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Question n°290

Stockage de l'électricité - Opinion de Monsieur le ministre

Ajouté par Fabien ANONYMISé (LAVAL), le
[Origine : Site internet]
Stockage de l’énergie

Lors de son audition par la Commission d'enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires à l'Assemblée Nationale le 12 avril 2018, Monsieur Nicolas HULOT, Ministre d'État, Ministre de la transition écologique et solidaire, a été interrogé sur la problématique des sources d'énergie électrique intermittentes.

Dans sa réponse, il a notamment exprimé sa confiance dans le développement futur des moyens de stockage et a indiqué qu'il croyait « à l'hydrogène, et d'autres capacités de stockage, la chaleur et bien d'autres choses comme ça » et qu'il y avait « plein d'autres techniques de stockage qui [étaient] en train d'être développées ». (cf. Annexe 1)

Ces déclarations n'ont pas manqué de me surprendre, car d'après les informations que j'ai pu recueillir sur ce sujet dans le cadre de recherches personnelles, aucun des procédés de stockage que j'ai pu recenser, qu'ils soient opérationnels ou en cours de développement, n'est susceptible d'apporter de progrès significatifs par rapport à ce qui existe aujourd'hui. (cf. Annexe 2)

Question : L'opinion exprimée par Monsieur le Ministre est-elle basée sur :

1) un examen chiffré des solutions de stockage et de leurs performances en termes de capacité, de rendement et de coûts, et dans ce cas, serait-il possible d'avoir communication de ces données ?

2) une simple intuition personnelle ?

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Annexe 1 : Retranscription de l'intervention de Monsieur le Ministre de la transition écologique et solidaire devant la Commission d'enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.
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« Oui alors sur l'intermittence, moi je suis convaincu, et on n'est pas les seuls, et bien d'autres pays, qu'entre la diversité des sources d'énergie renouvelables, combinées notamment avec la biomasse, le gaz naturel, les réseaux intelligents, notamment ce qu'on appelle les smart grids etc, sans préfigurer, non pas des sauts technologiques parce qu'ils sont déjà là, mais ils ne sont pas encore à l'échelle industrielle, mais je crois beaucoup notamment à l'hydrogène, et d'autres capacités de stockage, la chaleur et bien d'autres choses comme ça, l'intermittence dans le temps de l'évolution et de la mise en place ne sera plus un problème.
Je ne parle même pas des batteries dans lesquelles les technologies évoluent excessivement rapidement.
D'ailleurs je fais le vœu, au passage, que l'Europe, et notamment la France et j'espère en association avec l'Allemagne, on ait un projet dimensionné pour que nous ne soyons pas dépendants, pas simplement pour la mobilité, mais également pour le stockage des batteries.
Donc je crois que le sujet de l'intermittence, pour moi, n'est en aucun cas un frein.
Alors l'hydraulique y participe, mais il y a plein d'autres techniques de stockage qui sont en train d'être développées. »

La vidéo de l'audition peut être visionnée ici : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5866392_5acf481037f66.surete-...

Le passage cité commence à t = 1H46:10

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Annexe 2 : Revues de quelques moyens de stockage de l'électricité
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- Stockage par Station de Transfert d'Énergie par Pompage (STEP)
Ce système est parfaitement opérationnel et déployé depuis plusieurs décennies.
En France, la STEP de Grand'Maison, peut stocker environ 275 000 MW.h. (Il s'agit là de la limite de capacité fixée par le volume utile du réservoir amont)
Cela représente environ 6 heures de consommation nationale.
Son rendement est de 78 %.

- Stockage par batteries :
La plus grosse installation au monde de stockage par batteries, la Hornsdale power reserve en Australie a une capacité de 129 MW.h .
Cette quantité d'énergie correspond à 9,5 secondes de consommation française, et à 1/2000ᵉ de la capacité de la STEP de Grand'Maison.
Le rendement est probablement d'environ 80 % (technologie lithium-ion).

- Stockage par l'hydrogène :
La plate-forme Myrte, en Corse, réalise cette opération avec un rendement qui se situe entre 25 % et 30 %. (https://youtu.be/Il0hPgxsm_Q?t=1h21m12s)
Ainsi, pour chaque mégawatt-heure déstockable il faut en avoir produit 3 ou 4.

- Stockage par méthane :
Aucun démonstrateur n'existe aujourd'hui. Le méthane serait produit par réaction de SABATIER entre de l'hydrogène fabriqué par électrolyse et du dioxyde de carbone :
CO₂ + 4H₂ → CH₄ + 2H₂O
Le méthane stocké dans le réseau de gaz naturel serait utilisé dans des centrales à gaz CCG.
Compte tenu de l'existence d'une étape de transformation supplémentaire par rapport à la solution précédente, les rendements seraient sans doute encore moins bons.

