Avis n°107
Le risque nucléaire : un fantasme ?
le ,Alors que la production d'électricité nucléaire assure à la France une électricité à un coût raisonnable (0,15 €/kWh près de deux fois moins cher qu'en Allemagne à 0,27 €/kWh ), très peu émettrice de CO2 avec un contenu de 62g/kWh à comparer à 486g/kWh et qui évite des importations massives de charbon ou de gaz, de nombreux français souhaitent une réduction ou même la suppression du recours à l'énergie nucléaire pour la production d'électricité. Les deux raisons principales justifiant cette attitude assez paradoxale, sont les risques associés à cette énergie et la problématique de la gestion des déchets . Or, une étude sérieuse du risque nucléaire réserve quelques surprises. Une étude comparative des risques associés à la production d'électricité a été menée par l'Union Européenne . Ses principaux résultats ont été résumés par la revue Forbes dans le tableau suivant :
Techniques : Charbon Pétrole Gaz Biomasse PV éolien Hydro Nucléaire
Décès / 1000 TWh : 170000 36000 4000 24000 440 150 1400 90
Tableau 1 - Nombre de décès calculé pour la production de 1000 TWh (deux fois la consommation française) à partir des données observées pour différentes techniques de production d'électricité.
Ces calculs sont faits sur l'ensemble du cycle de vie, depuis l'extraction minière jusqu'aux conséquences des émissions atmosphériques et aux catastrophes. Pour le nucléaire les conséquences de catastrophes de TMI, Tchernobyl et Fukushima sont incluses.
De leur côté, Kharecha and Hansen ont montré que, du fait de la pollution provoquée par les centrales électriques utilisant du charbon qui les auraient remplacées les centrales nucléaires ont évité près de 2 millions de décès prématurés.
Toujours sur l'ensemble du cycle de vie, le calcul des émissions de CO2 par technique employée donne le Tableau 2 :
Technique : Charbon Gaz CCG Hydro Eolien Solaire PV Nucléaire
Emissions (gCO2/kWh) : 1024 491 6 15 45 16
Tableau 2 - émissions de CO2 calculées sur le cycle de vie dans le cadre du programme Externe
Sources : http://www.sfen.org/fr/nuclear-for-climate et http://www.sauvonsleclimat.org/images/... (diapo 12)
Pour ce qui concerne les atteintes à la biodiversité, on peut considérer qu'elles seront d'autant plus grandes que la surface consacrée à la production sera grande. Le Tableau 3 montre la surface qui serait nécessaire pour produire 500 TWh par an (environ la consommation française) selon les technologies.
Technique : Nucléaire Fossiles Solaire (PV) Eolien au sol Biomasse
Surface km2 : 160 400 8 000 50 000 200 000
Tableau 3 - Surface théorique nécessaire pour fournir l'énergie électrique consommée annuellement en France pour les principales technologies.
En conclusion :
L'électricité d'origine nucléaire est la moins meurtrière, la moins émettrice de CO2, la moins émettrice de particules, la plus respectueuse de la biodiversité. Alors pourquoi s'en passer ?
Ce qui est vrai est qu'elle est l'objet de peurs injustifiées qui peuvent conduire à des paniques dans le public et les instances politiques.
Peur du Nucléaire militaire ou civill
Très bonne question . Le débat présent ne porte ni sur l'armement ni sur le nucléaire en tant que tel, mais entre autres, sur ce qu’on appelle ke « nucléaire civil ». Même si, à la suite de ce débat, la France renonçait comme l'Allemagne, à l'électricité nucléaire, elle ne renoncerait pas, pour autant, à la force de frappe. Ceci étant les deux explosions de Hiroshima et Nagasaki ont impressionné tous les humains. Ils ont découvert l'énorme puissance destructive de l'énergie nucléaire. Puis les maladies induites par de "mystérieux rayonnements" à moyen et à long terme apparurent des mois et des années après l'explosion initiale.
Par ailleurs, dans l'atmosphère de la guerre froide, la possession de l'arme nucléaire apparut comme une question de vie ou de mort. Il faut aussi reconnaître que la peur étant, dans certains cas, le commencement de la sagesse, la disponibilité partagée de l'arme nucléaire par les USA et l'URSS a probablement évité une troisième guerre mondiale, de même qu'elle a sans doute empêché une guerre ouverte entre le Pakistan et l'Inde.
Lorsqu'un pays dispose de l'arme nucléaire les citoyens n'imaginent pas un instant qu'ils puissent en être victimes. Ce sont les armes des autres qui pourraient représenter un danger (cf La Corée du Nord, l'Irak, la Lybie). Au contraire, la disponibilité de l'arme nucléaire rassure plutôt les citoyens.
Le mouvement anti-nucléaire prit naissance aux USA sous la forme d’un sentiment de culpabilité de certains des chercheurs qui avaient participé à la mise au point des bombes (« bulletin of atomic scientists »). Leur premier combat fut de lutter contre les essais atmosphériques . Naturellement le danger des contaminations radioactives fut souligné et la peur des « nuages radioactifs » se généralisa.
