Virginie Henocq, Leffrinckoucke , 02/11/2017
Merci de chiffrer les coûts indirects humains et financiers liés au projet :
· Passer de 300 camions à 2800 camions par jour qui sortent et entrent du Port (1 toutes les 30 secondes selon vos chiffres) a nécessairement des impacts physiques sur l’usure de nos routes et autoroutes (1 camions vaut 30 à 100 autos). Quel est le coût annuel de l’entretien supplémentaire des routes pour la période d’exploitation ?
· Augmenter le trafic routier aux abords de Dunkerque et tout le long du réseau augmente nécessairement le nombre d’accidents ? Merci d'évaluer ce nombre d’accidents supplémentaires et le coût moyen que cela représentera pour la collectivité et les assurances, donc pour les citoyens ? Ces calculs sont possibles et nécessaires bien sur et les résultats ne sont pas linéaires mais sont exponentiels en fonction de l’augmentation du trafic.
Dans le même esprit, une accidentologie augmentée entraîne nécessairement un nombre de morts augmentés sur les routes, merci d’indiquer clairement cette projection en nombre de morts supplémentaires ?
· Augmenter le trafic augmente nécessairement la pollution à fonctionnement et performances identiques. On ne peut s’appuyer sur d’éventuelles évolutions optimistes de la règlementation et des moyens technologiques, sur lesquels personne n’a prise aujourd’hui, pour faire baisser les chiffres quand cela «arrange». Il faut se baser sur la situation actuelle sans faire d’excès d’optimisme (ni de pessimisme).
· La pollution de l’air est responsable de dizaines de milliers de morts prématurés, quel sera l’ajout pour ce projet en terme de pollution et donc de nouvelles morts prématurées, sur un territoire dont l’espérance de vie est déjà de plusieurs années inférieure à l’espérance de vie régionale, qui elle-même est bien inférieure à l’espérance de vie nationale. Le Dunkerquois étant par ailleurs responsable de plus ¾ des émissions de gaz à effet de serre du territoire.
Merci de chiffrer ces coûts indirects humains et financiers de l’augmentation de la pollution à fonctionnement identique ?
· Le scénario de l’Atlantique que vous préconisez provoque une fracture urbanistique forte avec une modification évidente du fonctionnement local. Merci d’évaluer tous les coûts directs et indirects d’une telle rupture physique. Cela change les déplacements, les réseaux et les habitudes des citoyens. Merci d’évaluer les possibles projections sur l’économie et le fonctionnement local. Par ailleurs, les zones directement impactées, notamment sur Loon-plage, par les congestions de circulation, le bruit, la lumière, les pollutions auront un impact sur la valeur du foncier de l’immobilier, mais aussi sur la santé des citoyens. Merci de chiffrer ces changements ?
· Matières dangereuses et santé : les perturbateurs endocriniens, nanoparticules, cov... qui sont présents dans les produits importés sont dangereux, et aussi dans les emballages et systèmes de contentions, pour lesquels les dockers sont en première ligne à l'ouverture des boîtes (par exemple les normes sur les colles et produits d'emballage ne sont pas homogènes partout sur la planète et nous exposons nos agents à des dangers). Quelles mesures prendre par rapport à des matières dangereuses transportées dans les conteneurs, ou tout simplement les risques liés à la manipulation de ces derniers ?
· Le bruit généré par l'activité et ses nombreux impacts doit être évalué, et décliné en terme de conséquence financière directe, coût de l'immobilier, mais aussi sur le bien être et la santé des habitants.
· La lumière et ses impacts sont systématiquement sous évalués. Au delà de l'inconfort immédiat pour les habitants, il y a des impacts écologiques importants, et les réflexions sur des trames noires (sans lumières) dans notre environnement doivent progresser.
Réponse du Maître d'Ouvrage :
Une évaluation socio-économique positive pour CAP 2020
Comme pour tout autre projet d’infrastructure, le projet CAP 2020 a conduit à la réalisation d’une « évaluation socio-économique ». La méthodologie de ces évaluations socio-économiques des projets d’infrastructures est définie précisément par le ministère par l’instruction cadre du 16 juin 2014.
En cohérence avec cette instruction règlementaire, les principes et les critères d’évaluation retenus pour le projet CAP 2020 ont été les suivants.
- Pour évaluer l’impact socio-économique d’un projet, on évalue les avantages et les inconvénients sur sa durée de vie ; les inconvénients vont intégrer l’ensemble des coûts pour l’ensemble des acteurs concernés par le projet, mais aussi une valorisation des nuisances (effets non monétaires) ; les avantages correspondent aux bénéfices économiques du projet.
