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Question n°552

Le MO fait litière des fake news. Bravo, mais encore un effort SVP (suite)

Ajouté par Bernard ANONYMISé (Arvert), le
[Origine : Site internet]
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Reste à discuter de l’opinion très répandue, selon laquelle le nucléaire est la plus dangereuse des sources d’électricité, aussi bien pour l’homme que pour l’environnement. Cette opinion s’appuie-t-elle sur des faits indiscutables ou est-elle aussi alimentée par des fake news ?

Là, le MO botte en touche puisqu’il écrit (question n°231) :
« En matière de risques et d’impact environnemental, la comparaison entre les différentes énergies est en réalité difficile. En effet, la nature des risques diffère selon les énergies : risque chronique pour les énergies fossiles ou risque accidentel pour l’hydraulique et le nucléaire par exemple. De même, les voies d’exposition et les entités impactées sont différentes selon les substances (travailleurs, population, exposition directe, indirecte, impacts sur les sols, l’eau, etc.), rendant compliquées les analyses de risques et très critiquables leurs comparaisons.
Concernant ces questions environnementales, l’enjeu pour le Gouvernement est avant tout de s’assurer que l’ensemble de ces risques est maîtrisé, et ce pour toutes les énergies et quel que soit le mix énergétique qui sera retenu finalement dans la PPE. Les réglementations générales et sectorielles sont ainsi définies en ce sens.
Pour l’énergie nucléaire, la France a mis en place des exigences de sûreté et de radioprotection très élevées, contrôlées et expertisées par un système dual constitué par l’ASN et l’IRSN, avec l’objectif de protéger la population contre d’éventuels risques radiologiques.
En ce qui concerne les risques liés aux autres types d’énergie, la France a également mis en place une réglementation exigeante, traduite dans le code de l’environnement, qui traite de façon intégrée l’ensemble des risques et impacts liés à une activité via notamment des dispositions relatives aux études d’impact (évaluation environnementale, réglementation relatives aux milieux aquatiques, atmosphériques, au patrimoine, etc.) et aux installations présentant des risques particuliers (réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement notamment) ».

Le MO nous dit également que dans ce cadre il n’existe pas en France d’évaluation de la dangerosité des sources d’électricité par TWh produit (question n°435). Cela paraît peu vraisemblable, et de plus en contradiction avec le texte ci-dessus. Car comment aurait-on pu mettre en place cette réglementation exigeante si les risques courus n’avaient pas été auparavant bien identifiés et quantifiés ?
D’autres pays n‘ont d’ailleurs pas ces pudeurs : figurent par exemple ci-dessous des estimations de la mortalité entraînée par l’usage des principales sources d’électricité en Europe. Est-il vraiment possible que le MO et notre gouvernement ignore encore ces données, puisqu’elles dérivent des travaux méthodologiques du projet ExternE (External Costs of Energy), initié par la Commission Européenne, dont les résultats ont été publiés, pour l’essentiel, de 2001 à 2005.

Charbon Lignite Pétrole Biomasse Gaz Nucléaire
N accidents 0,12 0,12 0,03 --- 0,02 0,02
N décès 24,5 32,6 18,4 4,6 2,8 0,05
N maladies 225 298 161 43 30 0,22
Tableau 1 -Estimation pour l’Europe de la mortalité et de la morbidité de différentes sources d’électricité, par TWh produit. Source Markandya, A, Wilkinson P. : Electricity Generation and Health. The Lancet, 370, 979, 2007

Charbon Lignite Pétrole Gaz Nucléaire Biomasse Hydro Eolien
25 18 37 4 1 12 <1 >1
Tableau 2- Estimation pour la Suède du nombre de décès par source d’électricité par TWh d’électricité produite. Source : Starfelt N Wikdahl CE Energy forum, Economic analysis of various options in electricity generation taking into account health and environmental effects. Proceedings of Ecological Aspects of Electric Power Generation, Warsaw, Nov 14, 2001.

Charbon Fioul Gaz Nucléaire Biomasse Eolien PV
122 150 32 9 77 6 12
Tableau 3- Pertes d‘années de vie par TWh après 2000 selon les différentes sources d’électricité en Europe Source: ExternE-Pol Final technical Report, Rabl A Spandaro J coordinators, 2nd version Aug 2005.

