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AVIS
LNPN : un projet qui soulève beaucoup de questions
par Philippe GUIDÉE , CITOYEN (NEAUPHLE LE CHÂTEAU), 03/02/2012
A la fois parce que le projet de la LNPN actuellement soumis à la procédure de débat public me concerne en tant que francilien, puisqu’il s’inscrit dans le cadre du projet du Grand Paris, et que le sujet des grandes infrastructures de transport m’intéresse, je vous adresse mon avis sur ce projet sans vouloir ou pouvoir en traiter tous les aspects et toutes les problématiques.

Pour m’informer, j’ai consulté une bonne partie des documents associés au dossier du maître d’ouvrage, participé à la réunion thématique du 17 janvier concernant le financement et la rentabilité du projet et cherché sur Internet des informations complémentaires de nature à supporter mon argumentation.

A l’occasion de la réunion du 17 janvier, j’ai noté plus particulièrement la tonalité très majoritairement favorable au projet des « Cahiers d’acteurs », mais aussi l’origine principalement normande des contributions apportées par cette voie au débat . Je ne suis pas surpris par la nature de ces réactions, puisqu’elles répondent à une proposition de temps de trajets plus courts, même si ce n’est pas de beaucoup, des trains plus confortables et des fréquences de circulation plus élevées, sans que soit précisé qui paiera la réalisation du projet, l’usager, le contribuable ou les deux : dans ces conditions, une majorité d’opinions favorables n’est pas difficile à trouver.

Je suis d’ailleurs étonné par la minceur du développement consacré dans le dossier du maître d’ouvrage aux modalités de financement : 4 pages sur 131 me semblent un peu « short » en ces temps de disette budgétaire où il ne s’agit pas d’arrêter les investissements, mais de les consacrer aux seuls projets dont la rentabilité financière et socio-économique et l’utilité publique sont avérées.

En contrepartie la consultation des avis et des questions sur le site de la CPDP m’a révélé que le penchant marqué et quelque peu monolithique, à quelques exceptions près, des « Cahiers d’acteur » en faveur du projet est contrebalancé par les avis individuels que je juge généralement pertinents et argumentés et qui méritent à ce titre d’être pris en considération par la commission particulière de débat public.

N’ayant qu’une connaissance imparfaite de la géographie de la Normandie et de ses sites, je n’aborderai pas les aspects environnementaux du projet, bien que je considère personnellement que les nuisances d’une voie ferrée, à grande vitesse ou non, sont bien inférieures à celles de tous les autres moyens de transport terrestres ou aériens, si l’on exclut la voie fluviale handicapée par sa lenteur et les ballons dirigeables !

1. Quelle est la véritable raison d’être du projet ?

Au fil des pages du dossier, on trouve tellement de raisons présentées comme complémentaires, que l’on se demande si cette pléthore d’objectifs ne nuit pas à la bonne définition du projet, une somme de raisons, parfois valables mais aussi porteuses de contradictions, ne suffisant pas à justifier un projet d’un tel coût. S’agit-il :
- D’améliorer l’actuelle desserte de la banlieue Ouest et de Mantes en particulier ?
- D’élargir la banlieue de Paris jusqu’au Havre, Caen et même Cherbourg ?
- De dégager des sillons pour le fret sur la ligne actuelle ?
- De réduire, avec le risque grave d’un effet contraire, le déséquilibre économique croissant entre la région parisienne et le reste du territoire national ?
- De concrétiser dans une forme différente, plusieurs décennies après avoir été énoncée, la proposition de « prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer ! » ?
- Un peu de tout à la fois ?

Un tel « patchwork » de raisons ne peut aboutir qu’à un projet bancale ne remplissant bien aucune de ses missions à force de vouloir les satisfaire toutes.

2. Comment une LGV répondra à des besoins économiques et personnels disséminés sur le territoire qu’elle doit efficacement desservir ?

