Plus le débat avance, plus les réunions publiques se rapprochent des lieux directement impactés par le projet du Grand Port Maritime de Dunkerque (GPMD) et plus la question des effets de la construction d’un important terminal à conteneurs sur la circulation et la qualité de la vie dans le Dunkerquois est posée avec acuité par les habitants.
A leurs yeux, qui dit poids lourds dit, en l’état actuel des choses et inévitablement, bruit, pollution de l’air, santé publique, bouchons, risques d’accidents. En la matière, la statistique et le vécu des usagers divergent ; on entre dans l’affrontement des arguments, des craintes et des angoisses. 1100 poids lourds supplémentaires par jour dans chaque sens, est-ce que ça passe ? Est-ce qu’on aura trouvé d’ici 15 ans des solutions pour réduire les pollutions ? Et nos maisons ? Et notre cadre de vie ? Quand ces interpellations percutent celles qui portent sur l’emploi, autre sujet majeur du débat, ça donne ou bien "l’emploi oui mais pas à n’importe quel prix... nous avons déjà donné beaucoup" ou bien "il faut savoir ce que l’on veut, on ne peut pas vouloir une chose et son contraire, le port fait vraiment tout ce qu’il peut pour l’environnement".
Cette dialectique d'oppositions entre deux parts de vérité est une impasse : dans une société mondialisée où la compétition se joue aussi sur l’attractivité des territoires et leur qualité environnementale, aucun projet d’envergure n’est acceptable et in fine performant s’il ne contribue pas autant qu'il peut à l’amélioration de la qualité écologique de l'espace. Et aucun discours en faveur de l'environnement n’est recevable s’il parait ne pas tenir compte de l’avenir économique et des emplois.
Le territoire et ses voisins sont de fait incités par le débat à faire face lucidement à ces contradictions et à travailler sur les solutions de court, moyen et long terme : l’optimisme technologique (motorisation, trains de camions, véhicules autonomes) est sans doute une réponse mais elle ne suffira pas. L’extension du report modal en est sans doute une autre mais elle connaitra ses limites également. Sachant que de toute façon, le trafic par exemple sur les axes autoroutiers A16 et A25 est amené à croître indépendamment même du projet du port, personne ne s’en sortira sans reprendre à la base la totalité du problème, c’est-à-dire sans examiner la façon dont se cumulent le trafic local, le transit et la desserte de la zone du port. Sans examiner la façon dont on peut agir, non pas sur une de ces composantes, mais sur toutes. Quelle desserte en train par exemple depuis Gravelines ? Quelle politique d’autopartage et de transport collectif ? Quels aménagements routiers ? Quelle politique de logement près du travail ? Quelle localisation des commerces et des services ? Comment économiser du temps, de la mobilité contrainte, du budget déplacement ?
Voila pourquoi, comme elle l’a fait sur l’emploi, la commission particulière du débat public invite toutes les personnes et les acteurs qui se sentent concernés, à une séance de travail consacrée aux problèmes de circulation que soulève le projet CAP2020 et qui aura lieu à la mi-décembre.
Tous les acteurs, c’est-à-dire aussi les autorités publiques concernées par la régulation des trafics et des voiries et pas seulement le GPMD : les maires ont commencé à s'exprimer clairement sur ces sujets mais à coté du bruit des camions et du débat, il y a des silences dont nos concitoyens commencent à dire qu'ils deviennent vraiment assourdissants !
Jacques Archimbaud