Avis n°429
Si on veut limiter l'émission de gaz à effet de serre tout en disposant d'une énergie la moins chère possible
le ,Le sujet de la politique énergétique est un peu complexe, on le mesure en voyant le sondage Ipsos de 2017 selon lequel 44 % des Français pensent que le nucléaire contribue beaucoup à l'effet de serre, alors qu'il n'y contribue pas, à l'égal des énergies renouvelables !
1. Energie et électricité, de quoi parle t-on ?
On veut un développement durable, une croissance soutenable, c'est-à-dire qui ne mette pas en péril la terre qu'on laissera à nos descendants. Dans cet objectif est inclus au premier chef le souci du réchauffement climatique et donc la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce cadre, on recherche la meilleure trajectoire de consommation d'énergie. Si l'on veut préserver la croissance économique et en tenant compte aussi de la croissance démographique, il faut accepter de laisser croître quelque peu la consommation d'énergie.
Notre consommation d'énergie peut se décomposer d'une part en consommation de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), essentiellement pour le transport, l'industrie et le chauffage des bâtiments, et d'autre part en consommation d'électricité, produite en France quasiment sans émission de gaz à effet de serre.
Si l'on veut diminuer les émissions de gaz à effet de serre par le pays, il faut donc prévoir d'augmenter la consommation d'électricité, en substituant autant que faire se peut par de l'électricité les consommations de gaz et de produits pétroliers dans le transport, l'industrie et le chauffage (alors que la règlementation thermique dans l'habitat neuf fait actuellement l'inverse).
Cela doit être la première priorité de la PPE, bien avant que de s'occuper de la composition du bouquet énergétique dans la production d'électricité !
2. La production d'électricité
Les choix antérieurs font que la production d'électricité en France se fait grosso modo pour 80 % à partir de nucléaire et pour 20 % à partir de renouvelables : hydraulique, éolien et solaire. Cette proportion de nucléaire a permis non seulement que la France émette (comparativement) peu de gaz à effet de serre, mais aussi que le prix de l'électricité y a longtemps été nettement plus bas (comparativement) que dans les pays voisins.
Notons à ce stade que la production d'électricité dans l'Union Européenne est facialement régie par les lois du marché. Facialement seulement car des subventions énormes sont autorisées pour la production par l'éolien et le solaire. Ces subventions faussent complétement le marché puisque à certaines périodes où le vent souffle fort, le prix de l'électricité sur les marchés de gros devient nul, voire négatif, rendant les autres modes de production peu pou pas rentables. Or l'électricité n'est guère stockable et ne le sera pas de sitôt en grandes quantités. Donc, dans les autres périodes où il y a peu de vent et de soleil (par exemple certaines nuits d'hiver), la fourniture d'électricité par le réseau nécessite de faire fonctionner d'autres modes de production d'électricité pilotables, essentiellement des centrales à gaz (émettrices de gaz à effet de serre) ou des centrales nucléaires. Renoncer aux centrales nucléaires reviendrait à s'obliger de faire fonctionner des centrales à gaz (d'origine essentiellement russe ou arabe), voire à charbon comme en Allemagne.
En France, on est actuellement dans une situation où on subventionne la création (par des prix garantis) de moyens de production éoliens et solaires (plus de 10 milliards d'euros par an à ce stade, payés par le consommateur et dont une grande partie va dans la poche des fabricants étrangers des éoliennes et des panneaux solaires). Les centrales nucléaires existantes, amorties, permettent toutefois encore de limiter l'augmentation des prix de l'électricité. Soulignons à nouveau que ces centrales sont pilotables, c'est-àdire qu'elles permettent de laisser la place à l'éolien et au solaire quand ceux-ci sont capables de produire.
