QUESTION 129 / Un dossier merveilleux : quels sont ses points faibles ?< Retour
Posée par Jean-Luc SOULDADIÉ, (TOULOUSE), le 20/02/2014 [Origine : Site Internet]
Associé à Aménagement du sud francilien et emploi; Coût, financement et fiscalité; Insertion urbaine et fonctions du nouveau quartier; La pratique du rugby
Quand on parcourt les documents, tout est merveilleux dans le meilleur des mondes. Ce grand stade est une opportunité unique pour le sud-est de Paris, avec l'apport de nouvelles rentrées fiscales pour les collectivités (à qui il faut bien vendre le projet et cajoler pour qu'elles se portent garantes des prêts) et de nouvelles dépenses pour les habitants (toujours plus nombreux et toujours plus riches bien sûr), habitants actuels qui doivent se morfondre tellement l'offre de loisirs est pauvre (y a bien le rugby mais à la TV seulement car il faut traverser tout Paris pour voir jouer l'équipe de France ou le RM92 ou le Stade Français...). Mais où sont donc les points faibles de ce dossier mirifique ? Mon Dieu, construisons un grand stade dans toutes les villes de France avec des restaurants, des zones ludo-sportivo-commerciales et le PIB va grimper en flèche !
Des points faibles, j'en vois trois :
- le premier c'est qu'il n'y en a pas mais je vais vous présenter ...
- ...le second, ce sont les dérives. Tout ceux qui connaissent ce type de grand projet du monde du BTP savent que le coût prévisionnel affiché pour amadouer (ici 600 M€) n'est JAMAIS le coût réel payé à la fin du chantier. Il faut un coefficient multiplicateur : 1.25 quand tout va bien, 1.5 quand ça dérape bien et 2 quand ça part en vrille. J'aimerai donc savoir quel serait l'impact sur le business plan d'un surcoût du projet selon les coefficients précités ? Si ces coefficients ne sont pas objectifs, que le maître d'ouvrage présente au moins le coût estimatif initial et le coût final de quelques grands stades récemment construits ou en construction en France (Lille, Nice, Le Mans, Le Havre, Bordeaux, Lyon) et en Europe pour justifier le coût final et réel de son projet. Pour montrer l'enjolivement du projet, je fais faire un zoom sur le restaurant prévu pour 800 couverts. J'ai posé la question à midi au responsable du restaurant d'entreprise où je travaille : entre 900 et 1100 couverts chaque midi, beaucoup moins le soir et le week-end pour 17 employés (qui ne sont pas tous à temps plein). Le dossier du Grand Stade FFR fait état de 800 couverts dans le restaurant pour 40 ETP. Sur quelle base sont estimés ces 40 ETP pour le futur restaurant du grand stade ?
- Dernier point : toutes ces nouvelles activités et commerces autour du futur stade risquent d'avoir des retombées négatives pour des commerces ou activités existantes dans les communes riveraines. Pourquoi n'ont-elles pas été estimées ? Sans aller jusqu'à la caricature des grands centres commerciaux où 1 emploi créé = 3 emplois du petit commerce détruits, ce point aurait mérité d'être abordé.
RÉPONSE DES PORTEURS DU PROJET (MAÎTRISE D'OUVRAGE), LE 28/02/2014
Bonjour,
Nous allons essayer de répondre à vos différentes questions, même si au ton de vos questions il semble que vous ne changerez pas d’avis.
1) Mais où sont donc les points faibles de ce dossier mirifique ?
Dans tout projet de développement humain, il y a des risques et la MO en est bien consciente. Quand la FFR a décidé la construction du Centre National de Rugby, nombreux étaient ceux qui annonçaient une folie. De même lors de la construction du stade de France, nombreux était ceux qui prédisaient une catastrophe financière ce qui n’est jamais arrivé, même si l’Etat n’aura pas été le grand bénéficiaire de ce succès commercial. Personne ne croyait que le public irait à St-Denis en banlieue. On prédisait aussi un échec pour l’implantation d’Euro Disney à Marne la Vallée. Il faut aussi se souvenir que la Défense était à l’époque une banlieue pas très florissante. Paris a grandi depuis, et dans un projet comme celui d’aujourd’hui, il ne faut pas regarder le Paris actuel, mais le grand Paris et lIle de France avec ses 12 millions d’habitants.
Pour ceux qui douteraient du succès commercial du stade de France tant pour le concessionnaire que pour l’Etat, il est possible de consulter les comptes du Consortium Stade de France qui n’aura jamais été déficitaire et cela depuis son premier exercice. L’Etat qui en est l’unique propriétaire, en n’en finançant que 50%, a pu équilibrer ses sorties de fonds (indemnités pour absence de club résident de football) avec les ressources générées par le stade (indemnités versées par le consortium à l’Etat pour cause de résultat supérieur à ceux attendus dans le business plan contractuel de la concession, différentiel de TVA, impôt sur les sociétés, …).
