d'une efficacité énergétique renforcée.
Le monde technologique évoluant très fortement ces dernières années, on peut en effet y voir des promesses de gains significatifs. Au demeurant la contrainte climatique, avec comme corollaire une énergie nécessairement moins carbonée, nous conduit à d'importants efforts de conversion du fossile vers l'électrique. Comment peut-on ne pas en retrouver trace dans les perspectives à 2035 ?
Schématiquement l'énergie électrique produite en France représente aujourd'hui 25% de notre consommation d'énergie. La cible énergétique à 2050 devant être 4 fois moins carbonée (réf 1990), on imagine difficilement le scénario d'une stagnation de la production électrique dans un contexte de substitution massif de l'énergie fossile à une énergie durable sous toutes ses formes.
Il y a là une invraisemblance qui mérite une clarification argumentée et chiffrée.
Remarques sur les énergies renouvelables intermittentes :
A défaut de moyens de stockage de l'énergie électrique, l'inconvénient majeur de ces modes de production est de ne pas être en mesure de répondre à la demande du système (réseau électrique) quand il est nécessaire. Il en résulte un coût invraisemblable pour la collectivité (100 Mds€ d'engagements de CSPE) en l'état des seuls 17 GW de puissance installée à ce jour. On soulignera que la puissance garantie pour le réseau est de l'ordre de 1% pour le seul éolien soit 110 MW.
La durée de vie de ces équipements est par ailleurs très inférieure à celle d'équipements de production pilotables. Il y a donc lieu de tenir compte de ce paramètre dans l'argumentaire pour leur développement.
Proposition d'amélioration :
La politique d'aide au développement conduit aujourd'hui à un accompagnement de l'investisseur sur les 20 premières années (prix garanti, obligation d'achat, subvention). Cette situation engendre un effet d'aubaine financier à l'origine d'une déstabilisation du marché et d'importants surcoûts pour la collectivité sans contreparties objectives.
Propositions d'alternatives pour l'éolien et PV de type industriel :
- prix garanti sur la seule période d'amortissement de l'installation (5 à 10 ans)
- au delà obligation d'achat mais au prix du marché (possible désormais avec la généralisation du compteur communicant)
- suppression des subventions et retour au statut général de producteur de biens et de services
- obligation de stockage d'une part de l'énergie excédentaire produite. Achat par EDF, conversion industrielle sous forme d'hydrogène, stockage et utilisation en période déficitaire d'énergie (contribution à la régulation système des énergies intermittentes)
Analyse conjoncturelle :
L'engouement des peuples pour le renouvelable tient à une aspiration profonde de nature, d'authenticité face aux excès et dérives du système industriel mondial des 60 dernières années : pollutions de l'éco-système, baisse de la bio-diversité, urgence climatique. Le phénomène est renforcé par la perte de confiance du public dans le nucléaire civil suite aux accidents spectaculaires de Three mile island,Tchernobyl et Fukushima. L'énergie nucléaire est récente et son histoire, bien qu' entachée par son usage militaire et quelques accidents industriels, est appelée à se prolonger dans l'intérêt de l'humanité.
A bien des égards, l'énergie éolienne industrielle constitue un miroir aux alouettes ne répondant que très peu aux critères de durabilité (recours aux terres rares, gros consommateur de béton, impact environnemental sur la faune et les paysages, générateur de CO2 via l'énergie de remplacement) et de soutenabilité (tolérance limitée du public à son développement, prix élevé du Kwh sur le cycle de vie, surcoût de l'intermittence, impact sur la balance commerciale car 100% importé...). L'exemple Allemand demande à être pris en compte tant le bilan CO2 y est contre productif !
Sous le prétexte de la gratuité du vent, le lobby éolien a fait valoir l'idée que l'avenir énergétique reposait sur ces machines tant sur terre qu'en mer sans plus de démonstration du bien fondé économique, social, environnemental. Difficile d'imaginer un avenir durable dans cette utopie don quichotesque prétendant faire passer une logique industrielle et financière pour quelques romantiques moulins à vent.