- Ces coûts et avantages sont ensuite quantifiés et transformés en un équivalent monétaire.
- Ces avantages et inconvénients sont calculés par rapport à une situation dite « de référence » qui est la situation que l’on observerait si le projet n’était pas réalisé.
- Enfin, les valeurs d’avantages et d’inconvénients, qui sont calculées pour chaque année, sont « actualisées » : ceci traduit la préférence du présent (un euro d’aujourd’hui vaut plus qu’un euro de demain) et donc une pondération plus faible des avantages attendus sur le long terme. On peut dire que le mécanisme d’actualisation est assimilable à l’application d’un taux d’intérêt.
Le taux d’actualisation (équivalent donc à un taux d’intérêt) fixé par les instructions ministérielles est de 4 %.
La somme cumulée sur la période des avantages et des inconvénients valorisés du projet pour l’ensemble des acteurs s’appelle la valeur actuelle nette (VAN).
Si la VAN est positive, on peut dire que le projet est rentable en termes socioéconomiques, car il génère plus de bénéfices que de pertes pour la société.
Si la VAN d’un projet A est supérieure à celle d’un projet B, on peut dire que le projet A est plus avantageux pour la collectivité en termes socio-économiques que le projet B.
Dans le cas de CAP 2020, cette évaluation a été conduite pour la solution Atlantique et pour la variante Baltique, la première présentant une VAN plus favorable que la seconde.
Les principales hypothèses et les principaux résultats de cette évaluation sont disponibles dans le dossier du Maître d’Ouvrage, en annexe (fiche N°4).
Il en ressort que les retombées attendues et les coûts estimés permettent de qualifier ce bassin Atlantique de projet ambitieux de « raisonnable » à travers notamment une valeur actuelle nette (VAN) socio-économique supérieure au milliard d’euros ;
Les analyses conduites dans le cadre de cette évaluation prennent en particulier en compte les enjeux liés aux infrastructures routières et à leurs gestionnaires, les riverains et l’environnement (pollution, etc).Ces analyses sont conduites sur la base des technologies actuelles.
Les actions spécifiques en faveur de la lutte contre la pollution de l’air
Au-delà de cette évaluation socio-économique, qui sera encore développée au niveau des études d’impact préalables à l’enquête d’utilité publique, Dunkerque-Port a fait conduire une analyse spécifique relative à l’impact du projet sur la pollution par les gaz à effet de serre.
Les principales hypothèses et les principaux résultats de cette seconde étude sont disponibles dans le dossier du Maître d’Ouvrage, en annexe (fiche N°5).
L’activité de manutention à quai des conteneurs n’est pas en soi génératrice de pollution de l’air. Celle-ci serait liée principalement à l’augmentation des trafics routiers et maritimes.
Toutefois, CAP 2020 permettrait, à travers la massification des volumes de conteneurs qu’elle impliquerait et la localisation des voies ferrées à proximité immédiate des quais, de favoriser le report du trafic vers le ferroviaire et le fluvial. Cela aurait un effet important en limitant autant que possible l’augmentation du trafic de poids-lourds et donc l'augmentation des émissions polluantes dans l'air.
Il en ressort que L’exploitation du projet CAP 2020 produirait un gain d’émission de GES par rapport au scénario fil de l’eau lors du passage portuaire des navires à Dunkerque-Port, de l’ordre de :
- 27 000 tonnes de CO2-eq en moins par an dès la première phase ;
- 59 000 tonnes de CO2-eq en moins par an après la seconde phase, soit l’équivalent de 54 000 trajets Paris - New York en avion, ou la production annuelle de 8 000 Français.
Par ailleurs, Dunkerque-Port s’est engagé depuis 2016 dans une démarche d’amélioration de la connaissance de la qualité de l’air. À terme, le port vise à la mise en œuvre d’un plan d’actions d’amélioration de la qualité de l’air. Cette démarche s’inscrit notamment dans le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PA2D) du GPMD validé en 2014.
Dans le cadre de cette démarche, le GPMD a adhéré en 2017 à l’ATMO Hauts-de-France qui est l’une de la vingtaine d'Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) par le Ministère en charge de l’Ecologie et du Développement Durable.
Il faut également noter que des mesures ont déjà été mises en œuvre de manière efficace pour permettre une réduction de la pollution de l’air par le trafic PL :
- La réduction des vitesses opérée sur l’A16 a contribué à l’amélioration de la qualité de l’air.
- Les normes environnementales européennes sont de plus en plus efficaces et imposent aux transporteurs des efforts importants en faveur de l’environnement. Les émissions polluantes ont été ainsi divisées par 10 entre 1996 et 2014.
