Avis n°73
Compte rendu de l'atelier Stratégies de développement local
le ,Bonjour à tous,
Voici ci-dessous le compte rendu de l'atelier "Stratégies de développement local" qui s'est tenu le 19 mai à Plasne. N'hésitez pas à réagir à ce compte rendu et à poursuivre le débat sur ce thème via le système de commentaires en bas de page.
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La Commission particulière
Atelier « Stratégies de développement local »
Plasne le 19 mai 2015
Compte rendu
Succédant au mot de bienvenue du maire de Plasne, Claude Brévan, Présidente de la CPDP, précise en propos introductif la structuration prévue de l’atelier en trois points :
- Comment stimuler le développement économique du territoire ?
- Quel accueil et quel soutien à l’implantation d’entreprises ?
- Quelles activités ? Quelles entreprises ?
La présidente pose le sujet en rappelant que ce projet de CP serait vécu par certains « comme un ovni », un projet hors sol dans une région à forte tradition (notamment une tradition reconnue de création d’entreprises et de fonctionnement coopératif), qui ferait courir un risque d’asséchement des capacités de développement d’autres projets. Elle se fait l’écho d’une partie des préoccupations des parties prenantes du débat, à savoir la création et le renforcement des activités économiques. Mais quelles activités ? Avec quels acteurs ? A l’appui de quelles aides ?
Quatre intervenants seront invités à prendre la parole pour exposer leur position sur ces sujets.
A- Comment stimuler le développement économique du territoire ?
Premier d’entre eux le représentant de FNE-FC porte à la connaissance du public la stratégie régionale telle que définie par le Conseil régional de Franche-Comté et le CESER. Celle-ci fixe 4 priorités transversales, dans l’objectif d’un développement touristique raisonné, adapté au territoire :
- Prise en compte du développement durable dans toutes ses dimensions
- Qualité de l’offre et des services
- Recours aux technologies de l’information et de la communication
- Accessibilité de l’offre (toutes formes d’accessibilité)
Il estime que P&V cherche à développer des projets identiques partout en France et en UE, que ce projet de CP est donc porté par un promoteur immobilier / gestionnaire d’une offre touristique standardisée. La Franche-Comté serait considérée seulement sous l’angle d’un site inscrit dans une zone de chalandise avec une clientèle potentielle, et donc susceptible d’offrir un attrait commercial au bénéfice exclusif de P&V. Mais quelle plus-value collective apportée par le choix du site, s’interroge-t-il ? Figurer dans un catalogue d’offre touristique à échelle de l’UE ne le satisfait pas. D’autre part, il considère qu’au sein de la même zone de chalandise, P&V cherche à développer 3 sites (Poligny, Le Rousset, Roybon), avec un effet concurrence évident, quoique contesté par P&V. Enfin, il rappelle l’engagement de P&V de respecter l’environnement ; pour P. Blain, le préalable est donc un abandon du projet de Roybon, qui contrevient manifestement à ce respect puisque le site s’inscrit en grande partie dans une zone humide d’intérêt communautaire. (Le rédacteur note cependant que ce dernier propos n’a pas grand-chose à voir avec l’objet de l’atelier…)
Une première intervention de la salle reprend l’argument selon lequel le CP de Poligny poserait clairement un problème de concurrence entre les différents CP évoqués. « Ce n’est pas parce que plusieurs communes créent des ZAC qu’on a des emplois partout ».
Une voix rappelle que la Franche-Comté dispose de plusieurs sites portés au classement Unesco qui selon elle, ne sont pas suffisamment valorisés. Pour développer l’activité économique, « il faudrait commencer par ça ! », estime-t-elle.
Le maire de Poligny prend alors la parole, soulignant la chance pour lui que ce projet de CP se présente sur sa commune « et ses 240 chômeurs inscrits à Pole-Emploi ». « Il y a aussi des gens qui militent pour l’installation d’entreprises, affirme-t-il ; Il ne faudrait pas opposer les projets entre eux, mais plutôt mettre à l’étude les perspectives de développement économique apporté par le CP ».
