Contribution IDFE du 21 décembre

Publié par CPDP - CPDP le 24 décembre 2009

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Contribution IDFE au débat public

Projet de centre de valorisation biologique et énergétique des déchets à Ivry-Paris XIII

21/12/2009

 
Les enjeux du débat sur le traitement des déchets en zone urbaine dense reposent sur des présupposés, malheureusement obscurcis par les 4 mois de débat d’Ivry, qu’il convient de clarifier. Cette clarification est d’autant plus nécessaire que la reconstruction éventuelle de l’incinérateur d’Ivry impactera l’environnement pour 40 à 50 ans.
 
Il est nécessaire, notamment, de faire ressortir les facteurs antagonistes : réchauffement climatique, diminution des ressources énergétiques d’une part, croissance des activités économiques, promoteur du développement et augmentation vertigineuses des déchets de cette activité humaine, d’autre part.
 
L’idée de tirer partie de cette explosion des déchets afin d’en tirer une valorisation pour économiser l’énergie fossile est un modèle qui a toujours séduit les ingénieurs et les décideurs politiques. Il convient, toutefois, de réinterroger ce modèle qui, malheureusement, n’est pas nouveau puisque toutes les activités industrielles bien conduites tentent de limiter les consommations énergétique et matière sur toute la chaîne de transformation et donc de recycler ou de récupérer tout ce qui est possible. Ces 20 dernières années le gain dans le secteur industriel a été considérable alors que la gaspillage continuait dans le transport et le groupe habitat-tertiaire. Ce modèle ancien convient-il encore à Ivry ?
 
Le bilan 2008 de la TIRU d’Ivry indique une production d’1 Gwh de vapeur pour chauffer 55 000 logements. Le projet suggère une production du même ordre de grandeur afin de chauffer le double de logements (meilleure isolation thermique de l’habitat). De même, il est produit et commercialisé une quantité importante d’électricité. Enfin, la petite couronne parisienne va voir sa densité de population augmenter sensiblement et donc s’accroître les besoins d’énergie de chauffage (vapeur et électricité). Tout ceci porte à croire que l’incinération des déchets ménagers, source de chauffage et d’électricité, va encore croître.
 
La question qui se pose alors; est-ce compatible avec les divers plans : de réduction des gaz à effets de serre, limitation de la croissance de la température moyenne de la planète de + 2°C (Copenhague décembre 2009), de réduction des déchets (PREDMA),… ?
 
Les déchets ménagers représentent moins d’un quart des déchets annuels produit en France. Leur réduction de 5 kg par an et par personne pendant les 5 années à venir a été décidé par le Grenelle I. Cette réduction est possible si tous les acteurs : industriels, commerçants, consommateurs, allient leurs efforts. Ce premier changement a été intégré dans le modèle du nouvel incinérateur qui voit le pouvoir énergétique des déchets croître à la fois par le tri sélectif, le tri des fermentescibles et une meilleure collecte. Néanmoins, si la population francilienne croît d’un million à l’horizon 2020… il est à craindre que les déchets et les besoins énergétiques continueront à augmenter.
 
Le tri sélectif, base d’un recyclage massif et d’économie énergétique, est presque totalement oublié alors que c’est une des voies majeures de progrès vers laquelle les pays du nord de l’Europe se sont depuis plus de 20 ans tournés (Allemagne, Belgique, Suède…)…La méthanisation des déchets biofermentescibles, autre possibilité de récupérer de l’énergie et de réduire biologiquement les déchets, n’en est qu’à ses balbutiements et pour séduisante qu’elle soit, est mise en avant pour faire passer la pilule crématoire. Malheureusement, le tri mécano-biologique des déchets en amont est un gaspillage d’énergie et une source de nuisances. Sans parler de cogénération énergétique (récupération des pertes d’énergie) qui doit être un système trop complexe pour nos sociétés trop formatés au productivisme.
 
On constate donc que trois modes de traitements des déchets : réduction à la source (le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit), tri sélectif à haut rendement, bio-fermentation… sont quasiment délaissés au profit d’une méthodologie qui réduit effectivement les déchets et les « valorise »… mais à quel prix. Dans les incinérateurs, même les plus modernes (Isséane), la production de gaz à effet de serres est intense et pour couronner le tout, les rejets de polluants tant aériens que liquides et solides sont très mal évalués… Si le coût environnemental était, pour une fois, pris en compte dans le modèle économique, il est probable que les coûts globaux exploseraient et montreraient que les autres modes de réduction des déchets cités plus haut sont sérieusement à mettre en Å“uvre.
 
Enfin, nous terminerons cette clarification par une analyse des différents intervenants dans ce projet de reconstruction de l’incinérateur d’Ivry… Le maître d’ouvrage est le syndicat SYCTOM (les collectivités territoriales du bassin versant), dont le président siège aussi au conseil de la ville phare ainsi qu’à celui d’un des clients, le producteur/vendeur de vapeur (CPCU filiale de GDF-Suez et de la Mairie de Paris), étonnante proximité bien nationale. L’autre maître d’Å“uvre, l’exploitant de l’incinérateur, la société TIRU dont les trois composants sont des producteurs d’électricité (EDF, GDF-Suez, Véolia), des collecteurs et des « réducteurs » de déchets par incinération ou enfouissement (Véolia, GDF-Suez-SITA).. Ainsi, ces intervenants ont des modèles de développement si voisins que leurs intérêts sont confondus… Autre bizarrerie, l’investissement publique du Syctom pour, entre autre, fournir la moitié des besoins de la CPCU en vapeur, compagnie privée, doit-il être financé uniquement par les ménages producteurs de déchets? L’énergie « fatale » issue de l’incinération est très vendable pour la CPCU qui devient aussi un gros producteur d’électricité… quelle est la part de d’investissement de la CPCU dans l’outil productif de vapeur, l’incinérateur ? Même question si un jour le biogaz produit par la méthanisation contribue à alimenter aussi l’usine de cogénération située à Vitry.
 
Dans ces conditions, on ne voit pas comment sauf profonde révolution mentale et économique leur faire envisager de développer un modèle plus écologique. Or, les changements sont ici présent et non devant nous, il faut anticiper les crises au lieu de les subir… Un philosophe du XIX ème siècle, Auguste Comte avait déjà bien résumé les termes du débat « Savoir, pour prévoir afin de pourvoir »… On sait mais on doute, on peut prévoir mais on laisse faire et conséquence on ne pourvoit pas… Est-ce ainsi que meurent les civilisations au sens de Paul Valéry ?
 
Jean-François Poitvin
Michel Riottot

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