Dunkerque dispose également depuis 2016 d’un terminal méthanier et disposera en 2018 d’une station terrestre d’avitaillement GNL. Cette station permettra aux camions propulsés au GNL (carburant alternatif bien plus propre que les carburants conventionnels) de s’approvisionner directement à Dunkerque, ce qui aura un impact positif sur la qualité de l’air.
Au-delà de ces réalisations déjà engagées, des études sont actuellement en cours pour offrir à terme aux navires des services plus performants, reposant sur des technologies nouvelles moins polluantes (avitaillement des navires en GNL, alimentation électrique à quai des navires).
Les études d'impact de CAP 2020, préalables à l’enquête publique qui devrait suivre le débat public en cours, permettront de caractériser plus finement ces enjeux.
Impact sur le paysage : des mesures d’accompagnement sont prévues
Le bassin Atlantique s’inscrit dans un territoire déjà fortement recomposé, où la frontière entre les activités humaines et les espaces naturels a souvent évolué.
Le projet conduirait à intégrer sur le site portuaire des infrastructures et des équipements qui sont déjà présents à ce jour. L’intégration de ce projet se ferait donc dans la continuité naturelle des paysages en place et aurait un impact modéré, l’objectif étant bien évidemment de préserver le contexte paysager en l’état.
Dunkerque-Port veillera particulièrement à ce que les solutions d’aménagement définies lors des études de niveau projet permettent de réduire la rupture paysagère entre la ville de Gravelines et l’agglomération de Dunkerque. Elle devrait offrir aux habitants la possibilité de s’approprier la perception de ces futures installations en s’appuyant en particulier sur le traitement des limites et des covisibilités entre le projet et le territoire.
Conscient de ces impacts potentiels, Dunkerque-Port a missionné un architecte-paysagiste pour travailler en amont sur la vision des nouvelles installations portuaires depuis la future déviation de la route entre Loon-Plage et Gravelines en fond de bassin Atlantique.
Par ailleurs, en lien avec l’aspect paysager, la mise en œuvre des mesures d’accompagnement (sous forme d’aménagements à vocation biologique et naturelle) serait adaptée au phasage des investissements avec la construction progressive des grands corridors du Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN).
CAP 2020 respecterait les enjeux de mobilités entre les communes riveraines
Les nouvelles infrastructures de transport terrestre permettant de connecter le projet aux réseaux de transport de l’hinterland devront prendre en compte les enjeux de desserte locale (axe Est-Ouest entre Gravelines, St Georges et Bourbourg d’une part, et le reste de l’agglomération dunkerquoise d’autre part), mais aussi les axes Nord-Sud (accès au réseau autoroutier par les usagers de la liaison transmanche, accès à l’A16 pour les riverains de Gravelines et Loon-Plage).
Dans le cadre du bassin Atlantique, l’extension créé couperait la RD601 entre Loon-Plage et Gravelines. Dunkerque-port a travaillé sur le rétablissement de cet axe afin de créer une véritable liaison urbaine en préservant la continuité routière entre Gravelines, Loon-Plage, Grande-Synthe et Dunkerque.
Les réflexions menées par le GPMD en lien avec les différents gestionnaires de voiries, se sont orientées vers l’optimisation de la déviation de cette portion de RD601, les objectifs recherchés étant : la limitation du temps de déviation pour le trafic urbain, l’amélioration de la sécurité, l’amélioration du confort (piste cyclable, paysagement) et le maintien du lien entre les habitants et leur port (vu sur l’activité portuaire, possibilité de développer un « tourisme portuaire »).
Les propositions illustrées dans les plans ci-après répondent à ces objectifs et continueront à être affinées dans le cadre des réunions techniques menées par le GPMD avec les différents gestionnaires de voiries et les communes concernées.
Aménagements routiers à l’étude phase 1
Ces aménagements routiers seraient mis en services dès le démarrage des travaux vers 2021 jusqu’au lancement de la phase 2 du projet qui ne serait pas prévu avant 2029
En phase1, l’impact du projet, sur les temps de circulation routière, serait de l’ordre de 50 secondes entre les points A (Carrefour RD601/ rue L. Jouhaux) et C (giratoire de la maison Blanche) en empruntant la déviation de la RD601 (en bleu sur l’illustration). Les usagers se déplaçant entre les points B (carrefour RD601/RD11) et C, pourront emprunter une portion de la nouvelle voie (en vert sur l’illustration) pour rejoindre la déviation de la RD601. Le temps de déviation routière serait de 30 secondes.
