Michel Héluwaert, 08/11/2017
Une députée normande a interpellé le 1er ministre pour se plaindre de ce que l'Etat envisage de "gaspiller" des fonds publics au bénéfice du Canal Seine-Nord plutôt que soutenir le Havre.
Ma première question est plutôt une interrogation.
- Si Louis XIV n'avait pas acquis Dunkerque, notre port serait le premier de la Belgique à la sortie de l'Atlantique. Faut-il donc que nous fassions comme les Catalans et demander à quitter la France ?
Ma seconde question, plus économique, est aussi une interrogation sur les capacités de débouchés du Havre vs Dunkerque.
- Est-ce que, en n'augmentant pas les capacités de Dunkerque, on ne favorise pas Anvers et Rotterdam ? Certains parlent du "bon sens normand", j'évoquerai plutôt une forme stupide d'angélisme économique.
Je vous souhaite un excellent travail et la réussite du projet.
Michel Héluwaert.
Réponse du Maître d'Ouvrage :
Dunkerque-Port apporte son soutien au projet de Canal Seine-Nord
L'ouverture du Canal Seine-Nord Europe (CSNE) permettrait d'étendre l'hinterland fluvial du port vers le sud de la région des Hauts-de-France, actuellement accessibles aux seules unités de moins de 600 tonnes via le Canal du Nord. Cela est en particulier vrai pour le développement des trafics de vracs, de céréales, de matériaux de construction. A ce titre, le Canal Seine Nord Europe est un projet positif pour Dunkerque-Port qui s'est toujours positionné en faveur de sa réalisation.
Concernant la filière conteneur (sur laquelle porte le projet CAP 2020), d'autres solutions existent déjà (modes ferroviaires et routiers) et permettraient la desserte des régions au sud du Canal Seine-Nord Europe indépendamment de la réalisation du projet CSNE. Ce dernier apporterait toutefois un gain de compétitivité pour le mode fluvial dans la filière conteneur, ce qui donnerait un atout complémentaire au projet CAP 2020, notamment en lien avec le développement des plateformes le long du canal.
GPMD veut affirmer à travers CAP2020 qu'il aurait toute sa place parmi tous les projets de développement à l'étude sur le Range Nord
Pour répondre à la croissance de la filière conteneur, tous les ports du Range Nord (Ensemble des principaux ports européens alignés le long du littoral méridional de la mer du Nord, entre Le Havre et Hambourg) et en particulier Rotterdam, Anvers et Hambourg qui dominent le Range, se lancent dans l'aménagement de nouveaux terminaux à conteneurs sur des sites dédiés à accueillir, traiter et évacuer des trafics massifiés de transport de marchandises par conteneurs.
Ainsi, Rotterdam prévoit d'augmenter sa capacité d'accueil conteneurs de plus de 50 % en 20 ans.
Anvers et les ports allemands amorcent leurs projets d'optimisation et/ou d'extension. Le Havre, avec Port 2000, a fortement augmenté ses capacités de traitement des conteneurs, mais elles restent limitées à 7 MEVP (MEVP = Millions de conteneurs traités par an).
Ainsi, il est nécessaire d'investir à l'échelle du territoire national, si la France souhaite capter une partie substantielle des 50 MEVP supplémentaires attendus d'ici 2030.
La création de capacité à Dunkerque trouve toute sa place dans la logique de corridor européen et de défense des intérêts portuaires français. Cette création de capacité s'appuierait sur des réserves foncières disponibles dont peu de ses concurrents bénéficient. D'autre part cela permettrait également de répondre à l'enjeu de diversification des filières du port de Dunkerque et de renforcer la place du port en tant que porte d'entrée de son hinterland. Ainsi, la réduction des distances et le report modal de la route vers le rail et le transport fluvial présents à Dunkerque sont des atouts qui favoriseraient cette ambition et qui participeraient à diminuer les émissions de gaz à effet de serre induites par le transport routier de conteneurs.
