La journée préparatoire (consulter le programme) au débat public a réuni plus de 200 personnes le 19 septembre 2017 à l’Escale à Dunkerque.
90 structures du Dunkerquois et de la région étaient représentées : associations, acteurs culturels, syndicats, collectivités locales, entreprises et industries, entreprises publiques, Etat...
L’objectif de cette journée : conclure la phase préparatoire au débat, qui a vu la commission réaliser 80 entretiens depuis le printemps, et identifier ou confirmer les enjeux du projet qui seront discutés durant le débat. De ce travail découle le calendrier et les modalités qui permettront au public de s’exprimer.
Pour cela, 4 tables rondes, précédées d’une présentation du projet du port de Dunkerque, ont permis le matin de mettre en perspective ce projet au regard des grands enjeux qui l'entourent :
Quelle politique portuaire en France et en Europe ? Comment la programmation portuaire s’insère dans la planification territoriale ? Quel avenir pour la filière conteneurs ? Quelles connexions multimodales présentes et futures ?
1ère table ronde : Dunkerque et les politiques portuaires françaises et européennes
Sönke Maatsch, de l’Institut d’Economie Maritime et de Logistique de Brême [ support d'intervention en PDF ]
Stéphane Raison, président du Directoire du Grand Port Maritime de Dunkerque [ support d'intervention en PDF ]
Paul Tourret, directeur de l’Institut Supérieur d’Economie Maritime
Animation par Jacques Archimbaud
Lors de son exposé, Paul Tourret a insisté sur les conditions préalables à la mise en œuvre d’une politique portuaire française compétitive. Quel volume entrant et sortant s’échappe aujourd’hui vers les voisins du Benelux ? A également été souligné l’importance de l’aménagement d’interphases logistiques interconnectées dans l’arrière pays comme condition sine qua non au développement de la zone d’influence d’un port. Enfin, la nécessité de développer une stratégie cohérente de réseaux et d’axes au niveau national a été appuyée au cours de cette intervention.
Après avoir introduit les caractéristiques de la Rangée Nord ; chiffres et état du trafic, Sönke Maatsch a présenté une analyse des marchés régionaux relative à chaque port. Il a souligné le positionnement favorable de Dunkerque tant sur le marché de transbordement, qu’en termes d’atouts structurels. Ces deux éléments feraient de Dunkerque un port capable d’exercer une forte compétitivité à l’est.
Stéphane Raison au cours de son intervention a rappelé les principales évolutions induites par la mise en œuvre de la réforme portuaire de 2008 et les principaux objectifs de la stratégie nationale portuaire de 2013. Considérant ces éléments stratégiques, il a expliqué comment le port de Dunkerque, à travers le projet CAP2020, entend répondre à un double objectif : création de valeur ajoutée et création d’emplois. Le rôle d’aménageur du port a également été mis en avant par la prise en compte des donnés environnementales.
Les échanges avec la salle ont permis de s’interroger sur la logique de développement portuaire à privilégier : est-ce l’infrastructure qui permet d’atteindre une qualité de services et ainsi capter de nouveaux clients ? Ou, à l’inverse, est-ce le fait d’atteindre une masse critique en termes de volumes qui permet d’investir dans de nouvelles infrastructures et de développer l’offre multimodale ?
Les acteurs présents ont interpellé le maître d’ouvrage sur l’orientation du projet vers le tout conteneur ; quelle place pour l’industrie ? La question des emplois a également surgi : quels emplois, quelle qualité d’emplois et quelle place pour l’intérim ? Quelles prises en compte des risques en matière de sécurité et santé ? Plusieurs interventions se sont également intéressées à l’arrivée d’une « révolution technologique du conteneur ».
Le potentiel de la région en matière d’exportation a été souligné avec la filière agro-alimentaire. Enfin, la nécessité de développer le report fluvial avec le Canal seine nord a été soulignée.
2ème table ronde : Programmation portuaire et planification territoriale
Magali Debatte, Secrétaire générale aux affaires régionales Hauts-de-France [ support d'intervention en PDF ]
Nathalie Dominique, Agence d'Urbanisme et de Développement de la Région Flandre Dunkerque ( AGUR) [ support d'intervention en PDF ]
Cédric Ghesquières, directeur général ville et environnement de la Communauté Urbaine de Dunkerque [ support d'intervention en PDF ]
Erwan Lebris, directeur aménagement et environnement du GPMD [ support d'intervention en PDF ]
Animation par Marie-Claire Eustache
Comment la création de nouveaux emplois sera accompagnée par la création de nouveaux services et équipements adaptés (logements, écoles…) ? Quelles infrastructures de transports sont à prévoir ? Quelle densification du territoire à l’ouest ? Toutes ces questions sont pour les services de l’Etat des enjeux centraux du projet qu’il faudra prendre en compte dans la révision des documents de planification territorial. La préservation des zones humides et la prise en compte des risques de submersion marine sont des éléments qui garantiront la résilience du projet.
