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Question n°468

RT 2012 et facteur 2,58 infligé à l'électricité

Ajouté par Jean-Pierre ANONYMISé (Bures sur Yvette), le
[Origine : Site internet]

Monsieur Lalonde, ancien ministre de l'environnement vient de publier dans "Les échos" un article sur la RT 2012 ci-dessous, que je ne peux qu'approuver :

"Quand la réglementation freine la transition énergétique", BRICE LALONDE, président d'EdEn, le 01/06
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0301745932760-quand-la-reglementation-freine-la-transition-energetique-2180584.php

Questions au maître d'ouvrage :
1 - La RT 2012 va-t-elle être rapidement révisée pour revenir en priorité à la notion d'émissions de CO2 en exploitation par m2 et par an ?
2 - La qualité thermique d'un bâtiment sera-elle exprimée en fonction de l'énergie finale, seul indicatif clair de la qualité d'isolation ?
3 - La notion d'émissions de CO2 sur l'ensemble du cycle de vie d'un bâtiment, d'une complexité extrême et susceptible de donner cours à de multiples manipulations plus politiciennes que factuelles, sera-t-elle imposée par le ministre, comme il l'a déclaré ? Ce serait une erreur de relancer des réglementations complexes et d'application coûteuse.

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Nous vous remercions pour cette contribution à la réflexion pour l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie.

 

1) A ce jour, la RT 2012 ne fixe pas d'exigences en termes d'émission de gaz à effet de serre. À l’horizon 2018, un standard environnemental ambitieux sera mis en place pour les bâtiments neufs. Dès aujourd’hui, l’État, les acteurs économiques et les associations préparent conjointement cette ambition pour contribuer à la lutte contre le changement climatique autour de deux grandes orientations pour la construction neuve :

  • la généralisation des bâtiments à énergie positive ;
  • le déploiement de bâtiments à faible empreinte carbone tout au long de leur cycle de vie, depuis la conception jusqu’à la démolition.

 

La future réglementation thermique et environnementale s'appuiera sur l'expérimentation « E+ C- » : elle prendra également en compte les émissions de gaz à effet de serre, en plus des seules consommations d’énergie primaire. L’objectif de la future réglementation thermique et environnementale sera en effet double : diminuer la consommation en énergie primaire des bâtiments, et diminuer les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments neufs. Il s’agit de faire et de prendre en compte l'analyse de cycle de vie (ACV) des bâtiments (construction, consommation, maintenance, démolition, etc.).

 

Afin de préparer la future réglementation environnementale de la construction neuve sur une base partagée et pragmatique, une expérimentation nationale est lancée pour tester en grandeur réelle de nouveaux niveaux d’ambitions et des questions de faisabilité.

 

Cette démarche est décrite au lien suivant : http://www.batiment-energiecarbone.fr/

 

2) La RT 2012 fixe déjà un indicateur obligatoire pour évaluer la qualité globale de l’enveloppe d’un logement neuf et son bioclimatisme : il s’agit du Bbio, ou Besoin Bioclimatique.

 

Par ailleurs, le raisonnement en énergie primaire, qui constitue l'énergie disponible dans la nature avant toute transformation, permet de traduire l’impact du bâtiment sur les ressources naturelles, et donc d’agir sur la ponction en ressources naturelles. Cela répond à d’autres grands objectifs de l’État : la préservation des ressources naturelles et l’amélioration de la balance commerciale, la plupart des ressources en énergie étant importées.

 

3) Le fait de raisonner en analyse en cycle de vie (ACV) permet d’éviter des reports d’impacts, par exemple un bâtiment très efficace lors de sa phase d’exploitation, mais dont la phase construction est très pénalisante. Cela offre ainsi une vision plus large du sujet.

Commentaires

La réponse du Maître d’Ouvrage à la question de Jean-Pierre Pervès va à l’encontre de la réduction des émissions de CO2. C’est incompréhensible, car c’est totalement contradictoire avec les objectifs conjoints de la COP 21 et de la SNBC !
Brice Lalonde a pourtant totalement raison : le coefficient 2,58 date de l’époque où les français se chauffaient massivement au charbon puis au fuel : il valait mieux en effet utiliser directement ces combustibles pour faire de la chaleur que passer par l’intermédiaire de l’électricité. Mais la situation actuelle n’a plus rien à voir : les énergies primaires non émettrices de CO2 (nucléaire, hydraulique, éolienne, solaire) devenues largement majoritaires, ne peuvent être utilisées directement pour la production de chaleur (sauf solaire thermique). Le coefficient 2,58 n’a donc plus aucune signification physique et l’appliquer à une électricité décarbonée à plus de 90 % n’a plus aucun sens.
Or, son application interdit dans de nombreux cas l’usage de l’électricité pour le chauffage et conduit à la remplacer par du gaz naturel. Qui, brûlé dans la meilleure chaudière à condensation du monde, émet 185 g de CO2/kWh thermique utile. Alors que l’électricité ne contient qu’environ 50 g de CO2/kWh (moyenne des années 2014-2015-2016-2017) et sa transformation en chaleur (par effet joule, ou mieux, via une pompe à chaleur) n’en émet pas. De plus, le contenu en CO2 de l’électricité va encore se réduire dans les années qui viennent avec l’arrêt des dernières centrales à charbon d’ici 2022 et le remplacement de leur production par des énergies renouvelables. Selon les estimations de RTE (scénario Volt) on devrait ainsi atteindre environ 25 g de CO2/kWh en 2025 et 15 en 2035.
Dans ces conditions, favoriser l’usage du gaz naturel conduit à multiplier par environ 185/50 ≈ 3,5 les émissions de CO2 actuelles, par 7 en 2025 et 12 en 2035 ! Cela, même en utilisant l’électricité sous forme Joule, les facteurs ci-dessus étant à multiplier par 3 si l’on utilise des pompes à chaleur !
Sachant que le choix d’un moyen de chauffage engage en général pour plusieurs décennies, la RTE 2012 conduit donc littéralement à un crime contre le climat ! Et les dispositions actuelles du projet RT 2018/2020 ne corrigent pas cette aberration !!! Comment peut-on laisser faire de telles choses ?

78000

En France, le raisonnement en énergie primaire (qui constitue l'énergie disponible dans la nature avant toute transformation afin d’agir sur la ponction en ressources naturelles, bla-bla-bla....), est le moyen d'éliminer l'utilisation de l'électricité, une énergie non carbonée, pour la remplacer par du gaz pour le chauffage des bâtiments.
Le CO2 n'a pas à s'inquiéter, ce n'est pas 2 °C qui nous attend pour 2100, mais plus du double. Alors, les mêmes diront «on est désolé, on ne savait pas»

13008