Contribution d’ATTAC-Ivry-Charenton : les déchets, « toujours plus ? »

Publié par CPDP - CPDP le 7 décembre 2009

Le problème des déchets est un des questions à résoudre pour notre société, la recherche incessante de ventes croissantes signifiant aussi une croissance parallèle des déchets.
 
Comment les éliminer, c’est le problème posé au débat public sur le renouvellement de la centrale d’incinération. La seule solution est-elle d’incinérer une grosse partie des déchets ?
 
On nous présente l’argument de la « valorisation énergétique », puisque l’usine d’incinération d’Ivry est aussi une centrale qui produit, en cogénération, de l’électricité et de la chaleur (distribuée sur le réseau parisien de la CPCU).
 
Cette technologie de production d’électricité et de chaleur est certes une de celles qui a le meilleur rendement global, donc celle qui gaspille le moins d’énergie (le rendement en cogénération peut atteindre de 85 à 90 %, contre de 35 à 40 % pour une centrale thermique : dans celle-ci, la chaleur est simplement perdue, en réchauffant des rivières ou l’atmosphère, comme le font les centrales nucléaires).
 
Mais l’incinération ne se fait elle pas au détriment de la santé, et les déchets sont-ils un « bon combustible »Â ?
 
Depuis longtemps, la TIRU communique sur le fait que les fumées (en fait le panache visible) ce serait 99,9 % de vapeur d’eau, l’argument a été évoqué plusieurs fois dans des médias divers, répandant ainsi l’impression qu’il n’y avait pas de pollution.
 
Nous voulons qu’on mette fin à ce type d’équivoque, l’information sur les rejets doit être claire et compréhensible de tous, sans faux-fuyants.
 
Que trouve-t-on dans les bilans disponibles sur le site de la TIRU (centrale d’incinération d’Ivry) ?
(voir le Dossier d’Information du Public 2008, TIRU Ivry – pages 17 et 50)
 
ATTAC-1
Des tableaux, qui certes répondent aux prescriptions légales, mais qui ne sont guère parlants pour les personnes non averties.
 
Les mesures sont données en mg/Nm3 de fumées, c’est à dire en milligrammes par « Normaux m3 » ou m3 de fumées ramenés à 0° de température et à la pression normale.
 
Et ces mesures sont données pour un four, sachant que chaque four a un débit horaire moyen de 219.294 Nm3 par heure et qu’il y en a deux.
 
Il existe des incidents de fonctionnement, pendant lesquels les pollutions sont plus importantes. L’allumage du four donne aussi lieu à plus de pollution. Des seuils plus élevés existent, horaires ou à la demi-heure.
 
Nous demandons, pour prendre en compte l’incidence des problèmes de fonctionnement, que les poids des différents polluants, émis par jour, en kg, pour les deux fours réunis, soient donnés.
 
Ces résultats seraient compréhensibles par tous et pourraient servir à réaliser un document type « tableau de bord ».

 

La question de la vapeur d’eau a été un problème largement abordé dans le débat public

 
Les fumées seraient-elles composées à 99,9 % de vapeur d’eau ?
 
ATTAC-2bSi le panache, c’est à dire la part visible des fumées, est effectivement essentiellement composé de vapeur d’eau (avec des fines gouttelettes d’eau visibles), celle-ci ne représente que 23,4 % des fumées (et non « 99,9 % »). *
 
Le reste, majoritairement invisible, contient notamment 8,2 % de gaz carbonique, ce qui n’est pas rien à raison de 438.000 m3 de fumées rejetées chaque heure en moyenne par les 2 cheminées réunies.
 
Nous demandons que les flux mensuels de polluants, ainsi que les rejets en CO² et en vapeur d’eau, soient donnés en kg ou tonnes par mois, ce qui sera compréhensible par tous. Le volume total émis en m3 aussi serait aussi une indication claire.
 
Quant à la vapeur d’eau, comme cela représente de quoi chauffer 5.200 logements que de rendre invisible le panache, nous pensons qu’il est préférable que celui-ci reste visible.
 
Avant que les fumées ne soient lavées (1995), il n’y avait presque jamais de panache. Les fumées étaient alors plus polluantes qu’aujourd’hui. Maintenant, lavées, elles n’en contiennent pas moins, en moyenne, plusieurs tonnes par mois de dioxyde de soufre et bien plus d’une dizaine de tonnes d’oxydes d’azote (voir le tableau ci-dessus – DIP 2008 – les chiffres sont des flux de polluants mensuels moyens pour les 2 cheminées).

La question des mesures complémentaires de polluants

 
Il a été proposé que les associations réalisent par le bureau d’études de leur choix, une mesure complémentaire.
 
Nous pensons plus important de mesurer des polluants qui ne le sont pas actuellement, ou qui ne le sont pas suffisamment.
 
Ainsi, les métaux lourds (mercure, cadmium+thallium, et 9 autres métaux lourds) ne sont mesurés que 4 fois dans l’année, à l’occasion des contrôles périodiques réalisés par des bureaux d’études extérieurs. Nous proposons que ces contrôles soient plus réguliers, mensuels ou bi-mensuels, et que ceux qui peuvent l’être soient réalisés en continu.