En écho, la rumeur de la salle souligne qu’en effet, il serait plus que temps…
Un habitant s’interroge: « va-t-on parler de projets alternatifs, complémentaires ou cumulatifs avec le CP ? Je veux qu’on nous dise si le projet de CP est contradictoire ou non car, vu les investissements à consentir par la puissance publique, les moyens manqueront mécaniquement ailleurs, pour soutenir des projets d’une autre nature ».
La représentante du Conseil départemental-39 prend alors la parole, rappelant que le projet de CP a certes été adopté à l’unanimité moins une voix sous la précédente majorité, mais que l’institution a pour vocation d’accompagner les collectivités dans leurs projets. Elle signale toutefois que le Conseil départemental, depuis les dernières élections, n’a pas pris position sur le projet porté par P&V (il devrait le faire en juin, NdR).
Alors qu’une participante regrette cette « absence d’avis », se disant « atterrée par cette réponse, et n’osant pas imaginer que les collectivités n’aient pas réfléchi », le représentant de FNE-FC rétorque que « le montant alloué par le CD-39 pour accompagner les petits projets est d’1 M€/an, à comparer aux 10 M€ prévus par le CD au profit du Center Park ».
Mais un participant exprime un autre point de vue : « L’économie et les flux financiers transitent dans les territoires à 58% (du PIB) par les transferts sociaux ; ce qui veut dire que les collectivités sont des acteurs économiques importants, que ce CP est un investissement de même nature qu’un autre (tourisme, nuitées, etc) ». Il lui parait donc « normal que ces collectivités cherchent à créer de l’activité » en investissant aux côtés d’entreprises du secteur privé. En symétrie, précise-t-il, « je crois qu’il faut accepter qu’une entreprise qui cherche à investir demande aux collectivités qu’elles s’engagent ».
Prend alors la parole un ancien président de l’AJENA, estimant qu’avec 150 ou 200 emplois créés par le CP pour 150 M€ investis, ce projet « aurait un effet négatif car il créerait beaucoup moins d’emplois au million d’€ investi que dans la transition énergétique ». (NdR : ce travail fait indirectement référence à plusieurs études (CNRS, ADEME) de potentiel de création d’emploi selon les secteurs économiques diversement intensifs en énergie).
Un représentant de la fédération du BTP 39, adhérent à la CGPME, rappelle que « la réalité concrète, c’est 20 % d’emplois perdus dans le secteur du BTP depuis 2008 en Franche-Comté. Si on n’investit pas au travers de ce type d’équipements (le CP de P&V NdR), ce sont nos activités qui en pâtiront et à la place on n’aura rien ».
Le représentant du Pays du Revermont présente alors les actions conduites à travers le programme Leader, piloté depuis la Région, qui permet au Pays de se doter d’une stratégie de développement économique à travers plusieurs projets structurants : la refonte totale de la Maison du Comté (et à travers elle, du pôle agroalimentaire) ; la redynamisation de la maison Pasteur à Arbois (en mettant la dimension scientifique au cœur du projet, à l’appui de l’ingénierie du vin d’Arbois-Poligny), et le site de Salin, avec la rénovation du musée du sel. Ces 3 projets, précise-t-il, visent à créer de l’activité et des emplois, ce qui implique d’identifier finement les besoins, les ressources humaines, les formations initiales ou manquantes. « En réfléchissant à cette stratégie endogène, poursuit-il, on peut prendre en compte le projet de CP : s’il se met en place, il entraînera une création d’emplois indirects et induits ; il est donc logique que les élus considèrent que ce projet de CP puisse être bénéfique au territoire, pour l’emploi, pour l’activité des entreprises, etc ». Quel est le positionnement du Pays ? « Favorable au projet, mais avec des réserves : nous serons attentifs aux retombées potentielles ». Et de donner quelques chiffres : « le programme Leader, c’est 600 k€ de crédits UE + 20 % de crédits de collectivités ». A la question Quelles retombées en termes d’emplois grâce à Leader ?, il répond que l’on se situerait à l’échelle de quelques dizaines.
