Q152 • Sandrine COURTOIS, LE TREPORT, le 16/07/2010
Garantissez les propriétaires contre l'éventuel risque de dévaluation immobilière !
La Compagnie du Vent s’appuie sur une étude américaine réalisée en 2009 par le "Department of Energy’s Lawrence Berkeley National Laboratory", un service d’une université américaine : "The Impact of Wind Power Projects on Residential Property Values in the United States: A Multi-Site Hedonic Analysis".
L’utilisation de cette étude par votre société appelle plusieurs remarques de notre part, remarques qui incitent à la méfiance.
- 1ère source de méfiance : cette étude ne conclue pas à une absence d’impact du fait de la présence d’éoliennes sur la valeur immobilière mais à l’absence d’effets systématiques.
Il peut donc y avoir au cas particulier de Monsieur TOUTLEMONDE un impact. Par exemple, si l’acquéreur d'une maison recherche une vue sur la mer.
- 2ème source de méfiance et la PRINCIPALE : cette étude est très fortement contestée aux Etats-Unis par les professionnels de la valorisation immobilière. La méthode statistique utilisée comporte de graves lacunes scientifiques ce qui la vide de son sens.
Voir pour cela les liens internet suivants (en anglais mais il y a sur Google des traducteurs plus ou moins efficaces) :
http://www.powermag.com/blog/index.php/page/3/
http://www.windaction.org/faqs/24176
- 3ème source de méfiance : citer une étude qui rend compte du comportement du consommateur américain pour anticiper la réaction du consommateur français est une erreur.
- 4ème source de méfiance : Pour preuve de la véracité de l’affirmation 3, les juges français dans différentes décisions ont déjà jugé de baisses de valeur du fait de la présence d’éoliennes à proximité de certaines habitations :
http://www.lignieres-chatelain.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=96:parcs-eoliens-depreciation-des-biens-immobiliers&catid=68:eolienne
POINT IMPORTANT pour ne pas effrayer inutilement, il s’agissait d’éoliennes très proches - moins de 2 km. AUCUN rapport avec notre situation.
CONCLUSION :
En termes d’affichage il est dommage et trompeur de citer des études « scientifiques » sans informer les citoyens des débats très critiques existant à leur sujet.
En réalité, votre Compagnie n’est certaine de rien en l’absence d’études sérieuses et reconnues en France.
CELA NE VEUT PAS POUR AUTANT DIRE QUE LE RISQUE EXISTE mais il convient qu’à titre conservatoire, la Compagnie puisqu’elle est certaine de l’absence d’impact garantisse les propriétaires d’éventuelles baisses de valeur.
QUESTION : ETES-VOUS PRETS A PRENDRE L'ENGAGEMENT JURIDIQUE DE COMPENSER LES EVENTUELLES DEVALUATIONS IMMOBILIERES ?
> Voir la réponse
La Compagnie du Vent, le 28/09/2010,
Bonjour,
Concernant l'étude américaine sur l'immobilier, nous tenons à vous préciser qu'en France, aucune étude équivalente n’a jamais été conduite, que ce soit en termes de méthodes ou d’ampleur ; on ne peut que le regretter. Si des études ont pu être conduites en France de façon très ponctuelle (comme celle du CAUE de l’Aude), elles présentent moins de rigueur scientifique.
L’étude américaine sur laquelle nous basons le comparatif avec les impacts sur la valeur immobilière des biens à proximité de parc éolien présente les intérêts suivants :
- il s’agit d’une étude réalisée par un organisme indépendant (le Lawrence Berkeley National Laboratory) pour le compte du Ministère américain de l’énergie (U.S. Department of Energy, Office of Energy Efficiency and Renewable Energy) ;
- c’est une étude de très grande ampleur (la plus grande jamais conduite à travers le monde à notre connaissance) : elle a concerné l’analyse de près de 7 500 transactions immobilières ; conduite sur trois années, elle s’est intéressée à différents configurations : avant des projets éoliens, pendant la construction et ensuite une fois les éoliennes en fonctionnement ;
- il s’agit également d’une étude particulièrement fine puisque les 7 459 résidences concernées ont fait chacune l’objet d’une visite individuelle pour apprécier par exemple si effectivement les éoliennes étaient visibles ou non ;
- l’étude a porté sur de nombreuses configurations : 10 zones d’études relatives à 24 parcs éoliens situés dans 9 Etats différents (Washington, Oregon, Wisconsin, New York, Pennsylvanie, Illinois, Iowa, Oklahoma et Texas) ; l’éloignement entre les habitations et la plus proche éolienne était compris entre 250 mètres et 16 km ;
- enfin c’est une étude récente : elle a été achevée en décembre 2009.
