Question n°242
Valorisation de la biomasse forestière
le ,Les études de disponibilités en biomasse forestière montrent que la ressource latente principale est le bois d'œuvre feuillu, et que la valorisation de celui-ci permet, de manière fatale, de collecter, en sus, du bois énergie, que ce soit par le "bois lié" correspondant aux houppiers, notamment, ou aux produits connexes de la transformation de ces bois feuillus. Pourquoi les politiques publiques sont-elles aussi frileuses dans le soutien à nos bois indigènes ? Que ce soit pour :
- les travaux de recherche (avec des budgets qui se focalisent sur le bois énergie),
- les financements d'études de la ressource (de même, consacrés à la modeste part du bois énergie libre, alors qu'il faudrait d'abord s'intéresser aux troncs, et pas seulement aux perches et aux taillis),
- les aides à l'investissement,
- et surtout l'incitation à l'émergence de nouveaux acteurs, puisqu'en l'état, les opérateurs industriels présents ne peuvent pas assumer l'expansion possible ?
Notamment, comment porter, au niveau national, une politique pour l'emploi des feuillus dans le bâtiment à l'image de ce que fait le département des Vosges ? Pourquoi notre pays exporte-t-il des grumes de bois feuillus, alors que notre voisin allemand les importe ?
Nous vous remercions pour votre contribution qui viendra enrichir notre réflexion sur la programmation pluriannuelle de l’énergie 2018.
L’objectif du Plan Climat d’atteindre la neutralité carbone dès 2050 nécessite d’accélérer très fortement le recours aux usages non-alimentaires de la biomasse (bois-construction, chimie verte, biomatériaux, bioénérgies, etc.). Dans ce contexte, la mise en place de stratégies (à l’échelle nationale et à l’échelle régionale) de mobilisation de la biomasse prend tout son sens.
La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) a vocation à développer les externalités positives (les bénéfices économiques, environnementaux et sociaux) liées à la mobilisation, et de facto, à l’utilisation accrue de la biomasse, notamment pour l’atténuation du changement climatique. Pour le volet forestier, elle s’appuie sur le Programme National de la Forêt et du Bois, et sur les études récentes en matière de disponibilité de la biomasse forestière. Ces études précisent la répartition de la ressource mobilisable selon différents scenarii de sylviculture ; dans le cas du scénario support au PNFB, la biomasse forestière supplémentaire serait constituée essentiellement de feuillus, et se situerait aux trois quarts en forêt privée. Les recommandations stratégiques des documents relatifs à la filière forêt-bois intègrent bien ces enjeux, afin de définir un cadre incitatif à la mobilisation en forêt privée, et de permettre le développement d’une filière feuillus.
Par ailleurs, les synergies et le principe d’usages en cascade de la biomasse constitue un volet essentiel de la SNMB ; le principe de l’articulation des usages constitue un fil conducteur et un objectif vers lequel tendre. [Cependant la stratégie n’ignore pas le temps nécessaire à la relance des filières de valorisation matériau, et à court terme la demande en biomasse forestière serait principalement tirée par les besoins en bioénergie.]
Le soutien à la compétitivité du secteur forêt-bois est bien au coeur de documents stratégiques tels que le plan de recherche innovation (PRI) 2025 ou le contrat de filière du Comité Stratégique de la Filière Bois. Ainsi, le PRI formule 13 propositions pour le développement de la recherche, développement et innovation dans le secteur forêt-bois ; les actions proposées concernent aussi bien le développement des usages matériaux du bois, que l’adaptation de la forêt aux effets du changement climatique, ou encore la définition de financements innovants pour la filière forêt-bois.
Un rapport conjoint CGAAER-CGEDD n°011923-01 « Mise en œuvre du PRI 2025 » a été publié en février 2018 et fait des recommandations qui seront présentées au comité stratégique de filière du Conseil national de l'industrie (CNI) dès qu’il se sera réuni, à l’issue du processus de réforme en cours, soit au deuxième semestre 2018.
Les enjeux identifiés en 2013 sur la filière bois par le CNI nécessitent le redressement de la compétitivité de la filière, de l’amont à l’aval, afin de faire mieux coïncider l’offre nationale avec la demande des marchés. Malgré l’existence de plusieurs labels locaux, l’origine France, à ce stade, ne peut répondre à tous les besoins des marchés, c’est donc une forte amélioration des filières et technologies de transformation qui est souhaitable, notamment sur la ressource feuillue, très peu demandée pour les usages structurels, faute de solutions technologiquement et économiquement viables.
