Question n°569
Sûreté du système électrique
le ,Dans les scénarios et les questionnements concernant la transition énergétique, on parle presqu'exclusivement, pour le domaine de la fourniture d'électricité, de la satisfaction de l'équilibre entre la consommation (clients) et la production (fournisseurs d'électricité). Les différents scénarios raisonnent sur des prévisions de grands équilibres, à différentes échelles géographiques intra-européennes (niveau national essentiellement), et à des horizons de temps qui vont du pluriannuel à l'infrajournalier. Dans les études les plus détaillées cependant, cet horizon infra-journalier descend rarement sous le pas horaire.
Cet équilibre, quand il est démontré par ces études, n'est pourtant qu'un équilibre STATIQUE.
Or, les lois basiques de fonctionnement d'un réseau électrique comportent aussi une notion fondamentale, l'analyse du comportement DYNAMIQUE de ce réseau à la suite d'un déséquilibre rapide (parfois de l'ordre de quelques millisecondes, jusqu'à quelques secondes), provoqué par exemple par des court-circuits entre lignes de transport, par des coups de foudre, par des surcharges non-éliminées par les protections, par des fausses manoeuvres de gestion de ces réseaux, par des avaries de matériels importants (transformateurs de puissance, gros matériels de production...), etc.
La nécessité de cet équilibre DYNAMIQUE, tout aussi important (voire plus, car son absence peut conduire rapidement à des BLACK-OUT régionaux, nationaux, voire à l'échelle de plusieurs pays), n'est pas pris en compte me semble-t-il à sa juste mesure dans les réflexions en cours. Il existe certes un certain nombre de réponses technologiques et/ou réglementaires plus ou moins complexes et coûteuses pour garantir la sûreté du système électrique face à ces situations incidentelles somme toute fréquentes : par ordre de rapidité de réponse, on trouve la fourniture de « services-systèmes », l'existence d'un mécanisme d'ajustement fondé sur l'existence de réserves (plus ou moins) rapides, la mise en oeuvre de dispositifs contractuels d'effacements.
Il existe aussi un dispositif qui ne coûte rien (car inhérent à l'existence des grandes machines tournantes elles-mêmes) et est garanti en toute circonstance et à tout moment (car basé sur les lois de la physique des masses tournantes), l'INERTIE. Il est consubstanciel au réglage primaire de la fréquence, mais n'existe que grâce aux machines tournantes lourdes (tant les machines de production que les machines clientes).
Comme le rappelle plus généralement l'Observatoire de l'Industrie Electrique en avril 2017, « (...) les technologies classiques de production d'électricité à l'aide d'alternateur comme ceux utilisés dans les centrales thermiques (nucléaire ou à combustible fossile), ou des EnR comme l'hydroélectricité constituent des masses tournantes, quelquefois de plusieurs dizaines de tonnes, qui sont autant de résistance au ralentissement ou à l'accélération de leur rotation. L'inertie physique de ces moyens de production est importante pour le maintien de la fréquence du réseau au quotidien. Tous les moyens de production ne sont pas égaux en matière d'inertie. Les moyens qui génèrent de l'électricité à l'aide de masses tournantes ont un effet stabilisateur important pour le réseau. Ces moyens de production sont actuellement très majoritaires dans le système électrique européen, offrant une abondance d'inertie. Un changement important de technologies de production pourrait entrainer une baisse de la stabilité de la fréquence de l'onde électrique, qu'il faudrait prendre en compte en introduisant des dispositifs complémentaires : techniques, réglementaires ou commerciaux. ».
On peut analyser aussi avec intérêt le rapport de l'UCTE relatif au dernier grand black-out européen du 4 novembre 2006, d'origine allemande, qui met en évidence le rôle primordial des parcs thermique, nucléaire et hydraulique français et espagnol dans la reprise rapide de la situation, alors que 60% de la production éolienne allemande s'etait déconnectée automatiquement du réseau. (https://www.entsoe.eu/fileadmin/user_upload/_library/publications/ce/oth...)
Dans ce cadre, un scénario « 100% renouvelable » comme proposé par l'ADEME laisse reposer cette participation à la stabilité du réseau sur des moyens dont la mise en oeuvre n'est pas garantie à tout moment : la participation des grandes machines tournantes hydrauliques est minime l'été, celle des éoliennes est limitée par les conditions météorologiques et par des contraintes de conceptions ne leur autorisant pas d'excursion de fréquence notable (par ailleurs elles sont essentiellement raccordées au réseau moyenne tension et pas au réseau THT), celle du photovoltaîque est nulle.
Ma question est la suivante :
La participation à la sûreté du système électrique par les grandes machines tournantes, par le simple fait de leur inertie, a-t-elle une limite inférieure au delà de laquelle cette sûreté serait dégradée par rapport aux objectifs actuels ? Quel serait alors le rapport risque / coût pour la société d'un black-out futur, par rapport à ce qui est aujourd'hui admis ?
Comment cette limite pourrait-elle être traduite dans la P.P.E ou dans les dispositifs réglementaires en découlant, et comment sa mise en oeuvre pourrait-elle être mesurée ?
Quel coût représentera pour la société, les fournisseurs d'électricité et leurs clients, la dégradation de la fourniture de ce « service système » gratuit et son remplacement par des matériels ou des installations complémentaires, en fonction de l'évolution de la proportion relative des grands types de moyens de production que proposera la P.P.E ?