Ces valeurs sont calculées pour l’ensemble du cycle de vie et cumulent mortalité immédiate par accident et mortalité différée par maladie : on constate qu’en Europe, l’essentiel de la mortalité (par accident +prématurée par maladie) est dû à l’usage des combustibles fossiles et que le nucléaire se situe au niveau (faible) de l’éolien, comme c’est aussi le cas pour les émissions de CO2. On remarquera que la dangerosité de la biomasse est jugée plus grande que celle du gaz naturel. Cela est dû à ses importantes émissions de polluants atmosphériques (voir plus loin).
Certains s’étonneront peut-être que l’éolien ait en Europe une dangerosité du même ordre que celle du nucléaire : c’est parce que ces données cumulent mortalité différée par maladie et mortalité immédiate par accident, et que cette dernière n’est pas négligeable pour l’éolien. On peut consulter à ce sujet le site http://www.caithnesswindfarms.co.uk/fullaccidents.pdf
Dans les évaluations de mortalité due aux sources d’énergie, il faut en effet bien distinguer la mortalité immédiate ou quasi immédiate, due à des accidents, de la mortalité prématurée, c’est-à-dire différée mais intervenant à une date plus précoce que ce que prévoit l’espérance de vie moyenne de la population considérée.
La mortalité immédiate due aux combustibles fossiles est considérable, puisqu’il s’agirait à l’échelle mondiale d’environ 10 000 morts PAR AN dus au charbon, et 5000 PAR AN due au pétrole et au gaz (https://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/universite-d-ete/ue2014/... ). Mais ces accidents pourtant parfois extrêmement meurtriers sont oubliés quelques jours après, sauf par les familles de ceux qui en sont victimes, faute d’associations à l’échelle mondiale pour nous rafraichir tous les jours la mémoire comme dans le cas du nucléaire. Comparativement, la mortalité immédiate due aux autres sources d’énergie, y compris le nucléaire, est très faible, à l’exception toutefois de celle due aux ruptures de barrages hydrauliques, comme par exemple à Malpasset en France (423 morts), à Longarone en Italie (1900 morts), à South Fork aux Etats-Unis (2200 morts), à Morvi en Inde (15 000 morts ?), et à Banquiao en Chine (26 000 morts ?).
Aussi impressionnante soit-elle, a mortalité immédiate due aux combustibles fossiles est cependant très faible comparée à la mortalité prématurée attribuée à leur usage, moins de 0,5 % de cette dernière. Cette mortalité prématurée a pour cause principale les polluants atmosphériques produits continuellement par leur combustion, et en particulier ce qu’on appelle les particules fines en suspension dans l’air (en Anglais particulate matter, PM). L’extrapolation à l’EU ex-28, qui produit à peu près 1300 TWh d’électricité par an avec des combustibles fossiles, des valeurs indiquées dans le premier tableau conduit à une estimation de l’ordre de 35 000 morts prématurées PAR AN du fait de la seule production d’électricité. Un groupe d’ONG environnementales1 a estimé en 2016 à environ 25 000 morts par an, les morts prématurées qui seraient dues aux seules grosses centrales à charbon européennes, dont environ 10 000 du seul fait de l’Allemagne. Voir par exemple (http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/pollutio... , https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/353...
En ce qui concerne le nucléaire, la mortalité immédiate est très faible. Il y a bien sûr la mortalité du travail, comme dans toute entreprise, mais à Tchernobyl, le plus grave accident du nucléaire, le nombre de morts immédiates, effets de la radioactivité compris, a été de moins de 40, soit à peu près celui produit par l’explosion d’AZF à Toulouse.
La mortalité différée du nucléaire est due aux particules et gaz radioactifs émis dans l’atmosphère, essentiellement lors des accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima. Selon le comité spécialisé de l’ONU sur les effets de la radioactivité (UNSCEAR), il s’agira pour Tchernobyl peut-être de 4000 morts prématurées au total d’une période de 50 ans, et pour Fukushima, il s’agira peut-être de quelques-unes sur cette durée.
Cependant beaucoup de gens, et les médias et les politiques n’ont rien fait pour les détromper, bien au contraire, ne font pas la différence entre mortalité immédiate et mortalité prématurée et croient par exemple de bonne foi que l’accident de Tchernobyl a fait des milliers de morts immédiates, et même des centaines de milliers.
Dans le cas des combustibles fossiles comme dans celui du nucléaire, le calcul de la mortalité différée se fait en utilisant des relations doses/effets établies par les médecins spécialisés. Ces relations estiment la probabilité d’excès de mortalité par rapport à la normale en fonction de la dose efficace absorbée, de polluants atmosphériques dans le premier cas, de radioactivité dans le deuxième. Dans les deux cas, les relations utilisées sont des relations de proportionnalité entre la probabilité d’excès de mortalité et la dose reçue. Les maladies entraînant la mort ne sont pas les mêmes. Ce sont surtout des maladies bronco-pulmonaires et cardiovasculaires dans le cas des polluants atmosphériques, et des cancers dans le cas de la radioactivité. La comparaison des deux relations montre que l’on peut établir une équivalence approximative, en terme d’excès de probabilité de mortalité par rapport à la normale, entre un millisievert (mSv) de dose efficace reçue et 1 µg/m3 de PM 2,5 dans l’atmosphère.