Le problème des poussières

 
Les chiffres donnés actuellement pour les poussières sont des chiffres globaux (10 tonnes par an). Or toutes les poussières ne sont pas équivalentes en danger pour la santé. Plus des particules sont petites, plus elles sont nocives, et c’est surtout en raison de leur petite taille (0,4 millièmes de mm) que les particules ultrafines émises par les moteurs diésel sont plus dangereuses.
 
Nous demandons des mesures des poussières en fonction de leur taille, en particulier pour les poussières voisines de 10 micromètres (millièmes de mm) et inférieures (PM 10, PM 1 et plus petit).
 
Les émissions à l’échelle du nano (millionième de mm) ont encore un effet mal connu. Les industriels incluent des nanoparticules dans de nombreux produits, sans la moindre étude de leur effet sur les organismes vivants, et au mépris de tout principe de précaution. Un débat public est d’ailleurs en cours sur ces questions, par la CNDP.
 
Ce problème devra être envisagé à l’avenir au niveau des rejets de l’incinération.

Le problème des dioxines et furanes

 
Les dioxines sont une famille de composés chlorés extrêmement dangereux et cancérigènes, à des doses extrêmement faibles.
 
Or, dans les produits fabriqués actuellement, les molécules chlorées sont moins courantes, on utilise de plus en plus des molécules contenant du brome.
 
Nous demandons qu’il soit effectué des mesures des dioxines bromées ou polybromés, dont le danger fait actuellement l’objet d’études.

La question de la prévention dans le traitement des déchets

 
Nous pensons la question de la prévention des déchets essentielle, et croyons que le problème a été pris à l’envers. Au lieu de chercher d’abord à dimensionner l’usine d’élimination des déchets, pourquoi ne pas avoir élaboré dans l’ensemble des communes relevant du SYTCOM des plans de prévention se basant sur les expériences les plus avancées dans ce domaine. Il n’est pas trop tard, et cette démarche devrait être incitée.
 
L’ADEME a développé des études sur le terrain sur la manière de réduire énormément nos déchets. Utilisons-les !
 
Filières de recyclage ou de réparation des objets, réduction des déchets végétaux à la source par des composteurs à domicile ou d’immeuble, formation de « maîtres-composteurs » sont quelques pistes à étudier suivant les contextes locaux.
 
Pour que cette action se déroule au mieux, ensuite, collecte séparée des déchets fermentescibles restants pour produire un compost de qualité (et non ce qui est proposé, en partant de la poubelle actuelle, triée mécaniquement, ce qui laissera forcément des petits débris indésirables dans le compost)
 
Les déchets collectifs d’entreprise sont un secteur où le tri est facilement envisageable.
 
Développer la collecte des déchets fermentescibles des restaurants d’entreprise, des cantines scolaires, des hôpitaux mais aussi des restaurants pourrait être un point des départ pour une collecte séparée des fermentescibles.
 
Rechercher et développer de nouvelles filières de recyclage : ainsi, actuellement, en Allemagne, le polystyrène commence a être recyclé, alors qu’ici il est brûlé. Il peut être stocké en attendant la mise en route de cette filière ici, et il en est de même pour de nombreux plastiques.
 
La collecte des papiers, en particulier des papiers tels que photocopies ou documents dactylographiés dans les bureaux, des papiers divers dans les logements, peut se développer et figurer dans un plan d’élimination des déchets.
 
L’appui à des systèmes tels que l’achat en vrac des produits alimentaires (céréales, pâtes, riz, aliments secs mais aussi, pourquoi pas biscuits…) est à développer, ainsi que la consigne, abandonnée depuis des décennies.
 
En ce qui concerne la valorisation énergétique des déchets : nous reconnaissons qu’elle est préférable au gaspillage de l’énergie, et qu’il est évidemment préférable lorsqu’on brûle, de le faire en co-génération (production d’électricité et de chaleur pour alimenter un réseau).
 
Mais cela ne doit pas devenir la raison de l’incinération, et les efforts doivent viser à
la réduction au maximum de celle-ci, car les déchets, par leur composition, par les émissions qu’ils engendrent (dans l’atmosphère, dans l’eau, au niveau des mâchefers) ne sont pas un bon combustible.
 
Enfin, au niveau de l’énergie, nous ne devons pas oublier les objectifs du Grenelle de l’environnement : diviser par 2 l’émission des gaz à effet de serre en 2020 et par 4 en 2050 : cela supposera le développement de bâtiments excessivement plus économes, voire à énergie positive. Donc les besoins en chaleur doivent diminuer.