Cette étude comporte cependant des limites par rapport au contexte du projet de parc éolien en mer des Deux Côtes. En effet, elle n’a concerné que des parcs éoliens sur terre, et la transposition à la Somme et à la Seine-Maritime peut se poser, tout comme elle se poserait pour tout autre étude, même française.
Un extrait des conclusions de l’étude (cf. page 75 du rapport final) résume la problématique :
« Based on the data and analysis presented in this report, no evidence is found that home prices surrounding wind facilities are consistently, measurably, and significantly affected by either the view of wind facilities or the distance of the home to those facilities. Although the analysis cannot dismiss the possibility that individual or small numbers of homes have been or could be negatively impacted, if these impacts do exist, they are either too small and/or too infrequent to result in any widespread and consistent statistically observable impact »
Elle peut être traduite ainsi :
« basés sur les données et l’analyse présentées dans ce rapport, aucune indication, aucun signe n’a été trouvé sur le fait que le prix des habitations riveraines d’un parc éolien soit affecté de façon significative, quantifiable et régulière, soit par la vue sur les éoliennes, soit par la distance au parc éolien. Bien que l’analyse n’écarte pas le fait que des habitations aient été ou puissent être affectées négativement, si ces impacts existent, ils sont trop faibles et/ou trop rares pour être appréciables statistiquement ».
Plus proche de la France, au Danemark, « Horns Rev » I et II, les deux plus grands parcs éoliens en mer actuellement en service au monde avec un total de 171 éoliennes, sont implantés au large du Jutland, la région la plus touristique du pays après Copenhague. Ils sont composés de 2 parties, dont l’une, installée en 2002 comporte 80 éoliennes situées à 14 kilomètres comme le projet « Large ». Ce parc éolien a permis d’élargir l’éventail des activités touristiques proposées par la région, et aucun impact négatif sur l'immobilier n’est à remarquer. La valeur des maisons a au contraire continué à augmenter et le secteur concerné reste l'un des plus recherchés du Danemark.
Les enquêtes d’opinion conduites en France (en particulier par l’Ademe), sur l’acceptabilité des énergies renouvelables en général et de l’éolien en particulier montrent des opinions extrêmement positives, liées en particulier à la conscience de la nécessité d’agir contre le changement climatique. Le Commissariat Général au Développement Durable, un organisme dépendant du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, a publié en Juin 2009 un document de 132 pages intitulé « l’acceptabilité sociale des éoliennes : des riverains prêts à payer pour conserver leurs éoliennes. Enquête sur quatre sites éoliens français ». Les phrases suivantes, têtes de paragraphes du résumé, font ressortir des enseignements de ce travail : « seuls 5% des riverains trouvent leurs éoliennes gênantes », « un démantèlement qui serait coûteux… pour le bien-être des riverains », « des extensions de site plutôt source de bien-être social », « les riverains ne préfèrent pas forcément les sites éoliens de petite taille », « des résultats à transférer avec prudence à d’autres sites ». En France, le législateur a prévu d’accompagner l’implantation d’un projet éolien en mer du versement de recettes fiscales à destination du territoire l’accueillant. En effet, conformément à la loi de finances rectificative du 30 décembre 2005 et aux décrets du 1er avril et du 28 août 2008, la Compagnie du Vent verserait chaque année une taxe spécifique pendant toute la durée de vie du parc.
Dans le cadre du projet « Large » que nous privilégions pour le moment, elle s’élèverait à 8,5 millions d’euros par an et serait partagée à moitié entre communes littorales et usagers de la mer. Près de 4,2 millions d’euros seraient ainsi mis à disposition des communes chaque année.
Ces fonds pourraient notamment servir à la préservation et à l’amélioration de la qualité des eaux de baignade puisque plusieurs stations locales ont fait du Pavillon Bleu une « signature » de leur démarche qualité, au développement de manifestations touristiques, à la mise en place ou à l’amélioration des équipements communaux… Bref, ils serviraient non seulement à renforcer l'attrait touristique du secteur mais également à améliorer le standing des communes en question et donc à valoriser l’immobilier local.