Orientations pour un avenir énergétique durable
Place de l'énergie renouvelable
Il est important de repréciser la définition de l'Energie Renouvelable (EnR) tant la confusion est grande. Du point de vue thermodynamique il s'agit d'une énergie très diluée (à forte entropie) à l'inverse de l'électricité qui est une énergie très concentrée. Il est par conséquent aberrant de mettre en œuvre, à grand frais pour la collectivité, une logique industrielle (production intensive et centralisée) pour capter une énergie répartie sur l'ensemble de la planète. Il faut au contraire miser sur un captage bien réparti sur le territoire au plus près de la consommation à contrario des champs couverts de panneaux PV et des alignements d'éoliennes. A l'instar des Pompes à Chaleur (PAC), qui puissent l'EnR dans l'air et l'eau environnant du lieu de production de chaleur ou de fraîcheur avec un excellent rendement, il faut généraliser les solutions de captage d'EnR dans les résidences collectives et particulières via le PV, le petit éolien (de qualité) et les PAC, l'association des 3 modes étant un facteur idéal pour la continuité de l'auto-consommation.
Les principes prioritaires : décarboner l'énergie + efficacité énergétique
L'objectif de la révolution énergétique en cours est double : arrêter la production de CO2 et économiser l'énergie par une efficacité accrue de son usage. La production d'électricité n'est donc pas une fin en soit, elle n'est qu'un moyen destiné à éviter la consommation d'énergie fossile (EF). Quels sont les principaux consommateurs d'EF aujourd'hui en France et en Allemagne? Le transport et l'agriculture figurent en première place, le chauffage collectif et individuel via le fioul et le gaz, ce dernier encouragé ces dernières années par le prix bas et la RT 2012.
Pour le chauffage le recours aux EnR est parfaitement adapté via les PAC pour leurs excellentes efficacité énergétique. Pour les usages incontournables du gaz les piles à combustible (PàC) constituent une amélioration sensible d'efficacité et de réduction de la production de CO2.
Pour le transport les solutions existent :
Rail : substitution de l'énergie fioul par des motrices PàC à Hydrogène (H2). Alstom est déjà constructeur
PL et agriculture: idem que pour le rail non déjà électrifié
VL : les batteries vont permettre une transition mais l'avenir, du point de vue de l'efficacité énergétique, passera nécessairement par les PàC H2, les espèces rares (Li, Co) constitutives des batteries n'étant pas compatibles avec les critères de durabilité
Air : la substitution du kérosène passera également par un mix batteries / PàC H2. Tous les avions sortant des usines Airbus seront à propulsion électrique dès 2040 (dixit le président du groupe).
On le voit, l'atteinte des objectifs prioritaires passe, pour le chauffage des bureaux et logements, par un recours accru aux EnR de proximité (à contrario de sa version industrielle coûteuse) moyennant une production renforcée d'électricité. Pour le transport c'est le recours au vecteur énergie Hydrogène qui constituera la solution durable et rationnelle via une production industrielle à fort rendement énergétique.
Un réseau électrique sûr
Une alimentation électrique garantie étant désormais indispensable au fonctionnement de la société moderne, seul un réseau fiable sera en mesure de répondre à cette exigence. L'intermittence d'une production d'EnR intensive engendre une défiabilisation dangereuse pour un taux de production supérieur à 40%. Il nécessite par ailleurs un recours à des sources d'énergie modulable coûteuses car sous utilisées ainsi que d'importants investissements dans le transport.
Le réseau est un bien collectif sensible devant être protégé de l'intérêt particulier et mercantiles des producteurs d'EnR intensifs. Il est urgent de redécouvrir le lien collectif et solidaire du réseau interconnecté à l'échelon européen en dénonçant une logique de décentralisation de la production soit disant dépassée. La raison est entre les deux : plus de production EnR au plus proche de la consommation via un réseau intelligent qui apporte à tous la garantie d'alimentation électrique.
