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Avis n°182

Le nucléaire reste un atout en France

Ajouté par Paul ANONYMISé (Gif-sur-Yvette), le
[Origine : Site internet]

Pour commencer, voici le rappel de quelques évidences trop souvent oubliées.

1 – L'usage de l'électricité est à promouvoir. D'une part, c'est une forme pratique tant pour son transport que pour son utilisation ; elle peut être transformée sur place avec un rendement excellent. D'autre part, elle ne génère aucun effet nocif sur l'environnement. Un exemple typique d'action à promouvoir est celui du chauffage des habitations : avec une bonne isolation et l'utilisation de pompes à chaleur, la dépense reste limitée, l'approvisionnement et la mise en route ne demandent aucune action et l'émission de gaz à effet de serre est nulle. Pourquoi donc a-t-on dissuadé ces dernières années le choix du chauffage électrique ? Un autre exemple est celui du transport : l'utilisation des véhicules électriques, encore aujourd'hui marginal, est freiné par le manque de bornes de recharge au domicile des particuliers et sur les axes routiers, un équipement pourtant peu onéreux.

2 – Les deux principales sources d'énergie dites renouvelables, l'éolien et le solaire, sont par essence intermittentes. Le vent ne souffle que quand bon lui semble ; le soleil disparaît la nuit et est peu efficace dès que le ciel est ennuagé. Globalement, le rapport entre la puissance moyenne fournie et la puissance nominale ne dépasse pas une valeur de l'ordre de 15 à 20 % pour l'éolien et à peine plus pour le solaire dans nos régions. Par ailleurs, ces énergies sont extrêmement dispersées : il faut équiper des surfaces gigantesques pour capter une quantité d'énergie significative. Par exemple, il faut s'équiper d'environ 1 000 éoliennes pour fournir l'énergie d'une centrale thermique ou nucléaire de 1 000 MW qui occupe un terrain de quelques hectares.

3 – Les énergies dites fossiles – charbon, pétrole et gaz – sont, à juste titre, décriées pour leurs effets désastreux sur l'environnement. Par ailleurs, elles s'épuisent rapidement : à un horizon de quelques siècles pour le charbon mais seulement de quelques décennies pour le gaz et le pétrole.

4 – Dans l'état actuel des technologies, l'électricité ne se stocke pas : la production doit à chaque instant être calée sur la demande.

Quelle voie choisir ?

La production annuelle d'électricité en France est de l'ordre de 400 TWh. Pour les trois quarts, soit 300 TWh, cette production est assurée par 58 réacteurs nucléaires (le reste provient surtout de l'hydraulique). Si l'on voulait assurer cette production par de l'énergie éolienne, il faudrait y consacrer environ 60 000 éoliennes, soit quelque 600 km2 de territoire, puisqu'une éolienne occupe à peu près un hectare. Si l'on choisit le solaire au lieu de l'éolien, la surface occupée est du même ordre de grandeur. Les Français sont-ils prêts à avoir 600 éoliennes par département ou autant de champs de panneaux solaires ?

Dans l'hypothèse où la réponse est « oui », il faudra investir non seulement dans le matériel de production – éoliennes ou panneaux solaires – mais aussi dans les dispositifs de stockage de l'électricité. Il faudrait, en effet, stocker l'électricité pendant les périodes où ce matériel produit et où la consommation est faible, pour la restituer sur le réseau lorsque ce matériel ne produit pas et lorsque la consommation est forte. En ordre de grandeur, on peut estimer nécessaire de devoir stocker une semaine de consommation : cela nécessiterait 16 milliards de batteries équivalentes à celle d'une voiture, soit un investissement de quelque deux cent milliards d'euros ; la dépense serait au moins similaire si l'on utilisait d'autres procédés (STEP, volants d'inertie, chaleur, etc.).