En préambule de son intervention, Nathalie Dominique a rappelé les grandes caractéristiques du territoire balnéaire et urbain, son patrimoine et ses spécificités paysagères. Cette présentation a mis en exergue comment la structuration de la politique urbaine de la CUD s’est accompagnée d’une prise en compte progressive des enjeux environnementaux et des risques industriels ; en y intégrant le territoire portuaire. Les projets récents de rénovation urbaine répondant à une volonté de reconquête des espaces portuaires, tels que « Neptune » et le « Grand large » ont également été présentés.
Dans sa présentation, Cédric Ghesquières a introduit les objectifs du Plan local d’urbanisme intercommunal Habitat et Déplacements. Y figure notamment l’attractivité du territoire en réponse à la perte progressive d’habitants. La CUD souhaite répondre à ce défi par la création d’emploi et le développement économique. Le développement des transports est présenté comme l’une des grandes ambitions pour répondre à un usage, encore trop fréquent de la voiture. La gestion de la biodiversité, des milieux aquatiques, la qualité de l’air et le bruit sont également considérés dans ce document de planification.
Erwan Lebris a rappelé le rôle du GPMD dans la défense des espaces naturels et des écosystèmes naturels. Le GPMD dispose à ce titre de son propre Plan d’aménagement et développement durable et d’un Schéma directeur zones d’aménagement et patrimoine. La protection du trait de côte et la prévention des risques de submersion marine figurent parmi ces prérogatives.
Les interventions de la salle ont exprimé une inquiétude générale sur les risques industriels : qu’est ce qui sera concrètement transporté dans les conteneurs ?
Les impacts en termes de pollution de l’air, de gaz à effet de serre et de lumière, de congestion routière, d’accidentologie des routes ont également été identifiés comme des enjeux incontournables du projet. Enfin, c’est le rapport opportunité/coût du projet qui a été questionné.
3ème table ronde : L’avenir de la filière conteneurs
Olivier Richard, International Transport Manager, société SRS [ support d'intervention en PDF ]
Antoine Fremont, directeur scientifique adj. à l’IFSTTAR
Alain Lefebvre, directeur des Ports de Lille [ support d'intervention en PDF ]
Animation par Dominique Simon
Antoine Frémont a mis en perspective le développement du conteneur avec celui de la mondialisation. Il a interrogé les évolutions récentes du commercial international : va t-on vers un repli commercial avec des politiques de plus en plus protectionnistes ? Cela l’amène à encourager une vision prospective de la filière conteneur pour éclairer davantage les projections sur lesquelles reposent ce projet.
Face à ces concurrents du Benelux, quelle "stratégie de niche" pour Dunkerque : la réponse se trouverait dans le développement d’une offre commerciale de qualité et partenariale. Il a, à ce sujet souligné l’importance de la notion de seuil comme condition de déclenchement des différentes phases du projet CAP2020.
Alain Lefebvre a mis en avant les atouts du port de Dunkerque, sa position géographique et ses réserves foncières. La performance du terminal a été évoquée comme une condition d’efficacité du projet. En tant que directeur du port de Lille il a également insisté sur les potentiels de développement commercial entre Lille et Dunkerque. A l’échelle régionale, le travail de mise en réseau pour rendre performante la chaine logistique semble également un axe de travail du projet.
Il a fini son propos en introduisant la notion de « port connecté » : comment demain les ports seront connectés aux marchandises, et les marchandises entre elles via internet ?
Olivier Richard est intervenu en tant que logisticien pour l’un des plus grands groupes importateurs de la région. Il a présenté la stratégie commerciale développée pour faire de Dunkerque une porte d’entrée pour ses clients. Pour atteindre cet objectif, le groupe s’est engagé dans un travail de lobbying commun avec d’autres chargeurs de la région. Proximité et rapidité des escales ont fait partie des arguments avancés pour obtenir l’ouverture de nouvelles lignes à Dunkerque.
Les interventions de salle ont souligné l’importance de l’atout géographique, la proximité du rail pour convaincre les compagnies maritimes. L’avenir des réserves foncières du territoire portuaire a été évoqué comme enjeu du débat. C’est le modèle sur lequel repose le projet qui a également été questionné, est-ce que le commerce international est véritablement en croissance ? Comment la transition écologique est prise en compte dans ce projet qui incite à la massification ?
Quels impacts en termes de pollution sachant que les émissions sont présentées par certains comme équivalentes à plusieurs millions de voitures ? Comment le projet peut conserver la vocation industrielle du port et apporter des garanties pour les emplois de ce secteur ?
L’option Baltique, même si elle n’est pas retenue dans un premier temps ne devra elle pas être remise sur la table à moyen terme ?