Plus généralement, de nombreux paramètres interviennent dans l’appréciation de la valeur d’un bien immobilier (consistance du marché, disponibilité des services locaux, standing de la commune, loyer de l’argent, appréciation des grands aménagements locaux, histoire personnelle de l’acheteur potentiel, …). Certains sont des paramètres objectifs, d’autres sont des paramètres subjectifs : l’exemple local des riverains de la Centrale nucléaire de Penly, cité par M. le Vice-président de la Communauté de communes du Petit Caux à la réunion locale de St Martin en Campagne le 29 juin dernier, témoigne de la question : « […] nous avons vécu, il y a maintenant trente ans, un peu le même type d’expérience, beaucoup d’affirmations, beaucoup de craintes, certaines légitimes, notamment en matière immobilière. […] J’ai connu des gens, il y a trente ans, qui avaient vendu leur maison par peur de l’impact de l’implantation d’une centrale nucléaire. On vit aujourd’hui évidemment l’inverse. L’immobilier a grimpé en flèche et je peux vous dire que notre patrimoine immobilier n’a pas subi ce contrecoup. C’est un élément très important qui peut être ramené à ce dossier. »
Les décisions de justice sur la question immobilière concernent la nécessité d’informer. Ainsi, un arrêt du 8 juin 2010 de la Cour d’Appel d’Angers a condamné des vendeurs d’un bien immobilier pour omission volontaire d’information des acquéreurs quant à l’existence d’un projet de parc éolien à environ un kilomètre. Par cet arrêt, la Cour d’Appel a annulé la promesse d’achat du bien.
C’est donc, avant toute chose, sur l’absence d’informations quant à un projet d’aménagement, en l’occurrence un parc éolien, que la Cour a rendu son arrêt. Il y a eu, volontairement selon la Cour, involontairement selon les vendeurs (qui ont acquis un terrain encore plus proche du projet éolien), omission d’informations.
Dans un premier temps, par un jugement du 9 avril 2009, le Tribunal de Grande Instance d’Angers avait condamné les vendeurs à verser 36 000 euros de dommages et intérêts aux acquéreurs. Le 8 juin 2010, la Cour d’Appel d’Angers a rendu un arrêt qui a modifié ce jugement et a fixé à 18 000 euros le montant de ces dommages et intérêts.
Aujourd’hui les vendeurs se doivent de trouver un nouvel acquéreur, et les premiers acquéreurs se doivent de rechercher une autre maison.
Si les 18 000 euros de dommages et intérêts représentent environ 10% de la valeur négociée du bien, ils ne présagent pas d’une éventuelle future dépréciation ou appréciation de la valeur du bien immobilier qui dépendra de la négociation entre les vendeurs et les nouveaux acquéreurs potentiels.
En conclusion, si l’on ne peut exclure des dépréciations ponctuelles de la valeur immobilière de certains biens consécutives au projet de parc éolien en mer des Deux Côtes, de la même manière on ne peut exclure des valorisations des biens immobiliers consécutives à l’amélioration du standing de la commune, à l’appréciation réelle des futurs impacts visuels des éoliennes et des éoliennes en général…
Car les analyses menées tant aux USA qu’en France montrent que l’impact d’un projet éolien sur l’immobilier est une question complexe car humaine. Cet impact n’étant pas obligatoirement négatif, au contraire, des exemples démontrant que des parcs éoliens, à terre ou en mer, se sont parfaitement insérés dans leur territoire et bénéficient de l'acceptation des populations locales.
La Compagnie du Vent travaille à un projet minimisant les impacts sur l'environnement, et notamment le paysage. En tout état de cause, l’accompagnement touristique du parc peut permettre de lui donner une dimension traditionnelle, locale et patrimoniale, tout en développant de manière concomitante une image forte de modernité, attractive et novatrice.
Enfin, et d’une manière générale, La Compagnie du Vent ne peut s’engager aujourd’hui sur d’éventuels dédommagements d’hypothétiques pertes de valeur immobilière causées par le parc éolien, mais respectera évidemment les obligations légales en vigueur.
Cordialement