On pourrait aussi compenser l'absence de production d'une source d'énergie renouvelable par la mise en marche de centrales. S'il s'agit de centrales à énergie fossile, l'émission de gaz polluants reprendrait à un rythme bien supérieur au rythme actuel. S'il s'agit de centrales nucléaires, cela veut dire qu'on ralentit leur production quand les sources d'énergie renouvelables fonctionnent et qu'on les utilise à pleine puissance quand ces sources ne fonctionnent pas. Certes, cela est possible, puisque la production d'un réacteur nucléaire peut être modulée. Mais, n'est-il pas plus simple et plus économique de n'utiliser alors que des centrales nucléaires (sans effet nuisible sur l'environnement) plutôt que de ralentir leur production ? Le coût du combustible nucléaire est faible (de l'ordre de 5 % du total) et les coûts fixes des centrales nucléaires sont les mêmes qu'elles fonctionnent à plein temps ou à temps partiel. En les utilisant complètement, on dépense à peine plus et on évite un énorme investissement supplémentaire.

Les atouts du nucléaire sont nombreux et restent pertinents. Voici les principaux :

- Pas d'émission dans l'environnement de gaz nocifs.

- Coûts compétitifs et maîtrisés car peu sensibles aux aléas politiques.

- Installations pouvant être utilisées au moins soixante ans (à comparer à vingt ans pour les éoliennes).

- Indépendance énergétique (l'essentiel des dépenses est fait en France).

- Industrie créatrice d'emplois nombreux et qualifiés.

- Très grande sûreté de l'industrie nucléaire en comparaison des autres industries.

- Gestion des déchets maîtrisée et sûre.

- Ressources de combustible potentiellement quasiment illimitées avec la surgénération, une technologie connue depuis Superphénix.

En conclusion...

La France a su développer une industrie où elle est en pointe.

La compétence existe encore mais doit être préservée et entretenue.

Le chiffre souvent avancé d'une part de 50 % de nucléaire dans la production d'électricité n'est étayé par strictement aucune justification technique ou économique.

Évitons de refaire l'erreur d'avoir arrêté prématurément Superphénix, puisque la surgénération devra être mise en œuvre à long terme. Utilisons déjà nos centrales jusqu'à leur terme normal.

L'utilisation des réacteurs actuels peut être encore prolongée pendant quelques décennies mais un renouvellement du parc devra être envisagé : la voie du nucléaire est certainement la plus prometteuse pour la France (la réponse n'est pas forcément la même pour d'autres pays, par exemple africains).

Pour la suite, il faudra convaincre l'opinion et les politiques de l'atout du nucléaire : c'est certainement ce qui sera le plus difficile...

 

Paul Reuss, ancien professeur à l'Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) et ancien ingénieur au CEA

Commentaires

Eh oui, dominique WENGER a tout à fait raison ! A part se passer du charbon dont la fin est programmée dans 4 ans, toutes les énergies seront utiles. A part une révolution dans le domaine des éoliennes domestiques, personne ne sait comment tout pourrait fonctionner au tout ENR. Alors, oui on va me ressortir le rapport de l’Ademe sur le 100 % renouvelables. Un rapport qui n’a pas été lu par ses défenseurs comme le montre de manière très pertinente ce long article de Libération http://sciences.blogs.liberation.fr/2015/11/09/ademe-un-mix-electrique-1...
Libé n’est pas connu pour être climato-sceptique ou pro-nucléaire… mais quand un travail de fond est mené, on en arrive à la conclusion que le 100 % renouvelables en 2050 n’est pas possible. Il faut juste aller au-delà des titres et des trois premières lignes. Mais quand l’envie de faire la peau au nucléaire ou à autre chose parle, la raison est laissée de côté.

75019

Si on accepte le risque nucléaire (et cela doit être discuté) il n'y a aucunement besoin, en France, d'ENR intermittentes pour l'électricité. On s'en est très bien passé pendant plus de trente ans.
Si on ne l'accepte pas, il faut assumer la combustion des énergies fossiles. Dans ce cas, les ENR peuvent économiser un peu de charbon ou de gaz, mais pas tant que ça (voir l'Allemagne...)

75013

L'article de S. Huet sur le scénario de l'Ademe est un pamphlet militant rempli d'erreurs, de contre sens, et de manipulations.

Cf par exemple cette analyse : https://blogs.mediapart.fr/nicom/blog/030516/le-scenario-de-lademe-sur-l...