Le débat se focalise alors sur les emplois liés au projet de CP, un peu éloigné par conséquent de l’objet de l’atelier :
Le représentant de la CAPEB (1 125 entreprises) prend la parole : « Pour une fois que j’entends une entreprise qui veut s’installer dans notre région… Ce sont des centaines d’emplois pour la construction, et donc pour les entreprises locales ; les artisans ne viennent pas d’ailleurs, ils vivent et travaillent ici ! »
Si une habitante s’interroge sur la structure de l’emploi local (« Quid des forces et faiblesses des entreprises locales ? Quelle formation indispensable et quelle adéquation avec les besoins en activité ? »), un constructeur de maison en bois estime qu’il faut « arrêter d’opposer les emplois proposés à travers le CP, et les fonds public : trouver des entreprises capables de nous passer une commande de 200 unités (les cottages, NdR), cela n’existe pas : le CP imposera un regroupement d’entreprises qui pourront à l’avenir mieux structurer leurs activités ».
Oui mais voilà : un participant, conseiller municipal, rappelle que parfois la réalité est autrement cruelle : « Lors des négociations préalables à l’implantation d’un champ solaire, nous avions obtenu du porteur de projet initial que soient employés des locaux, sauf que la société qui a ensuite repris le projet pour le développer est venu avec des électriciens slovaques, des ouvriers polonais, et un chef de chantier Toulonnais ! »
Le représentant de la fédération du BTP-39 lui répond que cette inquiétude est légitime. « Nous avons donc organisé un déplacement dans la Vienne, pour rencontrer les acteurs économiques concernés par le CP de P&V en construction. Bilan : 70% des travaux du CP ont été attribués à des entreprises locales ».
Manifestement, cela ne satisfait pas une partie des participants, la rumeur de la salle affirmant « c’est un mensonge ! »
Un membre de la direction de P&V prend alors la parole, exposant que dans la Vienne, un travail particulier a été conduit avec les chambres consulaires en amont de la définition précise du projet de CP. « Nous n’avons pas pris l’engagement de ne travailler qu’avec des entreprises locales, nous avons soutenu la mise en place d’une bonne structuration des entreprises afin de permettre aux PME de la région de s’organiser pour répondre à nos appels d’offre. Nous avons contractualisé avec des groupements de 4, 5 ou 6 entreprises, principalement pour la construction des cottages, et effectivement avec un très bon résultat. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais grâce à une bonne préparation en amont. P&V ne travaille pas avec des entreprises générales, mais par lots : ça avantage les petites entreprises ».
Une participante relève alors que « le développement local, ce n’est pas que la création de richesse financière. C’est aussi la richesse humaine, la solidarité, le social, etc ». Et d’interroger : « Qu’est-ce que le projet CP apporte dans ces secteurs ? »
B- Quel accueil et quel soutien à l’implantation d’entreprises ?
Le représentant de la CGPME-39 est alors appelé à témoigner sur la manière dont a été conduite la revitalisation industrielle du Haut-Jura, suite à la crise économique. 200 dossiers ont été audités pour 28 sélectionnés, dans l’objectif d’apporter une aide ponctuelle au plan de développement, à l‘appui d’une banque et de fonds de soutien provenant d’une grande entreprise. Il donne alors quelques chiffres : 27 M€ levés, 368 emplois créés grâce aux aides conditionnelles (l’aide est versée si l’emploi est créé) ; un second dispositif a concerné 150 emplois dont 110 créés, autour d’une idée plutôt simple à mettre en œuvre : « on aide des entreprises qui ont des vrais projets de développement ; ces aides ne sont pas que financières, mais aussi beaucoup sous forme de conseil. Concrètement, on prête 2000 € par emploi, la banque en prête 4000 et finance l’investissement en général ». La part d’investissement public ? « L’Etat n’a pas mis d’argent, sauf au titre des exonérations de charges et de la défiscalisation des fonds de soutien en provenance des entreprises ».
Une participante réagit aussitôt : « plutôt qu’une structure unique avec 170 emplois pour le projet de CP, on pourrait soutenir 20 entreprises de l’hôtellerie qui emploient 10 emplois chacune ! »
La représentante du Conseil départemental rappelle alors que cette institution met en œuvre un dispositif de soutien, destiné notamment à la mise aux normes des établissements hôteliers, avec des aides de 20k, 30 voir 100k€. (Lui répond la rumeur de la salle : « ce ne sont pas du tout les mêmes ordres de grandeur que les aides prévues pour le CP ! »)
Un participant réagit en soulignant que les collectivités « pourraient aider le secteur agricole, et pas seulement pour la concentration foncière ou l’intensification, mais pour soutenir l’activité des artisans dans la rénovation des gites, chambres d’hôtes, etc ».