 
Le problème des déchets pour nous n’est pas anodin : il pose la question du type de développement de nos sociétés, avec la recherche incessante de croissance (de la production, des profits, des marchandises, du pillage des ressources naturelles…)
 
Nous pensons que dans le cas concret du centre de traitement des déchets d’Ivry, il est indispensable de le concevoir dans le cadre des objectifs à long terme de réduction drastique tant des déchets que des gaz à effet de serre, de la réduction de la consommation d’énergie et du gaspillage énergétique : tout ceci passant par des actions radicales tout en améliorant – et non en diminuant – notre confort et de nos conditions de vie.
 
ATTAC-3
ATTAC Ivry Charenton
Contact : attacivry@attac.org

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Une réponse à “Contribution d’ATTAC-Ivry-Charenton : les déchets, « toujours plus ? »”

  1. CPDP CPDP dit :

    Voici une réaction du groupe TIRU que Jean-Marie Rebillat nous a transmise par email le 9 décembre:
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    Que trouve-t-on dans les bilans du site TIRU ?

    Le tableau page 17 a pour but de montrer la situation de l’usine par rapport à la réglementation (seuils sur les concentrations dans les fumées). Pour ne pas alourdir la présentation les quantités mensuelles de substances rejetées, mois par mois, et annuelles ont été mise en annexe (annexe 3 : four 1 page 48, four 2, page 49 et total des deux fours, page 50)
    Les flux totaux émis (en fonctionnement normal et de façon accidentelle) se trouvent dans le tableau de la page 54. Chaque émission accidentelle fait l’objet d’un rapport au STIIIC et d’une estimation des quantités émises. Le tableau en page 83 récapitule ces incidents en détaillant leur raison et leur durée (un graphique très lisible dans le corps du texte en page 40 permet de visualiser la tendance d’une année à l’autre.

    Moyennes journalières et moyennes ½ horaire : le législateur sait que tout procédé industriel fluctue autour d’une moyenne (journalière en l’occurrence) mais il voulu limiter la marge de cette fluctuation et sa durée dans le temps, c’est pourquoi il a fixé des seuils sur les moyennes ½ heure en plus des seuils sur la moyenne journalière.

    Question de la pollution à l’allumage des fours : les fours ne démarrent pas avec des ordures ménagères mais à l’aide de brûleurs alimentés au fuel et à l’aide de bois de coupe. Un chapitre spécifique (chapitre 11 en page 40) est consacré à l’allumage et présente les mesures de polluants réalisées pendant cette phase. La pollution est du même ordre que pour des chaufferies bois ou fuel, voire moindres les installations de traitement des fumées étant plus sophistiquées.

    La question de la vapeur d’eau

    L’air de combustion (78% d’azote et 21% d’oxygène) va se charger en CO2 lors de la combustion (une partie de l’oxygène de l’air introduit se combine au carbone contenu dans les déchets pour produire du CO2), en eau (en partie l’humidité contenue dans le déchet et en partie l’eau introduite au niveau du traitement des fumées pour capter les polluants émis lors de la combustion). La composition des fumées en sortie cheminée est alors : 58 % d’azote (tout l’azote de l’air passe à travers le procédé sans modification mais diminue en proportion du fait de l’apparition du CO2 et de l’eau), 8 % de CO2, 11% d’O2, 23% de H2O et les très faibles quantités de polluants restant après le traitement des fumées et exprimés en mg/Nm3 et non en % pour que cela reste lisible.

    Quant à la question du gaz carbonique, il faut préciser qu’il est à 57% d’origine biomasse et donc qu’en Europe qui ne connait pas de phénomène de déforestation il ne s’accumule pas.

    Les quantités annuelles de CO2 exprimés en tonnes font l’objet d’une déclaration annuelle auprès du STIIIC et pourront effectivement être ajoutées dans le dossier d’information du public (l’expression en m3 ne serait pas lisible pour le public, compte-tenu de l’énormité du nombre). Une estimation en tonnes (et en m3) des quantités d’eau pourra également être faite.

    La question des mesures complémentaires de polluants

    Réponse à la demande de mesurer d’autres polluants : beaucoup d’autres polluants ont déjà été mesurés à l’occasion de campagnes de mesure (voir cahier d’acteur SVDU). De plus comme a eu l’occasion de l’écrire le professeur Narbonne « mesurer les dioxines qui sont les composés les plus toxiques et les plus stables est un bon indicateur du cocktail des substances dites inconnues pour ce qui concerne l’exposition humaine et environnementale.

    Le problème des poussières

    Les équipements de mesure en continu des poussières ne peuvent pas distinguer en fonction de la taille des poussières. Des mesures ponctuelles par prélèvement pourraient être faites.

    Nanoparticules : question à suivre en fonction de l’évolution des connaissances et des techniques de mesure

    Le problème des dioxines et furanes

    La question des mesures des dioxines bromées ou polybromées a fait l’objet d’une étude ADEME (développement d’une méthode d’analyse pour les dioxines bromées, réf 06-74-C0014, date publication : nov 2008). Dans ce rapport il est dit que les émissions de dioxine bromées représentent en moyenne 10% des dioxines chlorées dans les fumées et les cendres et que les traitements classiques des fumées pour abattre les dioxines chlorées sont valables pour les dioxines bromées
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