Un exemple parmi beaucoup d'autres : S. Huet indique que les hypothèses de coût en sortie d'installation pour le PV et l'éolien prises par l'Ademe à l'horizon 2050 sont "optimistes" et "irréalistes". Or ces hypothèses de coût pour 2050 sont .... supérieures aux coûts constatés aujourd'hui (d'un facteur proche de 50 % si on regarde les résultats des derniers appels d'offres espagnols). Bien sûr S. Huet n'a pas jugé bon de publier de rectificatif alors que cette erreur hallucinante lui a été plusieurs fois signalée.

13001

@ l'auteur Paul REUSS

Vous faites une importante erreur paragraphe 2

2 - La principale source d'énergie dite renouvelable c'est l'HYDRAULIQUE
Près de 350 TWH produit en europe en 2017 ce qui dépasse largement les cumules des autres (même si l'on comptabilisait la dérisoire production des moyens personnels)

Dans les médias l'ont entends surtout parler de celles que vous nommés, mais en terme d'intérêt pour la société européenne elles sont marginales (la faute à l'intermittence qui oblige d'avoir des moyens de production devant s'y substituer).

http://observatoire-electricite.fr/analyses-de-donnees/Production-hydrau...
http://observatoire-electricite.fr/analyses-de-donnees/Production-eolien...
http://observatoire-electricite.fr/analyses-de-donnees/Production-photov...

Cela dit, en regardant les graphiques historique ci dessus, on observe une évolution rapide de la production d'énergie éolienne en Europe. Celle ci pourrait dans moins d'une dizaine d'année égaler la production hydraulique (au grand dam de nos économies).

94600

Merci à Daniel Perrini d’avoir rappelé l’existence du rapport de l’ADEME qui date d’octobre 2015 et qui s’intitule « Un mix énergétique 100 % renouvelable ? Analyses et optimisations ». Il suffit de lire le préambule de 3 pages pour comprendre que le 100% ENR en 2050 ne constitue qu’un élément de langage de la part des écologistes. http://m0.libe.com/blogs/sciences.blogs.liberation.fr/2015/11/09/rapport...
Ce rapport a atteint l’objectif qu’il s’était fixé : faire le buzz et sortir l’ADEME d’un anonymat. Mais un petit instant sous les projecteurs n’a pas changé la donne. Preuve que le 100% renouvelable est un mythe (pour 2050), aucun expert sérieux et même aucun homme politique qui se veut crédible n’en parle encore. Rangé dans le magasins des souvenirs, le 100% renouvelable made in ADEME n’aura pas vécu bien longtemps. La réalité sonne comme un rappel. La France est en retard sur son objectif de 32% de renouvelable en 2020 mais elle prétendrait être à 100% en 2050 ! Pas assez de subventions soufflent encore certains. Les milliards volent et le compte en banque des français se réduit dangereusement. 4Vconsulting avait raison lorsqu’il disait plus haut que le nucléaire est payé par les factures d’électricité et le renouvelable par les impôts. A trop augmenter ces derniers, c’est tout le système qui flanche et au lieu d’accélérer le mouvement en faveur du renouvelable, on le ralentit.

17000

L'erreur de P Reuss n'a pas de conséquences sur la pertinence de ses propos. D'ailleurs, vous faites aussi une erreur: la principale source d'énergie renouvelable dans le monde est la biomasse.

Et en Europe, si on parle en puissance installée, éolien plus solaire est largement plus que l'hydraulique.

En énergie, c'est peanuts et comme vous le dites, hors de prix.

75013

Mea Culpa, en effet la biomasse est la première source d’énergie dites renouvelable utilisée dans le monde et peut-être même en Europe. Bien que ce soit difficile de quantifier l'utilisation du bois de chauffage.

L'hydraulique est la première source d’énergie dites renouvelable uniquement pour la production d’électricité. Les chiffres indiquent un ratio de 1/10 Twh

94600

Soyons synthétiques et précis :

1) le nucléaire est effectivement une énergie non polluante. La transition écologique peut avoir le sourire.

2) le stockage des déchets paraît sûr et contrôlé par des organismes indépendants. Les déchets en question constituent une partie infime de l’uranium utilisé. Les agences peuvent donc gérer tout ça sans problème insurmontable.