Une volonté nationale de développer l'attractivité maritime et portuaire, en particulier à Dunkerque
Une première réforme portuaire a été lancée par le Gouvernement français en 2007. En 2013, cette réforme est renforcée par l'élaboration d'une stratégie nationale de développement portuaire dont l'objectif est de donner à la France une place de premier rang dans le commerce international. Les ports sont reconnus comme des acteurs économiques dans la réalisation des ambitions nationales en termes de logistique, de développement industriel et d'aménagement.
Plusieurs objectifs leur sont affectés, notamment la mise en place des offres de transport fiables et compétitives, le développement des modes massifiés et du report modal, la fluidification du passage portuaire des marchandises, ou la conquête des parts de marché par la connaissance des hinterlands cibles.
La politique nationale portuaire définie en 2013 ne spécialise pas les ports français. Chaque port français est responsable de l'adéquation entre ses activités, les trafics maritimes et les marchés de l'hinterland. Deux axes communs de développement existent pour tous les ports : la filière conteneurs/logistique et l'industrie.
En complément, quatre missions parlementaires ont été lancées en 2016, afin de renforcer l'attractivité internationale des ports maritimes français, dont celui de Dunkerque sur l'axe nord. Dunkerque-Port, associé au port de Calais, est identifié comme un acteur clé de cette stratégie nationale, en raison de sa position de « porte d'entrée » maritime du Nord de la France en concurrence forte avec les ports belges et hollandais.
Les nombreux atouts de Dunkerque-Port
Situé à proximité de marchés importants (Ouest de la Belgique et Nord de la France), Dunkerque-Port a de nombreux atouts : porte d'entrée du Nord de la France pour les grands navires, ses conditions d'accès nautiques exceptionnelles, ses importantes réserves foncières, ses dessertes ferroviaire et fluviale, sa fiabilité, son savoir-faire et son dynamisme sont des atouts formidables que l'Union européenne apprécie. Elle a donc intégré notre port dans le réseau transeuropéen de transport (Réseau transeuropéen de transport. Programme de développement des infrastructures de transport de l'Union européenne arrêté par le Parlement et le Conseil européen.), le considérant comme un noeud trimodal sur le corridor mer du Nord-Méditerranée.
Dunkerque-Port est identifié par l'Europe comme un maillon essentiel de la chaîne logistique sur ce corridor, comme une véritable plateforme multimodale, l'objectif du RTE-T est d'affirmer la place du port dans le réseau européen en améliorant ses connexions modales et les reports intermodaux à partir du port.
Le port de Dunkerque dispose ainsi d'atouts naturels permettant d'en faire un point privilégié d'échange des marchandises depuis et vers le Nord de la France dont la région Grand Est.
Il contribue au maillage du réseau européen, à la désaturation des réseaux de transports terrestres et au report modal vers le rail et le transport fluvial.
L'attractivité du Grand Port Maritime de Dunkerque par rapport aux autres ports du Range Nord repose sur :
- son emplacement géographique stratégique ;
- son fort potentiel de report multimodal ;
- son potentiel foncier de 3 000 ha en pleine propriété.
Les investissements qui seraient réalisés sur le port de Dunkerque à travers le projet CAP 2020 permettraient au Port de Dunkerque de faire du segment des conteneurs l'un de ses piliers principaux, comme la sidérurgie ou le roulier, en permettant aux opérateurs des terminaux d'atteindre un trafic suffisant pour leur assurer une performance optimale (amortissement des investissements, meilleures
cadences, taux d'utilisation des outillages, rotation du parc, fréquence des navettes ferroviaires et fluviales).
En conclusion, à travers tous ces atouts, et en s'appuyant sur des logiques de prospection commerciale adaptées qui sont déjà engagées auprès des clients, des chargeurs, des armateurs et des transitaires, Dunkerque-Port peut raisonnablement compter sur le projet CAP 2020, un projet qui s'inscrit dans la même logique de développement que celle des ports belges concurrents, et qui permettrait à Dunkerque-Port de continuer à capter une part de marché raisonnable sur un marché du conteneur en pleine croissance.