4ème table ronde : Le port de Dunkerque et les connexions multimodales
Charles Bizien, chef du service maître d’ouvrage, VNF [ support d'intervention en PDF ]
Benoît Dubus, directeur du pôle clients et services SNCF Réseau [ support d'intervention en PDF ]
Christophe Husser, chef du service mobilité et infrastructures, DREAL [ support d'intervention en PDF ]
Animation Jérôme Laurent
Christophe Husser a fait état de la programmation en matière d’infrastructures de transport prévue par le plan Etat région. Aujourd’hui, la part modale par camions représente 87% du trafic total. Quelle maîtrise de la congestion qui en découle sur les routes, notamment sur l’A16 et l’A25 ? Quelles sont les mesures pour limiter l’accidentologie sur ces routes ? Quelles évolutions du trafic d’ici 2030, est-ce que des outils permettront de mieux réguler le trafic ?
Après avoir présenté le réseau des voies navigables de France Charles Bizien a proposé un focus sur le port Dunkerque illustré par les données du trafic fluvial. Les axes de travail de VNF ont également été présenté : mise au grand gabarit du réseau, limitation de la congestion de trafic, fiabilité du réseau.
Au cours de son intervention, Benoit Dubus représentant de la SNCF, a présenté le réseau ferré qui touche le port de Dunkerque. Il a poursuivit, en introduisant les résultats de l’étude menée pour évaluer le report modal fret induit par le projet CAP2020. Le réseau sera-t-il en capacités d’absorber les circulations supplémentaires ?
Lors des échanges, le report modal du projet a été présenté comme une assurance indispensable au projet pour répondre aux défis, de la sécurité routière et de la qualité de l’air. Les participants ont souligné la nécessité du projet Canal Seine nord pour répondre à l’objectif de la fluidisation du trafic ferroviaire et fluvial. La capacité des sillons SNCF a également été interrogée par les transporteurs présents dans la salle.
L’après-midi, une présentation a permis de présenter le projet du Grand Port Maritime de Dunkerque et le dispositif du débat public. Puis, c’est un format participatif qui a permis aux participants d’échanger en petit groupe afin d’identifier les enjeux du projet :
Hypothèse centrale sur laquelle repose le projet, l’augmentation du trafic de conteneurs apparaît comme une question primordiale. Que disent les prévisions sur les échanges mondiaux et surtout quelle est leur fiabilité ? On sait depuis les crises des dernières décennies que ce marché peut connaître des aléas. La donne géopolitique et les préoccupations environnementales sont autant de variables susceptibles de peser sur le niveau des échanges mondiaux.
Est ce que le développement ou le maintien de l’industrie devrait y avoir davantage de place ? Quelle complémentarité entre ces différentes filières ? L’option baltique ne devrait-elle pas être étudiée elle aussi avec attention ? En définitive, est-ce que le rapport coût / opportunité du projet est suffisant pour engager l’ensemble du territoire dans ce grand projet ? Y a-t-il des alternatives de développement ?
Comment le projet entend anticiper les évolutions technologiques de la filière conteneur et l’émergence des objets connectés dans les chaînes logistiques ?
L’infrastructure portuaire n’étant pas la seule composante de la compétitivité du port, quelle stratégie commerciale adopter ? Avec quels partenaires ? Si la qualité des services portuaires semble être un critère important parmi les critères étudiés par les potentiels clients, quels développement à venir ? De même, la volonté affichée de conquête de l’hinterland interroge la qualité des connexions fluviales et ferroviaires, pour limiter les conséquences d’un nouvel afflux de conteneurs sur les routes. Cette conquête commerciale met en débat la relation entre les ports, la cohérence et la complémentarité entre les ports à l’échelle régionale et nationale.
Ce projet permettra t-il de renforcer l’attractivité du territoire ? Quelles sont les perspectives en termes d’emplois directs, indirects et induits ? A qui sont destinés ces emplois et surtout quelle sera leur pérennité ? Mais concrètement, quelles seront les conditions de travail de ces employés, en matière de santé et de sécurité au travail ? Cette création d’emplois place au cœur de la discussion l’élaboration de programmes de formations initiales et continues à la hauteur de ces évolutions.
Compte tenu de l’ampleur du projet à l’échelle du territoire, quels seraient ses impacts en matière d’aménagement, de transports et de qualité de vie ? Est-ce qu’il sera toujours possible d’accéder à la mer ? La qualité de l’air, le bruit, la lumière, les gaz à effet de serre sont autant de sujets de préoccupations. D’un point de vue environnemental, comment sont pris en compte les risques de submersion marine et la préservation de la biodiversité ?
Une diversité de points de vue s’est exprimée, enrichie par des échanges collectifs lors de l’atelier de l’après-midi. Chaque enjeu sera traité à travers une ou plusieurs, des 70 rencontres publiques prévues durant le débat.
La présentation faite par le Grand Port Maritime de Dunkerque