- Stockage par système StEnSea (Storing Energy at Sea) :
Ce système, étudié par le Fraunhofer-Institut für Energiewirtschaft und Energiesystemtechnik, fonctionnerait selon le même principe que les STEP.
Le réservoir amont serait constitué par la mer, et le réservoir aval par des sphères creuses en béton de 28 m de diamètre intérieur, immergées à 700 m de profondeur, résistant à la pression hydrostatique, et munies de turbines-pompes.
Chaque sphère aurait une capacité de stockage de 20 MW.h . Leur volume utile (creux) serait de :
Vᵤ = 4/3⨯π⨯14³ = 11500 m³
Les parois de ces sphères ayant une épaisseur de 2,7 m, la fabrication de chacune d'entre elle nécessiterait donc un volume de matière (béton) de :
Vₘ = 4/3⨯π⨯16,7³ - 11500 = 8000 m³ (70 % de Vᵤ , sans compter le socle)
On voit donc que le volume de béton nécessaire est à peu près le même que le volume utile du réservoir. Ainsi, Pour réaliser l'équivalent d'une STEP d'une hauteur de chute de 1000 m, il faudrait donc mettre en œuvre un volume de béton équivalent, en première approximation, à celui qui permettrait de remplir entièrement la vallée.
Les rendements de ces systèmes seraient sans doute identiques ou légèrement inférieurs à ceux des STEP (≃78 %).

- Volants d'inertie.
Cette solution, parfois évoquée, correspond à des quantités d'énergie stockée tout à fait insignifiantes, de l'ordre de 10 kW.h par unité.
Par contre les rendements sont excellents, ils peuvent dépasser les 99 %.
Ces dispositifs peuvent sans doute aider à la stabilisation de la fréquence en ajoutant de l'inertie au réseau, mais certainement pas palier aux fluctuations de production des EnR intermittentes.

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Merci tout d’abord pour vos appréciations sur différentes technologies de stockage.

 Le stockage d’électricité est en train de devenir une réalité technologique et apporte une réponse à l’ensemble des enjeux liés à la variabilité de la production et de la consommation. Il est un moyen de flexibilité, au même titre que les effacements ou le déploiement de réseaux intelligents et permet d’accroître la part des énergies renouvelables dans le système électrique.

 Les services rendus par le stockage pour le système électrique sont de natures différentes et concernent notamment l’optimisation de la production (ex : déplacement de la production, arbitrage marché, etc.), le transport et la distribution d’électricité (participation aux services systèmes, arbitrage avec la construction de nouvelles lignes, etc.), la gestion de la consommation (diminution de la pointe de consommation, continuité de la fourniture, autoconsommation, etc.).

 Comme vous le soulignez, le stockage de l’électricité peut être réalisé sous différentes formes : il existe à ce jour un grand nombre de technologies de stockage d'énergie en cours de développement, chacune avec des coûts, des degrés de maturité et des caractéristiques techniques de puissance, énergie, temps de réponse, durées d’intervalles entre charge et décharge, densité énergétique différents visant des services différents. Les technologies offrent ainsi une certaine complémentarité les unes aux autres.

 En règle générale, ces technologies sont  classées selon 3 catégories principales :

-          Le stockage « mécanique » comprenant les installations utilisant l’énergie mécanique potentielle (les STEP, les barrages hydro-électriques, le stockage d’énergie par air comprimé), qui sont plutôt des technologies de stockage centralisée et qui sont capables de restituer l’électricité sur des périodes allant de la journée à la semaine, et les installations utilisant l’énergie mécanique cinétique telles que les volants d’inertie, qui sont plutôt des moyens de stockage de très court terme fournissant de la puissance.

-          Le stockage « électrochimique » : les piles, les batteries, les condensateurs, l’hydrogène, ce dernier constituant un vecteur de conversion de l’énergie, en particulier entre réseaux d’électricité et de gaz (« power-to-gas ») :

  • Les piles, batteries, condensateurs sont des technologies de stockage décentralisées ou diffuses plutôt adaptées à un stockage de très court terme (quelques secondes/minutes) ou de court terme (de l’ordre de la journée) ;
  • L’hydrogène produit par électrolyse est quant à lui plutôt considéré comme un moyen de stockage inter-saisonnier via le power-to-gas, même si les nouveaux électrolyseurs seront également capables de fonctionner rapidement sur demande ;
  • Le stockage « thermique », par chaleur latente ou sensible (ex : ballons d’eau chaude), pour du stockage de l’ordre de la journée ou de plusieurs jours.

 A l’heure actuelle, aucune technologie de stockage d'électricité ne rend exactement les mêmes services et ne couvre l’ensemble de ces services simultanément. La pertinence économique d’un moyen de stockage augmente avec le nombre de services qu’il peut rendre ce qui le rend de fait plus difficilement substituable par d’autres dispositifs.

 La Programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit d’accompagner le développement des systèmes de stockage. En plus du développement du potentiel restant de STEP, la prochaine PPE pourrait inclure des éléments sur le stockage sous forme de batterie ou sur l’hydrogène afin d’accompagner le développement de ces filières.