Aménagements routiers à l’étude phase 2 ( > 2029)
L’impact du projet sur les temps de circulation routière en phase 2 serait de l’ordre de 2 minutes et 20 secondes entre les points A et C de l’illustration précédente et resterait de 30 secondes entre les points B et C.
La vue suivante montre un exemple de ce que pourrait être la voirie réservée aux voitures cycles et transport en commun (en bleu sur les plans) ainsi que le belvédère.
Impacts sur l’immobilier des villes comme Gravelines ou Loon-Plage
Il est difficile de prédire l’impact d’un projet sur l’immobilier car de nombreuses variables entrent en compte :
La qualité de vie avec les offres de service (écoles, crèches, commerces, médecins…), l’accès à la culture, les transports en commun, la délinquance, l’environnement… ;
L’offre de travail avec l’activité économique locale, la proximité du lieu de travail, l’insertion des jeunes sont également des paramètres essentiels à prendre en compte.
Avec plus de 5 500 emplois directs et indirects sur le dunkerquois, le projet devrait permettre de développer l’activité économique à proximité immédiate des communes de Loon-Plage et Gravelines, ce qui présenterait un atout important pour les communes qui l’anticiperont.
Le retour d’expérience exposé par Monsieur Rommel, maire de Loon-Plage, lors de la réunion publique du 15 novembre, indique d’ailleurs clairement l’impact positif des investissements déjà réalisés par Dunkerque-Port sur la valeur des biens immobilier de sa commune.
Gaz dangereux dans les conteneurs (« fumigation »)
Après leur déchargement du navire porte-conteneur, des conteneurs qui arrivent dans tous les ports, dont celui du Dunkerque, peuvent effectivement contenir des gaz dangereux pour la santé humaine.
Ces gaz sont nécessaires pour protéger la marchandise contre les moisissures, les rongeurs ou les insectes. Ce procédé, appelé « fumigation » est parfois obligatoire et évite parfois l'invasion de certaines espèces, comme le frelon asiatique.
Une procédure stricte est appliquée à toutes les étapes du traitement de ces conteneurs. Ces conteneurs fumigés sont placardés d’une manière spécifique pour être identifiés. Ils sont réceptionnés de manière spécifique sur les terminaux à conteneurs, et « défimugés » (positionnement particulier lors de l'ouverture du conteneur pour éviter d'être directement exposé aux gaz, aération du conteneur pour renouveler l'air à l'intérieur, distribution d'équipements de protection individuels) avant d’être dispatchés vers l’extérieur de la place portuaire.
Les administrations et les Etats veillent scrupuleusement à l’application de ces procédures sur l’ensemble des places portuaires à l’échelle mondiale.
Bruit
Les activités de manutention de conteneurs ont un impact réduit par rapport à d’autres activités du port.
Cependant, le projet ajouterait de l'activité et du trafic, en particulier routier et ferroviaire.
Les augmentations de trafic routier conduiraient à un impact sonore supplémentaire réparti sur 24 heures. En première approche, cet impact serait plus sensible de nuit.
La carte des niveaux sonores actuels sur le domaine portuaire et sur les axes routiers proches (telles que celle disponible dans le dossier du Maître d’Ouvrage en page 91) indiquent les sites les plus exposés.
Les infrastructures ferroviaires déjà existantes au niveau régional sont dimensionnées, y compris au niveau sonore, pour accepter un trafic fret supérieur au trafic actuel.
Des études détaillées seront rapidement conduites pour préciser les impacts liés au projet sur ces deux modes de transport.
Lumière
Le territoire portuaire comprend un grand nombre d’entreprises fonctionnant le jour et la nuit, outre les terminaux sur le port Ouest (vraquiers, conteneurs, roulier) et sur le port Est (acier, céréaliers, multivracs, vracs).
Les incidences du projet en termes d’impact lumineux sont liées aux surfaces de terre-pleins, soit environ 120 ha, et aux zones logistiques, soit 350 ha.
L’impact du bassin Atlantique consisterait en une augmentation relative de la luminosité dans une zone portuaire où la luminosité peut déjà être qualifiée de « Transition rural-périurbain ».
Dans la solution Atlantique, l’aménagement se développerait au sud du bassin Atlantique, dans une continuité avec l’existant et dans une zone déjà identifiée comme fortement impactée par les enjeux lumineux.
La variante Baltique apporterait une incidence complémentaire dans une zone qui est comparativement plus épargnée.
L'impact serait proche pour la solution Atlantique et la variante Baltique mais des études détaillées seront rapidement engagées pour alimenter le dossier d'étude d'impact.