Production durable et indépendance énergétique
La mobilité durable passera nécessairement par le vecteur énergie H2 qu'il faudra produire de façon décarbonée. L'électrolyse de l'eau à haute température ou son cracking constituent les modes de production les plus efficaces en énergie et propre en carbone. La production d'électricité nucléaire demeurera incontournable et devra assurer la production d'hydrogène. Les réacteurs de 4ème génération seront indispensables pour assurer les missions suivantes :
- sûreté renforcée (réacteur à pression atmosphérique, sous critique)
- non proliférant
- taux de combustion élevé (95% contre 5% pour les réacteurs actuels y compris EPR)
- déchets à vie moyenne (50 ans contre plusieurs millions d'années pour ceux prévus d'être enfouis par l'ANDRA à CIGEO)
- température élevée (réacteurs adaptés à la production de H2)
Les réacteurs à sels fondus filière Thorium semblent être très prometteurs et font l'objet de recherches actives par la Chine. L'Europe dispose d'un projet de recherche (SAMOFAR) qui ne semble pas être très actif faute de financement. L'avenir énergétique passe par une R&D au niveau Européen à l'instar du projet ITER pour la fusion. Il serait opportun dans ce domaine de ranger la cocarde et de jouer la carte communautaire. On comprends mal le choix récent du nouveau Framatome entreprise qui a brillé jadis par ses cuves forgées et dont l'aboutissement consiste dans le fiasco de l'EPR un modèle sans avenir, fusse t-il new EPR, hérité de la collusion EDF – AREVA – CEA.
Il est temps de tourner cette page du nucléaire à base U5 et Pu (c'est à dire militaire) dont la société civile garde une image désormais négative surtout pour l'aval de la filière.
Il faut mettre à profit le délai de prolongation du parc Français (grand carénage) pour repartir sur des réacteurs propres de 4 ème génération capables de participer pleinement à la substitution des énergies fossiles.
Résumé des enjeux
Stratégie financière irréprochable
. l'état doit rester dans un rôle de mobilisateur et d'incitateur
. l'argent public doit préférentiellement aller vers la R&D
. l'état doit recourir à des méthodes innovantes (ex : un marché national annuel d'achat de panneaux PV et de PAC destiné aux particuliers pour réduire le prix unitaire des installations)
Stratégie politique
. définir l'horizon et le jalonnement de l'évolution du prix du CO2
. clarifier le rôle des acteurs de la production d'énergie décarbonée et leurs responsabilités
. concertation et harmonisation européenne (indépendance énergétique et technologique)
Commentaires
Oui, mais ...
Bonjour Yves,
Je vous rejoins sur beaucoup de points :
- Au sujet des perspectives d'évolution de la consommation énergétique française, l'analyse est très pertinente. A noter qu'EDF prévoit une augmentation de la consommation énergétique nationale dans ses projections, à l'inverse de RTE.
- Au sujet des EnR, les investissements liés à la CSPE (121 Mds € pour moins de 3% de la production nationale d'électricité) révèlent plutôt une volonté de réduire la part du nucléaire en France plutôt que de décarbonner la production d'électricité (qui l'est déjà à 90% avec le nucléaire et l'hydraulique). L'enjeu de la réduction des émissions de GES est effectivement les "75% restants", principalement dans les transports, l'habitat et l'agriculture.
Sur les sujets de la transition énergétique automobile des énergies fossiles vers l'électrique, l'enjeu est bien de stocker l'énergie. En revanche, la solution des piles à combustibles à hydrogène n'est pas une alternative suffisamment sûre pour être envisagée (la technologie est disponible depuis une vingtaine d'années) principalement car le dihydrogène est un gaz très explosif. Du côté des batteries, vous avez raison. Les stocks mondiaux de lithium, le constituant actif des batteries d'aujourd'hui, ne permettent pas un déploiement massif de cette technologie à un marché comme l'automobile. Côté recherche, on investit massivement sur des alternatives utilisant des petits cations abondants comme alternative au lithium : le calcium et le magnesium. Ces batteries "nouvelle génération" me paraissent bien plus prometteuses à horizon 10 ans pour permettre une mutation massive de l'utilisation d'énergies fossiles vers l'utilisation d'énergie électrique que la pile à hydrogène.