Dans le cadre du premier contrat stratégique de filière bois (2014-2017), le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la Cohésion des territoires ont soutenu une étude prospective sur la construction bois à horizon 2030, qui sera remise cet été ; elle précisera les caractéristiques de l’offre française à faire évoluer et cherchera à donner de la visibilité sur les marchés potentiels aux investisseurs. Les ministères portent également le Plan Bois 3 (initié en 2017) qui a pour objectif de lever les freins culturels pour mieux accompagner la maîtrise d’ouvrage, sensibiliser les bureaux de contrôle et assureurs, et améliorer la performance environnementale du bois en construction. Les Plans Bois précédents furent orientés sur l’identification des freins réglementaires et techniques, et leur levée. Il s’agit notamment des freins vis-à-vis du risque incendie et les extensions en bois. A noter qu’un travail de fond fut entrepris dans le cadre de ces plans pour structurer et faire connaître l’offre bois pour la rénovation énergétique qui constitue à ce jour une priorité du gouvernement (objectif de massification des travaux de rénovation dans le cadre du Plan de rénovation énergétique des bâtiments).
Dans le cadre du projet de Loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN), le Ministère de la Cohésion des territoires s’attache à lever les freins au développement de la préfabrication qui répond à plusieurs des priorités de la stratégie du gouvernement (choc de l’offre, réduction des nuisances de chantier, économie circulaire, digitalisation du secteur, …) et qui est la solution technique la plus répandue dans le secteur de la construction bois.
Sur la ressource feuillue, un appel à manifestation d'intérêt Feuillus en 2016 a permis de distinguer 5 projets innovants de valorisation qui sont en cours de développement.
L’Ademe, à travers ses appels à projet des programmes Investissements d'Avenir (PIA) 2 et 3, soutient également l’innovation pour les usages constructifs et énergétiques du bois (notamment « méthode industrielle », « bâtiments et îlots à haute performance environnementale...). Un appel à projets « filières » est actuellement en cours, porté par BPIFrance.
Enfin un Plan sur les Bâtiments Bois en Hauteur de 8,3 M€ a été financé par BPIFrance dans le cadre du PIA2 : il a permis une meilleure visibilité de la construction bois et de ses atouts, une complémentarité des usages (résineux en structure, feuillus en aménagement intérieur) et les premiers permis de construire sont attendus d’ici fin 2018, avec un effet d’entraînement attendu sur le coeur du marché immobilier (4 à 6 étages).
Le deuxième contrat stratégique de la filière bois, en préparation pour 2018/2020, prévoit une politique plus soutenue de la demande, pour accompagner les besoins croissants en bois matériau et énergie que nécessite la transition bas carbone (SNBC et PPE), et rechercher prioritairement la valorisation en construction, porteuse de valeur ajoutée et d’emploi. Il contiendra notamment des projets stratégiques permettant à cette industrie de mieux connaître les marchés du futur en matériau, chimie, énergie, et de rendre plus visibles les atouts du matériau bois en construction, ainsi qu'une réflexion conjointe Etat/filière pour l’amélioration des méthodologies d’analyses de cycles de vie applicables aux produits et solutions constructives bois.
Le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la Cohésion des territoires s’engagent aux côtés de la filière dans l’amélioration de la performance environnementale des produits bois, en soutenant le Plan déchets (recyclage et usages énergétiques des déchets de bois), et en améliorant les méthodologies d’analyses de cycles de vie du matériau de construction et du bâtiment, étape incontournable pour développer le bois en construction. Le travail sur les analyses de cycles de vie s’inscrit en particulier dans la perspective de mieux valoriser les bénéfices du stockage carbone apportés par les produits bois.
Les ministères assurent, via la déléguée interministérielle aux filières bois et biosourcées, une information réciproque entre le niveau national et les régions, ciblée sur les usages en construction, qui a permis d’identifier, notamment en Bourgogne-Franche-Comté, des voies de progrès sur la valorisation de la ressource feuillue en construction, qui nécessite en effet des approches technologiques et économiques innovantes, et la structuration d’acteurs industriels, pour permettre une valorisation technologiquement et économiquement viable, déjà engagée chez nos voisins européens, en sciage comme en déroulage. L’échelon régional est considéré comme le bon niveau de promotion de la filière-bois et d’agrégation des dispositifs de soutien à l’innovation. Cette vision est d’ailleurs actuellement illustrée au travers de l’alliance bois construction rénovation qui marque un engagement volontaire des collectivités à l’utilisation de bois dans la construction et qui est déjà signée par plusieurs régions (Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine, …), d’autres signatures se profilant dès cette année.
Le label bâtiment biosourcé est actuellement en cours d’évaluation en vue de son évolution, le but ultime étant de trouver la clé pour inciter des maîtres d’ouvrages à l’utilisation de matériaux plus vertueux à base de ressources végétales renouvelables et de favoriser le stockage du carbone.