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Point de vue n°133

Transition énergétique, responsabilité économique et croissance

Gilles ANONYMISé (Paris)

Pour replacer la PPE dans le contexte macroéconomique, et mobiliser le secteur de l'énergie comme levier de croissance économique pour financer la relance des investissements. Relance sur laquelle repose la transition, dont l'objectif devrait être recentré non pas sur la réduction des consommations mais sur la réduction des émissions carbonées, ce qui impose une relance des consommations de l’électricité. Cette relance passe par un financement de la transition électrique via la taxe carbone et non pas via la taxation sur électricité et aussi par un prix de l'électricité aligné sur le coût. Ce basculement de la facture globale entre les prix fixes de l’abonnement trois fois trop faibles et les prix variables actuels de la consommation électrique trois fois trop élevés est indispensable pour construire un système dans lequel les problèmes actuellement diffciles posés par Linky, les productions intermittentes, les batteries, les smart grid et smart homes trouveront des solutions simples.

Commentaires

Je suis un ancien producteur électricien et ne suis pas spécialiste de la question de la dépense publique.
Cependant, la France s'est engagée à réduire de 75 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à une référence de 1990.
Elle consomme 166 Mtep d'énergie finale, dont 110 Mtep de combustibles fossiles responsables de nos émissions, 38 Mtep d'électricité décarbonée et 18 Mtep d'énergie renouvelable thermique qui recycle son CO2.
Nous avons connu un problème de transition énergétique en 1973-1974 avec la crise pétrolière et la création du cartel appelé OPEP.
La décision prise par le Président Pompidou et Pierre Messmer a été de remplacer l'utilisation du pétrole dans la production électrique par du nucléaire et de favoriser les usages de l'électricité. La France qui dépendait à 90 % du pétrole en 1973, n'en dépendait plus qu'à 50 % en 1990. Voilà une transition énergétique claire avec un objectif précis et des acteurs pleinement mobilisés.
Aujourd'hui notre objectif est clair car il concerne les émissions de CO2. Pour parvenir à l'objectif fixé il faut diviser par 2 et peut-être plus notre consommation de combustible fossile. Nous avons déjà un atout formidable, notre électricité est décarbonée et nos tranches nucléaires peuvent être exploitées jusqu'à 60 ans. Donc ce ne devrait pas être l'objet de ce débat. Ce débat ne devrait concerner que la rénovation énergétique du bâti ancien, 7 millions de logements sur un parc de 24 millions et le passage à la mobilité électrique.
Or la LTECV est une loi idiote et le débat sur la PPE se fait dans le cadre d'une loi inapplicable et qui ne nous permettra pas d'atteindre l'objectif fixé en matière de GES malgré des dépenses considérables. Le soutien aux ENR électrique représente un engagement de dépenses de 130 Mds d'€ d'après le rapport de la Cour des Comptes. Et cette dépense pèse sur la balance des paiements car tout est importé.
Nous avons un autre gisement inexploité qui créerait beaucoup d'emplois dans des territoires en déshérence. Celui des ENR thermiques utilisées sous forme chaleur, bois énergie, biogaz, pompe à chaleur, solaire thermique et ce développement coûte peu comme le signale la Cour des Comptes. Ce gisement représente 25 Mtep réalisables assez rapidement. Bien entendu, la mobilité électrique augmentera la consommation d'électricité: 3,5 TWh par millions de véhicules individuels. Il suffit d'avoir de l'électricité décarbonée comme aujourd'hui. L'électronucléaire a rempli sa mission au-delà des espérances et les antinucléaires qui pullulent dans les sphères gouvernementales ne pensent qu'à l'arrêter en suivant l'anti-modèle allemand au lieu de réfléchir au modèle Suédois.
Mais la question aujourd'hui est qu'aucun énergéticien n'investira dans un outil de production nucléaire ou thermique s'il n'a pas la garantie de retour sur investissements. Les Anglais l'ont bien compris avec Hinkley Point.
Ce faisant, les outils de production de masse de l'UE se réduisent et nous conduisent inéluctablement à la pénurie, voire au black-out.
La Directive sur l'ouverture à la concurrence du marché électrique jointe à la politique des éoliennes et du photovoltaïque sont des armes de destruction massive du secteur de l'électricité qu'il a fallu 70 ans pour construire.

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De ce tour d’horizon très documenté, qui complète notamment le cahier d’acteur n°5 de l’ARCEA, je retiens les points suivants, en y ajoutant des remarques [entre crochets] :

Puisque notre électricité est décarbonée, c’est cette forme d’énergie qu’il faut privilégier pour remplacer les énergies fossiles carbonées.

Il faut promouvoir la demande d’électricité par une tarification adaptée (abonnements pour couvrir les coûts fixes, et limiter l'effet de « passager clandestin » des autoproducteurs) et tenir compte des productions intermittentes (plages horaires à prix variables, avec report Linky [directement en euros dans le domicile]).