Le fameux rapport Meadows « The limits to growth” (1972) accéléra le développement du mouvement environnementaliste américain (Rachel Carson publie « Silent Spring » en 1961, création de Green peace en 1971). Ce mouvement prônait la décroissance. C’est alors que certains responsables de l’industrie nucléaire, fort des premières réalisations de réacteurs sur générateurs affirmèrent que l’humanité n’était pas menacée d’une pénurie énergétique, contrairement aux prévisions du rapport Meadows. Dans la lutte entre « décroissantistes » et « croissantistes » la question du nucléaire devint centrale. Pour les « décroissantistes », emmenés par Greenpeace, le nucléaire devint l’ennemi principal à abattre. Un mouvement s’opposant à la construction de nouveaux réacteurs s’organisa aux USA, trouvant un allié objectif dans l’industrie charbonnière qui se sentait menacée par le développement des réacteurs nucléaires pour la production d’électricité. Utilisant la politique de la peur le mouvement anti-nucléaire sut utiliser les médias pour diffuser la peur du nucléaire grâce à des films comme « Godzilla, king of the monsters » ou le « Syndrome chinois ». Ce dernier film fut, en quelque sorte, prémonitoire. Citons Wikipedia :
« Le film est fondé sur un scénario qui envisage la possibilité d'un emballement du réacteur nucléaire de la centrale (résultant de lacunes volontaires dans le contrôle des principaux composants de la centrale au moment de sa construction) conduisant celui-ci à faire fondre son enceinte de confinement et à traverser le sol, polluer les nappes phréatiques, puis, par évaporation, créer des nuages radioactifs (syndrome chinois) ; en théorie jusqu'au centre de la Terre (et non jusqu'en Chine comme le laisserait supposer le titre du film).
Sorti douze jours avant l'accident nucléaire de Three Mile Island, ce film eut un écho considérable dans l'opinion et alimenta le mouvement contre l'énergie nucléaire aux États-Unis. »
Alors que le rythme de construction de réacteurs avait nettement ralenti aux USA du fait de l’opposition conjointe du mouvement anti-nucléaire et du lobby charbonnier, l’accident de TMI y mit fin, signifiant le triomphe, dans un premier temps, de l’industrie charbonnière, et dans un second temps de celle des gaz et pétrole de schiste. Par quelle aberration les écologistes sincères peuvent-ils se féliciter de cette évolution conduisant à des émissions de CO2 par américain 4 fois plus importantes que celles émises par les Français ?
Poursuivant sa politique de la peur, Greenpeace, entre autres, compara la dangerosité des réacteurs et des engins explosifs nucléaires en comparant les inventaires fissiles des uns et des autres. Ainsi un REP contient environ 1 tonne d’Uranium 235 alors que la bombe d’Hiroshima contenait environ 10 kg d’Uranium 235. L’explosion de Hiroshima ayant fait 150000 morts, à en suivre Greenpeace, une catastrophe comme celle de Tchernobyl devait donc entraîner plusieurs millions de morts sauf que….les victimes de l’explosion de Hiroshima l’ont été essentiellement du fait de l’effet de souffle, de la chaleur et des flammes. L’irradiation très intense a entraîné les décès de plusieurs milliers d’irradiés dans les quelques mois suivant l’explosion (ce qu’on appelle les effets déterministes des irradiations intenses) et d’environ 500 décès dus à des cancers déclarés chez les 40000 survivants aux premiers trois premiers mois suivants l’explosion…. Et pratiquement aucun décès n’a été attribué aux retombées radioactives de l’explosion. Ainsi, les estimations sérieuses (celles de l’OMS) les plus pessimistes des décès dus à l’irradiation dus à Tchernobyl . n’excèdent pas quelques milliers sur une durée de 50 ans. Alors que la soi-disant Académie de New York et Greenpeace estimaient à plus d’un million le nombre de décès dus à l’irradiation post Tchernobyl; de quoi faire peur, effectivement.
De même, le soi-disant spécialiste de Greenpeace John Large a-t-il affirmé que l’EPR serait le réacteur le plus dangereux du monde car le plus puissant et, donc ayant l’inventaire de matière fissile le plus élevé. Ce type de raisonnement largement diffusé par les organisations anti-nucléaires, est analogue à celui qui mesurerait le danger d’une voiture au volume de son réservoir, indépendamment des systèmes de sécurité (freinage, qualité des pneus, tenue de route, expérience et prudence du conducteur, airbags etc.).
Toujours dans la même veine les organisations anti-nucléaires associent-elles le caractère nucléaire de la catastrophe de Fukushima aux 25000 décès constatés ; alors que ces 25000 décès sont dus aux noyades ou aux écrasements sous les décombres consécutifs au tsunami proprement dit.
Finalement tous les amalgames sont utilisés pour créer la peur à la seule mention du terme nucléaire, sauf, précisément lorsqu’il se rapporte aux armes qui sont supposées être dangereuses pour nos ennemis.