Alors que le TGV Sud-Est présente le triple avantage de relier les trois principales agglomérations du territoire, d’avoir des trafics saisonniers d’appoint en été et en hiver et d’opérer sur la distance idéale pour capter tout ou partie de la clientèle aérienne, la LNPN ne présente pratiquement aucun de ces avantages et s’apparenterait plutôt à du cabotage de luxe qu’à un projet économique cohérent. Sans surprise, chacun veut avoir une Gare TGV près de chez lui, mais pas de LGV au bout de son jardin, version moderne du « train pour Paris » dont chaque élu local obtenait l’arrêt dans sa circonscription et pestait contre sa lenteur pour atteindre la capitale !

Il est donc permis de douter du réel intérêt économique et pratique d’un train supposé être à grande vitesse qui s’arrêterait tous les 50 kilomètres parce que les « acteurs des cahiers » exigeraient la satisfaction de leurs souhaits. Bien plus efficace et moins coûteuse serait la rénovation et l’amélioration du réseau existant, complètement délaissé et désinvesti depuis trente ans !

3. Le problème Paris-Mantes

Le prolongement de la ligne RER Eole faisant l’objet d’une action distincte avec financement assuré au moins partiellement sur le budget du STIF, il est permis de penser que ce problème sera résolu ou en tout cas comparable à celui des autres relations de grande banlieue (les relations de grande banlieue depuis Montparnasse ne sont pas logées à meilleure enseigne !) et des aménagements locaux rendraient injustifiés les coûts exorbitants du passage de la LGV en zone urbaine ; si l’on veut construire cette ligne jusqu’à la Défense, pourquoi ne pas utiliser les deux voies centrales de l’A 14, que les camions n’empruntent pas et où une voie routière dans chaque sens à 90 km/h suffirait pour le trafic local qu’elle assure ? Le tunnel existe déjà jusqu’à la Défense et une telle solution constituerait un signal fort de la volonté réelle d’en finir avec le tout-automobile dans les villes.

4. Le fret

De fait le port du Havre et aussi celui de Rouen souffrent d’une inadaptation de leurs relations ferroviaires avec l’ « Hinterland » qui ne se réduit pas à la région parisienne, plus consommatrice de biens importés qu’exportatrice de produits manufacturés. En cela l’idée d’un tunnel ferroviaire sous l’estuaire de la Seine est à considérer et paraît faisable techniquement et géologiquement à un coût raisonnable et avec un réel intérêt économique et environnemental. Lors d’une récente émission télévisée sur la politique des transports en France, un intervenant évoquait l’intérêt d’aménager des lignes orientées vers le fret longue distance entre Le Havre et les Sud-Ouest et – Est de la France.
Il apparaît que la ligne actuelle Le Havre – Rouen constitue un goulot d ‘étranglement pour l’écoulement du trafic ; aussi aménager un axe Sud depuis le Havre soulagerait l’axe Est, qu’une adaptation de la liaison le Havre – Amiens en direction du Nord et de l’Est faciliterait. Il n’y a pas de fatalité pour le fret ferroviaire, pourtant dans un état critique, si les moyens de son développement et les conditions de sa survie lui sont accordés.

5. La rentabilité et les modalités de financement du projet

Malgré l’intérêt de la réunion thématique du 17 janvier 2012 et la qualité des exposés qui y ont été présentés, disons que je suis resté sur ma faim avec le sentiment d’avis très partagés de la part des intervenants sur la validité économique du projet . Je conçois que les chiffres cités dans le Schéma directeur national des liaisons ferroviaires de 1991 et le rapport Rouvillois de 1996 aient pu évoluer depuis la rédaction de ces documents, mais je doute que ce soit au point de rendre rentable un projet qui était et de loin le moins rentable financièrement et socio-économiquement parlant à cette époque là.
L’ « effet fret » qui justifierait à lui tout seul la construction de la LNPN ne me paraît pas suffisant dans la mesure où le retour d’expérience de 10 ans d’exploitation de la ligne LGV Paris-Lyon n’indiquait pas en 1991 un accroissement significatif de la part du fret ferroviaire entre ces deux villes, alors même que l’ancienne ligne « impériale », fleuron du réseau de l’époque, se trouvait totalement libérée pour les besoins régionaux et le fret.
De fait je suis venu à cette réunion avec des doutes et reparti avec une quasi-certitude que ce projet conservait une rentabilité médiocre ne permettant pas de justifier sa réalisation sous cette forme.