Les taxes sur l’électricité doivent être supprimées et compensées par des taxes carbone, notamment sur les transports par camions, [ainsi que navires et avions], en suivant l’exemple de la Suède.

La loi de transition énergétique [ est un fourre-tout, ce qui fait qu’elle ] n’a pas d’instrument de pilotage, mais des centaines d’indicateurs sectoriels. [ Or il est important de mobiliser la société vis-à-vis des efforts à fournir (investissements pour décarboner les transports et le chauffage) en mettant en évidence les progrès réalisés grâce à cet effort collectif. ]

[ L’indicateur « coût de la tonne de CO2 évitée » devrait guider les choix de priorités. Un rapport sur la baisse des émissions de CO2 pour l’investissement réalisé devrait être publié annuellement, pour rendre compte aux citoyens-contribuables des progrès réalisés dans la décarbonation de notre pays et des autres pays de l’Union européenne. ]

Je ne comprends pas bien.Vous dites:

"Depuis l’euro, ce pays ( l'Allemagne) a complétement transformé sa politique fiscale et tarifaire de l’énergie pour en faire un instrument de compétitivité, en réalisant une sorte de dévaluation fiscale énergétique sur le
pétrole d’abord et maintenant de plus en plus sur l’électricité de haute tension. Pendant ce temps,
en France, l’immobilisme fiscal énergétique a prévalu, comme si l’économie fonctionnait encore
majoritairement en circuit fermé. Les conséquences de ce retard d’adaptation fiscale en sont visibles
dans la délocalisation de l’activité industrielle. Montée en Allemagne, descente en France, comme
des vases communicants. Dans ce processus, la fiscalité énergétique n’est pas seule en cause mais a
contribué à la désindustrialisation."

Pour 'électricité, ce que vous dites est vrai en partie pour l'industrie; mais pour les particuliers, la taxation due à l'Energiewende est énorme, doublant le prix de l'électricité.La pauvreté énergétique bondit en Allemagne.

75013

Vous dites que l'Allemagne s'est assurée un avantage fiscal sur l'énergie pour son industrie. On voit en effet par exemple que les très gros consommateurs sont exemptés de la taxe ENR. Cela fait que malgré la production très polluante de leur électricité, ils produisent plus d'aluminium que la France. Les ménages y payent le très lourd tribut de l'"energiewende": 70€/MWh. En France, la CSPE, aux 2/3 consacrée à l'ENR, est limitée à 22.5€/MWh, on a maintenant d'autres sources à cet impôt mal déguisé. Malheureusement on peut craindre que cette "taxe carbone" soit mal utilisée à subventionner les ENR qui ne vont pas faire baisser nos émissions de CO2.

Cette taxe ENR en Allemagne rapporte ~27G€/an, en France, les ENR coûtent autour de 7G€ en 2017. Au fond, on pourrait dire que là l'industrie allemande se fait subventionner par les taxes ENR des consommateurs, et aussi par celles de leurs voisins qui leur achètent les éoliennes et autres matériels qu'ils fabriquent.

On peut donc dire que les Allemands ont eu une politique particulièrement intelligente pour développer leur industrie. Je vois néanmoins un problème: bien sûr, taxer son industrie comme la France l'a fait, alors que notre voisin au contraire faisait tout pour en favoriser le développement, a été suicidaire pour notre avenir industriel. Mais, pour s'assurer une ressource, il aurait fallu augmenter les prix pour les particuliers. Je me rappelle que Gardonneix avait fait l'inverse. Il me semble que cela a été compris par Macron, ce qui lui vaut d'être appelé "président des (très?) riches".

Mais je pense qu'il y a un autre problème: la France a pu dans le passé investir (difficilement dixit Boiteux..) pour un avenir lointain, mais le peut-on encore aujourd'hui, alors que l'injonction est de refuser l'intervention de l'état: l'exemple de l'EPR, où on doit rembourser en 20 ans des réacteurs qui fonctionneront 60-100ans est à mon avis emblématique. C'est cela qui explique que le gouvernement UK a accepté de donner des garanties de prix à EDF pour la construction de l'EPR de Hinkley Point.

Aujourd'hui, EDF, malgré ses hésitations, essaie d'avancer le problème du remplacement des réacteurs existants, et le plus rationnel serait de commencer tôt pour répartir la dépense.

Donc je ne comprends pas bien vos critiques de EDF (il y a des critiques à faire, mais ils ont aussi schéma imposé), car il me semble qu'on devrait avant tout convaincre notre pays de consacrer les 7G€ de subventions annuelles aux ENR à lancer la construction de nouveaux réacteurs.

Et ce serait-faute de mieux?- des EPR de série.

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