Enfin l’emprunt auprès des établissements de crédit a été remboursé complètement en 2013. Les dettes présentes au bilan du consortium ne représentent plus que celles des fournisseurs, des dettes sociales et fiscales ou des avances reçues des clients ayant réservés des loges sur plusieurs années.
Dans votre commentaire sur la réponse à la question 21, vous affirmez que la dette de 63,4 M€ au 31/12/2012 est la dette financière auprès des banques. C’est une erreur, au 31/12/2012 cette dette n’était plus que de 14,6 M€ (intérêt compris). Le reste des 48,8 M€ est le total des dettes fournisseurs (19,6 M€), sociales et fiscales ( 13,2 M€) et autres dettes (16 M€) (http://www.societe.com/bilan/consortium-stade-de-france/399452564201212311.html#). La dette vis-à-vis des banques au 30 juin 2011 était de 34,4M€ (http://www.societe.com/bilan/consortium-stade-de-france/399452564201106301.html) soit une diminution d’environ 19,8 M€ d’un exercice à l’autre.
2) J'aimerai donc savoir quel serait l'impact sur le business plan d'un surcoût du projet selon les coefficients précités (1.25 quand tout va bien, 1.5 quand ça dérape bien et 2 quand ça part en vrille) ?
Dans votre préliminaire vous affirmez que tous les projets dérapent au niveau des coûts pour le maître d’ouvrage. Ce n’est pas exact, comme il serait faux de dire que les coûts ne dépassent JAMAIS les budgets prévus. On parle plus souvent des scandales de dépassement des coûts que des cas qui se sont bien passés et dont on ne parle jamais. Dans le cas de construction de stade, il y a deux exemples récents de stade dont le coût de construction signé par la ville n’a pas été dépassé, c’est celui de Lille et de Nice qui ont fait tous les deux l’objet d’un PPP. Dans ces deux cas, le risque de la construction a été transféré en totalité sur le constructeur-mainteneur futur exploitant du stade. Celui du stade du Mans n’a pas été dépassé. Dans ce dernier cas c’est l’aléa sportif qui a fait voler en éclat le business plan prévu initialement. Aléa sportif que ne connaîtra pas le XV de France.
Afin de ne pas dépasser le budget initialement prévu de 600 millions, la FFR a prévu de signer un contrat global de conception-construction-promotion et maintenance afin de transférer la totalité du risque sur le constructeur. En 2001, la FFR a déjà pratiqué cette technique lors de la construction de son centre national de rugby qui a été livré en temps et en heure et au coût contractualisé. C’est le meilleur exemple que nous connaissons car nous l’avons pratiqué.
Le financement étant privé, les établissements financiers qui participeront au tour de table vérifieront aussi la solidité du contrat de construction négocié par la FFR et le business plan. Ils ne libéreront les fonds que s’ils sont certains que toutes les précautions ont été prises.
Nous ne sommes pas dans le cadre d’un investissement public, où la puissance publique parfois modifie le cahier des charges du projet en cours de construction et amène de ce fait des dérives significatives. Autant le risque de dépassement de coût est improbable, autant le non respect de toutes les spécifications du cahier des charges fonctionnel et technique est possible. C’est pourquoi la FFR travaille depuis plus de 12 mois sur un cahier des charges fonctionnel et technique le plus précis possible afin de ne pas avoir de baisse dans la qualité de la construction du stade, ni dans sa maintenance ultérieure. Afin de se préserver d’un excès d’optimisme du concepteur, içi la société POPULOUS qui a l’expérience de la construction de plus de 50 stades d’une jauge supérieure à 50.000 places dans le monde, la FFR a exigé que les architectes s’associent à des sociétés d’ingénierie et d’économie de la construction afin de sécuriser les coûts induits par la conception du stade. Dans le cas présent, c’est la société EGIS, une des plus grandes sociétés d’ingénierie française, qui a participé à la construction de la plupart des stades en France. C’est ce groupement qui a conforté en 2012 la première estimation du stade qui avait été faite en 2009.
Pour répondre encore plus précisément à votre question, la FFR avec la société McKinsey a fait réaliser un modèle de stress test avec une quarantaine de variables issues du busines plan, dont le coût du stade avec une probabilité de dépassement de 10% selon une loi binomiale pour cette variable spécifique. Le résultat global de ce test a été positif et a permis de conforter le business plan du projet.
3) Dernier point : toutes ces nouvelles activités et commerces autour du futur stade risquent d'avoir des retombées négatives pour des commerces ou activités existantes dans les communes riveraines. Pourquoi n'ont-elles pas été estimées ?
Dans le cahier des charges du dialogue compétitif du projet d'aménagement transmis par les collectivités locales aux 3 groupements de maîtrise d'oeuvre urbaine, il est bien spécifié que les activités développées sur le périmètre de projet devaient être pensées en synergie avec les autres projets d'aménagements existants ou à venir à l'échelle du Centre Essonne.
Les différentes collectivités locales (CG91, CAECE, ville de Ris-Orangis et de Bondoufle), maîtres d'ouvrages du projet d'aménagement sont les garantes des équilibres territoriaux, chacune à son échelle de responsabilité et d'intervention.
Cordialement
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