Ce qui veut dire qu’il est à peu près équivalent, du point de vue de l’excès de mortalité attendu, de vivre en permanence dans une grande ville française, où les densités de PM 2,5 dans l’atmosphère sont de l’ordre de 15 à 20 µg/m3, ou dans un endroit où l’on reçoit une dose efficace de 20 mSv par an de radioactivité ( voir, https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/353...). Une manière plus positive de le dire est qu’il n’est pas plus dangereux, du fait de la pollution atmosphérique, de vivre dans une grande ville française où la densité de PM 2,5 dans l’atmosphère est de 15 à 20 µg/m3, que, du fait de la radioactivité, de vivre dans un endroit où les doses efficaces reçues de radioactivité sont de 20 mSv par an.
Par contre, si les villes où la densité de particules PM 2,5 dans l’atmosphère atteint ou dépasse 15 à 20 µg/m3 sont légion, y compris en Europe, les zones où il est possible d’atteindre 20 mSv par an de dose efficace de radioactivité, sont très rares. On n’atteint par exemple pas ces valeurs dans l’essentiel des zones pourtant dites «contaminées» de Tchernobyl ou de Fukushima).
Au vu de ces données, le nucléaire est donc en fonctionnement normal à un niveau de dangerosité comparable à celui de l’éolien. Lors du seul accident ayant réellement affecté à ce jour les populations du fait de la radioactivité, Tchernobyl, le nombre de morts prématurées anticipé en 50 ANS après l’accident est du même ordre de grandeur que celui anticipé d’une seule semaine de FONCTIONNEMENT NORMAL des centrales à charbon dans le monde du fait de leurs émissions de polluants atmosphériques. Rappelons aussi que le nucléaire, contrairement à ces centrales, n’émet que très peu de CO2. C’est aussi la source d’électricité qui occupe le moins de place par kWh produit et de ce fait, nuit le moins à l’environnement en fonctionnement normal.
Tout cela a amené les climatologues américains Karecha et Hansen2 à conclure : « A partir des données historiques de production, nous avons calculé que l’électricité nucléaire a prévenu 1,8 millions de morts dues à la pollution atmosphérique et l’émission de 64 milliards de tonnes de CO2 équivalent, qui auraient résulté de la combustion de combustibles fossiles. Sur la base des projections globales prenant en compte les effets de Fukushima, nous trouvons que, d’ici le milieu du siècle, l’énergie nucléaire pourrait prévenir de 420 000 à 7,04 millions de morts et de 80 à 40 milliards de tonnes d’émissions de CO2 équivalent supplémentaires, selon le combustible fossile remplacé. De plus, nous montrons que le développement de l’usage du gaz naturel ne permettrait pas de résoudre le problème climatique et provoquerait bien plus de morts que le développement de l’énergie nucléaire ».
Si l’on suit ces auteurs, la France avec son parc nucléaire aurait donc « économisé » et continuera à économiser, par comparaison avec l’Allemagne où les combustibles fossiles dominent dans la production d’électricité, un nombre considérable de morts prématurées, environ 10 000 par an (plus de deux Tchernobyl).
Un bémol est cependant à mettre sur ces estimations, parce qu’il n’est rien dit des diminutions correspondantes de l’espérance de vie. Il s’agirait en fait de moins d’un an en Europe pour les combustibles fossiles, mais quand même de quelques années pour les personnes les plus concernées. La comparaison des tableaux 1 et 3 montre qu’il s’agirait d’environ 5 ans pour le charbon. Pour le nucléaire, il n’y a guère de données. Une indication est donnée par le suivi des survivants d’Hiroshima et Nagasaki, dont l’espérance de vie des personnes irradiées aurait diminué de moins d’un an par rapport à celle des personnes non irradiées.

Ma question au MO est la suivante : Peut-il confirmer, ou infirmer, les données et les propos ci-dessus, argumentaire à l’appui ?

 

1-WWF European Policy Office, Sandbag, CAN Europe and HEAL, 2016 :Europe’s Dark Cloud ; How coal-burning countries are making their neighbours sick https://env-health.org/IMG/pdf/dark_cloud-full_report_final.pdf
2-Kharecha, P.A., and J.E. Hansen, 2013: Prevented mortality and greenhouse gas emissions from historical and projected nuclear power. Environ. Sci. Technol., 47, 4889-4895, doi:10.1021/es3051197. https://pubs.giss.nasa.gov/abs/kh05000e.html

 

Date de la réponse:
Réponse de La maîtrise d’ouvrage, le
Réponse:

Les données sont rassemblées par le Service de la donnée et des études statistiques (SDES) du Ministère de la Transition écologique et solidaire.

En particulier, pour les bilans énergétiques annuels, le SDES travaille avec l'aide ou les données des organismes suivants  (par ordre alphabétique) :

En outre, le cadrage macro-économique des scénarios 2018 s’appuie sur une note de cadrage de l’Union européenne (rapport EU référence scenario).