3) Les ENR ne sont pas prêtes aujourd'hui - le cas allemagne l’a démontré. Le nucléaire est en mesure d'accompagner ce développement des renouvelables sur notre territoire.

4) Le prix de l’électricité en France est meilleur marché et il n’y a jamais de black out comme cela a été dit.

5) Les centaines de milliers d’emplois ne sont pas de trop.

Avec une gestion indépendante et ferme de la sûreté nucléaire, il faut être fou pour débrancher nos centrales !
Alors oui, bien évidemment, ces 5 arguments peuvent être modérés voir contestés de toute part mais cela reviendrait à céder à un catastrophisme qui n'a pas lieu d'être.

92500

La France concentre les "dépenses vertes" sur l'électricité qui est déjà décarbonée grâce essentiellement à l'énergie nucléaire et à l'hydraulique, au lieu d'utiliser ces moyens financiers pour réduire l'usage des énergies fossiles dans le chauffage urbain et les transports routiers (principales sources de la pollution urbaine) ou maritimes.
Pour ce dernier point, il convient de signaler quelques excellentes initiatives de raccordement électrique de bateaux à quai afin d'éviter le fonctionnement continu des groupes électrogènes embarqués qui polluent nos villes portuaires comme Marseille, par exemple.
Le contexte mondial est différent dans la mesure où il serait nécessaire de décarboner l'électricité massivement produite par les centrales à charbon : les fermer au plus vite en faveur des EnR, de l'énergie nucléaire et du gaz naturel.
Toutefois, quand bien même 100 GW d'EnR ont été installés en Allemagne, ce pays a conservé disponible les 100 GW des centrales conventionnelles pour une consommation maximale d'environ 84 GW, soit plus du double de la puissance nécessaire. C'est une démonstration de la nécessité de conserver la totalité d'un parc thermique pour pallier les intermittences des EnR dès lors que l'on décide de se passer de l'énergie nucléaire.
La question du stockage de l'énergie électrique a pu être évoquée sans rappeler les possibilités de l'hydrogène pour résoudre cette difficulté. Parallèlement, les espoirs fondés sur l'utilisation de l'hydrogène pour les transports ("hydrogène énergie") apparaissent déraisonnables au regard des contraintes de sécurité et des analyses coûts/bénéfices.

13090

Je suis un peu d'accord avec les quelques avis précédents et je pense qu’il est déraisonnable de s’acharner sur nos centrales nucléaires alors qu’elles ont déjà démontré leur utilité et leur sûreté. Il est inenvisageable de renoncer à 400 TWh d’électricité par an juste pour copier l’Allemagne. Cela amènera à une catastrophe écologique et sociale d’une ampleur difficilement imaginable. En fermant nos réacteurs, ce sont des milliers d’emplois qui sont condamnés et c’est toute une industrie qui disparaîtra. Des savoirs faire, des programmes universitaires, de la matière grise mise au service de l’économie française…
De plus, personne ne sait comment trouver les 400 TWh produits chaque année par nos centrales. Les énergies vertes ne suffiront pas à courte ou moyenne échéance et ce sera un scenario à l’Allemande qui prévaudra. Le charbon fera son grand retour et sous prétexte de polluer moins, la Russie et ses hydrocarbures seront appelés à la rescousse.
Le tableau n’est vraiment pas réjouissant alors que continuer avec le nucléaire offre des avantages non négligeables. Une énergie propre et maîtrisée par des experts depuis 60 ans. La possibilité de prolonger la durée de vie des centrales de 40 à 60 ans. D’autant plus que l’EPR arrive enfin et qu’il serait certainement judicieux de construire une nouvelle centrale de ce type à l’horizon 2030.
Et contrairement à ce qui se dit souvent, poursuivre le nucléaire ne signifie pas la mise à mort d’énergies renouvelables encore dans leur enfance. Le nucléaire est un tuteur qui deviendra peut-être obsolète un jour. Ce temps n’est pas encore arrivé. Il viendra mais sans les erreurs commises ou que veulent nous faire commettre certains.

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