Côté électrolyse de l'eau comme moyen de stocker l'énergie, la technologie n'est pas mature. On sait faire des anodes performantes et peu chères (H2O => O2) à base de TiO2 alors que les cathodes (H2O => H2) restent un obstacle pour l'instant infranchi même en R&D.
Enfin sur les améliorations du nucléaire, l'EPR permettra effectivement une utilisation beaucoup plus efficace du combustible ainsi que l'utilisation d'une partie du combustible usé (MOX). Enfin, les prototypes de réacteurs au thorium (PHOENIX en France) permettent bien d'utiliser des produits de fission de l'uranium qui sont abondamment stockés en France, mais ils présentent également de sérieux désavantages : ils fonctionnent à beaucoup plus haute température (~ 1000°C de mémoire), c'est pourquoi ils sont refroidis à l'aide de sels fondus comme le sodium. Or le sodium est également extrêmement explosif en présence d'eau, ce qui en fait une alternative peu envisageable d'un point de vue sécurité. Les rendements sont également plus faibles qu'avec la fission de l'uranium. C'est la raison pour laquelle le réacteur prototype PHOENIX a été abandonné.
Voir au sujet de la réactivité du sodium avec l'eau : https://www.youtube.com/watch?v=jLvWh5SnBAE
J'en profite pour répondre également à Almaviva . Effectivement le CO2 est essentiel à la vie au même titre que l'O2. En fait, tout est question d'équilibre : à l'ère pré-industrielle, les quantités de CO2 relâchées par la respiration des animaux et d'O2 relâchées par la photosynthèse des végétaux dans l'atmosphère étaient à peu près constantes et équilibrées. Avec le développement de l'industrie, les hommes ont sensiblement augmenté la quantité de CO2 relâchée dans l'atmosphère, provoquant un déséquilibre CO2/O2 : Le CO2 s'accumule dans l'atmosphère, provoquant le phénomène bien connu d'effet de serre : c'est le piégeage d'une partie des rayons du soleil entre la Terre et l'atmosphère dûes aux réflexions des rayons à la surface de la Terre et sur le CO2 de l'atmosphère. Ce phénomène est à l'origine du réchauffement climatique, l'augmentation de la température moyenne sur Terre. Alors, pourquoi est-il important de "décarbonner" ?
Si l'on réduit la quantité de CO2 libérée par l'homme dans l'atmosphère, on diminue le phénomène d'effet de serre, donc le réchauffement climatique. Or le réchauffement climatique a un impact certain sur la biodiversité. On s'attend à voir disparaître quantité d'espèces dans les prochaines années à cause de celui-ci. Si ces espèces disparaissent, on met en danger les écosystèmes (plus d'insectes pollinisateurs pour butiner les fleurs, plus de proies pour les prédateurs etc).
En quoi nous humains sommes concernés ? Nous avons par exemple besoin de la survie du végétal pour qu'il continue à convertir le CO2 en O2 par exemple, sans quoi l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère nous sera fatale.
En gros, il faut limiter nos émissions de gaz à effet de serre pour maintenir un minimum les conditions originelles de notre planète si l'on veut que toutes les composantes y permettant la vie soient encore présentes dans quelques centaines d'années...
vous avez dit "décarbonner" ?
Je ne comprends pas cette obsession (malheureusement assez partagée) pour tout "décarbonner". Le CO2 est un constituant essentiel de la vie, au même titre que l'eau. Les plantes se constituent à partir du C02 qu'elles tirent de l'air grâce à la photosynthèse. Les animaux et nous mêmes sommes constitués de carbone et si le pourcentage de CO2 venait à tomber sensiblement au dessous du niveau actuel (0.0015 % au lieu de 0.004 %) la vie cesserait sur terre.
Quant à l'effet de serre c'est un sujet qui, au minimum, prête à discussion.
Mais vous avez raison sur l'inutilité des ENR, le sujet est complexe... dans tous ses aspects.