Une autre, « citoyenne polinoise », propose de « renforcer les circuits courts, l’offre locale en produits sains, la relation producteurs agricoles-consommateurs ». Ainsi, plaide-t-elle, cette relocalisation de l’économie permettrait de réduire les émissions de GES liées au transport maritime. Enfin, pour satisfaire les besoins alimentaires locaux, selon elle, « il faudrait quelques dizaines d’emplois agricoles sur quelques centaines d’hectares, et surtout il faut arrêter d’artificialiser les milieux ».
Pour un autre, « la revitalisation d’un territoire repose notamment sur l’actionnariat local, ce qui facilite également l’insertion des projets. D’autre part, il n’est pas certain que le développement économique reste compétence du Conseil départemental. Il serait judicieux que le Conseil régional se positionne, même dans l’attente des décrets qui préciseront la répartition des compétences ».
Témoigne alors le président de l’association Ecouter, Comprendre, Former (ECCOFOR), acteur incontournable de l’économie sociale et solidaire : « ça fait 40 ans que les entreprises et associations d’insertion créent des emplois (plus de 350 en tout), qui sont toujours là, grâce à la créativité et l’innovation. On a besoin de finances, mais pas des financiers : car les besoins d’un territoire sont facteurs de développement. Et il s’agit aussi des services aux personnes, l’éducation, la culture, la solidarité intergénérationnelle, la transition énergétique, etc. »
A l’écoute de ce plaidoyer, certains participants réagissent. Ainsi, l’un d’eux prend sur lui de résumer ce qu’il retient de la séance, qui n’a pourtant pas épuisé le sujet de l’atelier : « j’étais venu pour apprendre dans quelle stratégie locale ce projet de CP pouvait se développer, je n’ai pas appris grand-chose et surtout pas avec le Conseil départemental qui nous dit qu’il n’a pas de position… Au lieu de ce grand projet inutile pour le Jura, je préfèrerais une kyrielle de petits projets utiles au Jura ».
Certes, mais quels projets ? Et, comme l’exprime un viticulteur : « Concrètement, comment pouvons-nous monter un projet alternatif en deux mois de débat public ? »
Claude Brevan prend alors la parole, estimant que beaucoup de choses ont été dites au cours de cette réunion qu’elle a trouvé très riche. « On va voir si c’est possible d’ouvrir une boite à idée, pour que toutes les idées entendues ce soir puissent être conservées. Mais ce n’est pas à P&V de faire ce projet alternatif ! ».
Il s’avère que dans le cadre du programme leader, un diagnostic très fin a déjà été conduit. Il faut donc vérifier qu’il s’appuie sur une description très fine du tissu économique, y compris agricole, pour identifier des pistes très concrètes, économes en deniers publics et durables, complète un participant.
Un représentant de la CCI rebondit sur un sujet déjà abordé : « Nous sommes prêts à nous investir pour favoriser la structuration des entreprises pour réponse aux appel d’offre du CP ».
Une élue départementale prend alors la parole, pour signaler que « nous avons eu il y a quelques années un projet de parc national zones humides (dans les Dombes, NdR) qui allait nous permettre de conserver une agriculture respectueuse de l’environnement, mais j’ai un peu d’amertume car j’ai été bien seule à défendre ce projet qui a fini par être rejeté. Si ce projet CP il y a, il faudra qu’il soit très positif ».
Ce que répète le maire de Poligny : « il ne faut pas opposer les projets. A nous élus de négocier avec P&V que ce projet soit le plus utile pour le territoire, et en particulier pour l’emploi. »
P&V est alors invité à s’exprimer sur ce qu’il a retenu de cette réunion : « nous avons une réflexion sur un programme, basé sur un projet différent de ceux que nous développions il y a quelques années, afin de répondre à une demande touristique qui fait aussi du tourisme culturel ». Il dit « regretter les caricatures entendues ce soir », et ne voit pas « d’incompatibilité entre les différentes formes de tourismes, dont les frontières lui apparaissent de plus en plus poreuses ».