Question n°455
Objectifs GES Europe 2030 : quelle convergence ?
le ,Dans sa réponse à la question 268 le maître d'ouvrage indique que l'équilibre des efforts demandés à la France (37%) et à l'Allemagne (38%) est équilibré pour la partie hors ETS. Il me semble que c'est sur les émissions globales que la convergence des émissions par habitant (à PIB/p équivalent) devrait être requise le plus rapidement possible. Or le maître d'ouvrage indique que les émissions du secteur énergétique sont très supérieures en Allemagne (33% au lieu de 8%). Or ce secteur ne semble pas devoir être contraint, l'Allemagne refusant la mise en place d'un prix dissuasif de la tonne de CO2 au niveau européen.
Question : Que fait la France au niveau européen pour s'assurer d'une convergence progressive des émissions par habitant alors que pour la partie ETS l'objectif est européen et non par pays ? Pourquoi cet avantage donné au pays le plus riche d'Europe ?
Nous vous remercions pour votre contribution au débat.
Les émissions globales de l’Allemagne sont effectivement bien supérieures à celles de la France. Ainsi, en 2016, les émissions de l’Allemagne étaient de 909 MtCO2e (hors secteur des terres[1]) en baisse de 27 % par rapport à 1990. Les émissions par habitant sont passées de 15,8 à 11 tCO2e par habitant. Les émissions françaises étaient de 458 MtCO2e en 2016, en baisse de 16 % par rapport à 1990, et les émissions par habitant sont passées de 9,4 à 6,8 tCO2e par habitant. Toutefois comme vous l’évoquez, ces émissions globales incluent le secteur énergétique, qui représente 33 % des émissions allemandes contre seulement 8 % en France, mais également le secteur industriel, plus important en Allemagne. Or ces deux secteurs sont soumis au marché carbone européen et ne sont donc pas inclus dans les objectifs de réductions fixés par le règlement sur le partage de l’effort.
Part des émissions couvertes par le règlement sur le partage de l’effort :
En se limitant aux secteurs soumis au règlement sur le partage de l’effort, les émissions en 2005 étaient de 470 MtCO2e pour l’Allemagne (soit 5,7 tCO2e/habitant) et de 394 MtCO2e en France (soit 6,2 tCO2e /habitant). En 2015, ces émissions étaient de 444 MtCO2e pour l’Allemagne (soit 5,5 tCO2e/habitant) et de 353 MtCO2e (soit 5,3 tCO2e /habitant) pour la France. Ainsi, les émissions par habitant limitées aux secteurs soumis au règlement sur le partage de l’effort sont en réalité proches en France et en Allemagne, du fait de la structure très différente des émissions des deux pays.
En 2030, selon la trajectoire établie par le règlement, les émissions respectives de l’Allemagne et de la France pour le secteur soumis au règlement sur le partage de l’effort seraient respectivement 292 MtCO2e et 248 MtCO2e., soit environ 3,53 tCO2e /habitant et 3,47 tCO2e /habitant en supposant que le taux de croissance de la population reste le même que lors des dix dernières années. Ainsi, le règlement sur le partage de l’effort permet une convergence des émissions par habitant entre la France et l’Allemagne sur les domaines qu’il couvre.
Part des émissions soumises au marché carbone européen :
Le reste des émissions est soumis au marché carbone européen, dont l’objectif de réduction est fixé au niveau de l’UE, sans répartition par État membre.
Notamment du fait de la part importante du charbon dans son mix énergétique, les émissions de l’Allemagne sont bien plus importantes que celles de la France pour la partie soumise au marché carbone européen : environ 453 MtCO2e en 2016 contre 101 MtCO2e, soit 5,5 tCO2e/habitant pour l’Allemagne et 1,5 tCO2e/habitant pour la France.
Il est difficile de prédire l’évolution des émissions par habitant car l’objectif de réduction des émissions couvertes par le marché carbone est seulement défini au niveau européen (-43% en 2030 par rapport à 2005) et n’est pas décliné par pays. Il s’agit là d’une volonté du législateur pour permettre que les quotas d’émission puissent s’échanger librement entre les différents pays de l’Union européenne, ce qui augmente l’efficacité économique du système. L’objectif du marché carbone européen n’est pas une convergence des émissions couvertes par habitant entre les différents États membres mais la réduction des émissions totales des secteurs couverts, d’une façon efficace du point de vue économique.
Cependant, cela n’avantage pas nécessairement les pays qui ont le plus d’émissions. Ainsi, en tenant compte des quotas gratuits distribués à l’industrie pour la protéger contre la concurrence internationale, les secteurs allemands soumis au marché carbone européen ont dû acheter 303 millions de quotas en 2016, alors que les secteurs français ont dû acheter seulement 26 millions de quotas. La directive ETS répartit les revenus des quotas mis aux enchères entre les États. En 2016, l’Allemagne a reçu les revenus des enchères de 197 millions de quotas et la France de 54 millions de quotas. Ainsi, en bilan global, l’Allemagne a été contributeur net au marché carbone européen, en achetant 106 millions de quotas dans les autres États membres, alors que la France a été bénéficiaire net, en vendant 28 millions de quotas au reste de l’Europe. L’Allemagne n’est donc pas avantagée par le système du marché carbone.
Par ailleurs, la France plaide pour l’instauration au niveau européen d’un prix minimum du carbone sur le secteur de la production électrique. Un tel prix minimum, fixé aux alentours de 25 à 30 €/t, permettrait d’accélérer la décarbonation du mix électrique en rendant les centrales à charbon moins compétitives que les centrales à gaz.
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[1] Secteur dit UTCATF en français : Utilisation des terres, changements d’affectation des terres et forêt, prenant en compte les émissions et absorptions liées, LULUCF en anglais