Si l'on reste dans le système européen actuel, qui n'est qu'un compromis politique loin de l'optimum, plus on subventionnera l'éolien et le solaire pour augmenter leur part en Europe dans le bouquet énergétique, moins les autres moyens de production seront rentables, et plus il faudra donc subventionner aussi les centrales nouvelles, qu'elles soient à gaz et nucléaires ! En tout cas, il faut reconnaître que, du fait de ces prix de marché qui sont très reliés entre eux, les politiques électriques des pays européens voisins doivent être coordonnées.
3. Quelle proportion de nucléaire ?
La proportion de nucléaire futur dans le bouquet électrique est une décision politique à très long terme ; la proportion actuelle de nucléaire résulte de décisions prises il y a près de 50 ans.
Ces décisions ont-elles été mauvaises ? Regardons les 2 inconvénients le plus souvent mis en avant pour s'opposer au nucléaire. Si l'on considère les effets sur la sécurité (risques d'accident nucléaire) et de santé (pollution radioactive) des populations, les centrales des pays occidentaux n'ont pas occasionné de catastrophe (la centrale de Fukushima au Japon n'a malgré les images inquiétantes pas provoqué de mort par la radioactivité, c'est le tsunami qui a provoqué environ 10000 morts), ni même d'effet nocif mesurable. Et si l'on considère le fardeau légué aux générations futures, le volume de tous les déchets produits jusqu'ici par le programme nucléaire français et qui resteront hautement radioactifs pendant des milliers d'années, ce volume tient dans quelques piscines olympiques, et sera donc parfaitement gérable quelle que soit l'option choisie pour leur stockage (la civilisation actuelle produit bien d'autres artefacts bien plus irréversibles que ces déchets). Ces inconvénients ou risques souvent cités sont donc limités, et doivent être mis en balance avec l'abondance énergétique à prix modéré et sans réchauffement climatique que le nucléaire peut nous assurer.
Les centrales nucléaires existantes peuvent encore fonctionner au moins 20 à 30 ans, à 2 conditions : remplacer certaines pièces qui s'usent et contrôler que le vieillissement des autres ne mette pas en cause la sûreté du réacteur et 2) que l'autorité de sûreté française, dans ses exigences, ne fasse pas de surenchère permanente au-delà de ce que les autorités de sûreté des autres pays (notamment USA) demandent, car une telle surenchère pourrait finir par rendre le nucléaire non compétitif économiquement.
Il est possible que certaines centrales nucléaires doivent être fermées à un moment donné parce qu'il ne serait pas possible ou pas économique de garantir leur sûreté au-delà d'une certaine durée de fonctionnement. Mais l'objectif actuel consistant à viser une proportion de 50 % de nucléaire dans le bouquet énergétique (pourquoi pas 45 ou 55 % ?, et pourquoi à horizon de 2025 plutôt que 2035 ou 2045 ? et si le nucléaire est complètement indésirable pourquoi pas 0 % ?), cet objectif de 50 % de nucléaire est une décision purement politique, qui pourrait conduire à fermer prématurément une vingtaine de réacteurs (sur 58).
Cette décision de fermeture prématurée de réacteurs est aussi absurde que de décréter qu'une voiture doit être mise à la ferraille sous le seul prétexte que son compteur kilométrique atteint 120 000 km.
Pour le long terme, il va être nécessaire d'engager la construction de nouveaux réacteurs qui prendront le relais des réacteurs arrivant en fin de vie et fonctionneront jusqu'à la fin du 21 ème siècle. Dans un contexte mondial où le nucléaire conserve sa place (notamment en Asie), cela permettra de maintenir en vie la filière nucléaire française (on n'a pas tant que ça d'industries reconnues mondialement), mais une condition à cette décision est que les règles de marché européennes soient adaptées pour permettre la viabilité financière de ces projets de très long terme.
Conclusion
Si on veut limiter l'émission de gaz à effet de serre tout en disposant d'une énergie la moins chère possible, il faut privilégier l'usage de l'électricité, et produire cette électricité par du nucléaire, avec une part d'énergies renouvelables qu'il faut maintenir limitée tant que les coûts complets de l'éolien et du solaire n'auront pas baissé au niveau de ceux du nucléaire.